L'intelligence artificielle et le transport
L’introduction des véhicules “automobiles” à la fin du Xixème siècle a eu un impact considérable sur la qualité de vie des gens. L’avènement de l’intelligence artificielle dans le transport pourrait encore avoir un impact plus profond. Focus.
La fin de la tyrannie de la route
Le 19 mars 2018, un véhicule d’uber sans conducteur avait renversé une femme qui traversait en dehors du passage piéton. A l'hôpital, la victime perd la vie. Selon Uber, “le véhicule était en mode autonome lors de la collision, avec un opérateur derrière le volant”. Cet incident s'est passé aux États-unis à Tempe dans l'arizona et le véhicule en question faisait partie d’une large opération pilote lancée par Uber pour tester un service de taxis sans chauffeur. Bien que cet accident ne soit pas le premier dans lequel est impliqué une voiture autonome, c’est une première qu’un humain perde la vie. La sécurité des voitures sans conducteur a été ainsi mise en cause. Comme le montre bien cet incident, le chemin est encore loin pour les véhicules autonomes, contrairement à ce que prétendent les entreprises concernées, notamment Tesla. Cette méfiance n’a pas empêché l’intelligence artificielle de frayer un chemin dans le monde des transports … bien qu’à des proportions limitées. Le secteur des transports est en train de changer. Selon une étude réalisée par PS Market Research, le marché mondial de L'IA dans le transport était évalué à 1,4 milliard de dollars en 2017 et devrait atteindre 3,5 milliards de dollars d'ici 2023, progressant à un TCAC de 16,5%.
Les robots s’invitent dans nos rues
Au-delà de nous faciliter la vie, l’intelligence artificielle peut aider à rendre tous les modes de transport plus sûrs, plus propres, plus intelligents et plus efficaces.
Le transport autonome piloté par l'intelligence artificielle pourrait, par exemple, aider à réduire les erreurs humaines qui sont impliquées dans de nombreux accidents de la circulation. L’introduction de l’intelligence artificielle se traduit par une variété de capteurs (tels que GPS, caméras, radar), combinés à des actionneurs (dispositifs qui transforment un signal d'entrée en mouvement), des unités de contrôle et des logiciels. Certaines de ces technologies ne prennent en charge que certaines fonctions de conduite (comme le stationnement), d'autres sont destinées à remplacer complètement le conducteur humain. Les technologies D'IA qui prennent en charge certaines fonctions de conduite sont déjà largement disponibles sur le marché, tandis que des véhicules entièrement automatisés sont testés (y compris pour livrer des colis) dans un nombre limité de situations et de zones de conduite. En général, il est plus complexe de tester des véhicules automatisés dans les zones urbaines, car il existe de nombreux acteurs différents, des systèmes routiers et des infrastructures complexes (intersections, panneaux de signalisation, etc.), où le véhicule doit détecter beaucoup plus de signes (souvent imprévisibles) de mouvement.
Moins d’accidents et d'embouteillages…
Les systèmes basés sur L'IA utilisés dans les transports autonomes pourraient améliorer considérablement la sécurité routière, car l'erreur humaine (tel que l’excès de vitesse, la distraction et l'alcool au volant) est impliquée dans plus de 90% des accidents sur les routes, d’après une étude publiée par l’union Européenne. Rien qu’en Tunisie, l’an 2019 a vu plus de 5040 accidents de la route, blessant plus de 7320 personnes et coûtant la vie à plus d’un millier de citoyens. Des systèmes de conduite basés sur L’IA auraient plus de chance d’éviter de tels accidents. Les premiers tests ont prouvé que les voitures autonomes sont capables de réagir nettement plus rapidement que les conducteurs humains en cas d’anomalie. Les usagers des services du transport public tunisien peuvent, eux aussi, profiter de l’introduction d’une touche d’intelligence artificielle dans la gestion de ses différents composants. Imaginez, par exemple, que les sociétés de transport public soient capables de prédire la demande et d’être en mesure d’adapter les fréquences et les itinéraires de leurs bus, métros, trains, … Une telle flexibilité rendrait plus attractif le transport public, ce qui contribuerait, à son tour, à la réduction de la congestion et des émissions de gaz à effets de serre. Les effets sur la productivité sont aussi considérables : l'american Public Transport Association estime que pour chaque milliard de dollars investi dans les infrastructures de transport public, 36000 emplois sont créés, générant à leur tour plus de 3 milliards de dollars en transactions commerciales et environ 500 millions de dollars en recettes fiscales gouvernementales. Sans oublier les effets positifs sur le bien-être des citoyens. Les prérequis pour une telle intégration
