LA TECHNOLOGIE, SOURCE DE DANGERS
Quand d’importants paramètres de la conduite automobile ne peuvent être commandés que par écran tactile, le risque d’accident augmente.
La route nationale 36 entre Mannheim et Karlsruhe, en Allemagne, n’est pas une voie compliquée: la région est plate, elle se laisse parcourir rapidement et c’est une solution bienvenue quand, sur les autoroutes parallèles, le trafic est embouteillé.
Le 15 mars 2019, il pleuvait dru dans le coin. Un conducteur de Tesla a tenté d’activer ses essuie-glaces à l’aide de son écran tactile. Ce faisant, il est sorti de la route et a fauché plusieurs arbres. Selon le verdict d’un tribunal allemand en juillet 2020, la mise en marche des essuie-glaces dans la Tesla est une «installation électronique» qui ne peut être utilisée que lorsque les conditions météo et la visibilité le permettent et qu’il n’en résulte pas de distraction de la conduite.
LA DISTRACTION LIÉE À LA TECHNIQUE, UN PROBLÈME RÉPANDU
Le conducteur a vainement argué que l’écran tactile était un «élément technique de commande de sécurité». Les commentateurs évoquent les répercussions d’un tel jugement: soit la commande doit évoluer vers le vocal, soit il faut réinstaller dans les voitures certaines fonctions à commande analogique. Sans quoi les conducteurs se rendent punissables lorsqu’ils allument leurs phares ou leurs essuie-glaces.
Le problème de la distraction par les éléments de commande modernes est apparemment très répandu. Il y a quatre ans, l’Allianz Zentrum für Technik (AZT), en coopération avec Allianz Suisse, a publié l’étude «Distraction par les techniques d’information et de communication modernes et interaction sociale avec les conducteurs». «Selon cette étude, trois conducteurs sur quatre, en Suisse, se laissent distraire par la technique propre à leur véhicule, résume le porte-parole d’Allianz, Bernd de Wall. En outre, deux tiers des automobilistes suisses admettent être distraits par les
instruments de navigation, un sur cinq de manière générale par l’écran. Et presque un sur deux (44%) a de la peine à commander son autoradio par le menu sans se laisser distraire.»
Selon les calculs d’Allianz, la distraction par la technique, par-delà le smartphone, entraîne pour les automobilistes suisses un plus fort taux d’accidents. Ces dernières années, le nombre de fonctions affichées sur les écrans des voitures n’a cessé d’augmenter, ce qui accroît en parallèle le danger d’avoir le regard durablement distrait.
«En général, ce n’est pas le produit qui est le problème, mais l’aptitude limitée de l’être humain à faire plusieurs choses à la fois avec l’attention voulue, explique Bernd de Wall. Quand on actionne un écran tactile, on ne peut pas en même temps veiller correctement aux conditions de circulation. Les expériences en laboratoire comme celles sur le terrain le montrent semblablement.»
UNE PRÉPARATION SOIGNEUSE
Nombre de nouveaux concepts de commande (commande vocale, fonction de lecture et dispositif mains libres) s’avéreraient problématiques. «Mais en même temps, le conducteur se berce d’une plus grande sécurité: selon les chercheurs, la distraction n’est pas abaissée de la sorte à un niveau acceptable.»
Les commandes d’instruments qui ne servent pas à la conduite sécurisée d’un véhicule devraient être activées avant un trajet ou lors d’une interruption de trajet, estime Allianz. «Pour rouler en toute sécurité dans un véhicule moderne, il faut aujourd’hui plus que jamais une préparation soigneuse et de l’entraînement. Chaque conducteur devrait se familiariser suffisamment avec les dispositifs techniques de sa voiture avant de prendre la route», ajoute encore Bernd de Wall.
«Alors que l’activation du navigateur par exemple – ce qui se fait en principe avant le départ – paraît assez peu problématique, une commande possible uniquement par écran des essuie-glaces peut paraître plus compliquée puisque, suivant le temps qu’il fait, il faut les activer pendant qu’on roule», ajoute Marcel Rubin, un porte-parole d’Axa Suisse.
«Les éléments de commande essentiels qui doivent être activés pendant la conduite, par exemple le Tempomat, les clignotants ou les essuie-glaces, doivent pouvoir être activés de telle manière que les yeux restent fixés sur la route.» Et chez Axa également, on conseille de se familiariser déjà avant le départ avec l’utilisation des éléments de commande. «Ce conseil s’adresse en particulier aux personnes qui se déplacent régulièrement à bord de véhicules différents.» Cela concerne notamment beaucoup de voyageurs d’affaires qui recourent à des véhicules de location ou d’usage temporaire des grandes flottes d’entreprise.
«TROIS CONDUCTEURS SUR QUATRE SE LAISSENT DISTRAIRE PAR LA TECHNIQUE DE LEUR VOITURE.» Bernd de Wall Porte-parole, Allianz