de l’intelligence artificielle sont, selon Hichem Elloumi, PDG de la Société Régionale de Transport du Gouvernorat de Sfax (SORETRAS), à portée de main. “Tous nos bus sont équipés de GPS qui permet de suivre en temps-réel leur positionnement géographique”, a indiqué le responsable. “Il m’est déjà possible de consulter l’état de la flotte ainsi que de chaque véhicule qui le compose à partir de mon smartphone”, ajoute-t-il. Les compétences et les talents nécessaires pour le développement d’algorithmes intelligents qui en tirent pleinement profit sont aussi disponibles, selon Elloumi. “Nous recevons chaque année des dizaines de demandes de la part d’étudiants souhaitant développer de tels algorithmes”, explique-t-il. L'intelligence artificielle rend également possible le peloton de camions l'attelage de plusieurs poids lourds à une distance minimale les uns des autres, ce qui leur permet d'accélérer ou de freiner automatiquement et simultanément. Alors que le poids lourd principal est conduit par un conducteur humain, les conducteurs suivants ne peuvent être présents qu'en cas de situations de circulation complexes (comme des ronds-points) ou d'incidents inattendus, plutôt que de conduire activement. Ceci aurait certainement des implications importantes sur les échanges commerciaux. Selon un rapport Mckinsey, 65% des marchandises sont transportées par camions dans le monde. Et avec l'arrivée de camions autonomes, les dépenses d'entretien et d’administration diminueraient d'environ 45% selon les estimations du cabinet, ce qui pourrait avoir d’importantes répercussions sur les prix des produits. De plus, les algorithmes d'intelligence artificielle sont largement utilisés dans les plateformes de partage offrant des services de transport routier. Par exemple, la plateforme de covoiturage à courte distance Uber utilise des techniques D'IA au niveau de tous ses services; de la correspondance des conducteurs et des usagers à l'optimisation des itinéraires. Les technologies de L'IA sont également appliquées dans la gestion du trafic routier, aidant à analyser le modèle de trafic, le volume et d'autres facteurs. Ceux-ci peuvent, à leur tour, fournir aux conducteurs des informations sur l'itinéraire le plus rapide, pour soulager toute congestion du trafic qui pourrait se former. Les technologies d'intelligence artificielle aident également à maintenir la fluidité du trafic via des feux de circulation qui répondent, en temps réel, aux besoins de circulation sur le terrain. Mais le développement de telles fonctionnalités nécessite, d’abord, la constitution de bases de données compréhensives, ce qui n’est toujours pas facile.
… Mais les risques sont toujours là !
L'IA apporte de grands avantages au transport routier mais pose également de sérieux défis. Alors que certains estiment que l’amélioration de la qualité des transports publics grâce à L’IA permettrait de les rendre plus attractifs, d’autres préviennent que la baisse des coûts de transport et la libération du conducteur des tâches de conduite pourraient également inciter davantage de personnes à choisir la voiture. Ceci résulterait, par conséquent, à augmenter la congestion et la pollution atmosphérique. L'IA crée également de nouvelles situations à risque comme l'ont démontré des accidents avec des véhicules automatisés. Lorsque les véhicules sont de plus en plus automatisés mais pas encore complètement autonomes, les conducteurs peuvent être distraits et faire moins attention à la route. L'IA soulève également divers problèmes éthiques. Face à des situations de “vie contre vie”, la question de savoir comment un algorithme D'IA dans un véhicule entièrement automatisé devrait décider de la réaction du véhicule est sujette à polémique. Ainsi, est soulevée la question de qui devrait prendre une telle décision. Les algorithmes D'IA devraient-ils automatiser la prise de décision éthique de manière indépendante, ou tous les véhicules devraient-ils avoir les mêmes paramètres éthiques ? Sinon, les personnes qui achètent un véhicule entièrement automatisé pourraient-elles déterminer elles-mêmes ces paramètres? En cas d'accident, la responsabilité est un autre défi à résoudre. Une limite claire de responsabilité doit être définie pour les différents niveaux d'automatisation, afin qu'il soit possible d'identifier qui est réellement responsable de l'accident. Cela pourrait nécessiter des modifications de la législation, des règles de circulation et des polices d'assurance. En ce qui concerne l'emploi, il est prévu que L'IA contribuera à la création de nouveaux emplois, à la disparition d'autres et à la modification de la plupart de ceux qui restent. L'IA peut également permettre à davantage de personnes (par exemple les personnes à mobilité réduite) de participer au marché du travail ou aider à réduire les coûts de main-d'oeuvre (par exemple, les longues heures de conduite et l'arrêt pour une pause ne seront plus un problème avec les flottes entièrement automatisées). Au même temps, certains emplois, comme les chauffeurs d'autobus, de taxis et de camions, pourraient ne plus être nécessaires dans un futur proche, où des véhicules entièrement autonomes sont disponibles. Ces chauffeurs devront être reconvertis pour trouver un autre emploi. Mais l’un des défis les plus importants pour les systèmes intelligents n’est autre que la disponibilité des données nécessaires pour leur bon fonctionnement. “À la SORETRAS, nous disposons de toutes les données sur notre flotte, mais ce n’est pas suffisant”, affirme au Manager Hichem Elloumi. “Pour être en mesure de développer des systèmes intelligents, il est indispensable d’avoir accès à d’autres données tel que l’état du trafic routier, les différents travaux planifiés sur l’ensemble du réseau routier, etc.”, explique-t-il. Selon le responsable, avoir des systèmes intelligents pour la gestion des transports nécessite l’implication de tous les intervenants du secteur. “Les compagnies de transport ne pourront, à elles seules, résoudre ce problème”. Quoi qu’il en soit, la question est donc n’est plus de savoir si les voitures totalement autonomes seraient une réalité, mais plutôt d’anticiper leur arrivée sur les routes en masse. Les ramifications d’une telle introduction devraient donc être anticipées, non seulement par la mise à jour des lois mais aussi en actualisant les plans d’urbanisme, l'organisation du travail, et bien plus …