«Reprendre telles quelles les règles européennes n’est pas la solution»
VAÏK MÜLLER AVOCAT SPÉCIALISÉ DANS LE DROIT BANCAIRE À GENÈVE.
Sa spécialisation dans le droit bancaire, et plus particulièrement dans celui de la gestion collective, l’a amené à contribuer au Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève. L’avocat défend une réglementation allégée pour la Suisse.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la finance durable?
J’ai répondu à l’intérêt de clients, notamment des sociétés de gestion de fortune, qui sont toujours plus confrontées au thème de l’investissement durable. Cela m’a amené à étudier l’impact de la nouvelle réglementation européenne sur les professionnels suisses de l’investissement.
Et quel est cet impact? La Suisse doit-elle vraiment adapter sa réglementation?
La réglementation européenne est amenée à être relativement précise et concrète à terme. Le droit suisse doit s’adapter pour rester en substance compatible avec le droit européen. Cette adaptation devrait être formalisée afin de permettre aux acteurs du marché de mieux appréhender ces questions dans leur pratique quotidienne.
Cette formalisation sert aussi les buts de la Finma. Une absence totale de formalisation n’est pas souhaitable, sous peine de donner l’impression que le droit suisse ne prend pas en compte les besoins des investisseurs.
N’est-il pas plus simple de reprendre le droit européen tel quel?
Nous devons procéder à un examen critique de la réglementation européenne, et en traduire les éléments les plus pertinents dans notre droit interne. Un travail préliminaire a déjà été fait par trois organisations: l’Association suisse des banquiers (ASB), la Swiss Funds & Asset Managment Association (SFAMA) en collaboration avec Swiss Sustainable Finance (SSF), mais ce travail est encore perfectible. En l’état, une reprise telle quelle des règles européennes, sans regard critique, n’est pas forcément la solution, en particulier pour le marché local.
Quel est le meilleur moyen: législation ou autorégulation?
L’autorégulation peut être mise en
oeuvre rapidement et possède l’avantage d’être proche des réalités des professionnels. Elle peut être étendue à l’ensemble des acteurs par décision de la Finma, acquérant ainsi une force obligatoire. Ce processus paraît plus efficace que le passage par la voie législative, plus lourde, et dont le travail risque, qui plus est, d’être inadapté ou déjà dépassé lors de son entrée en vigueur, le marché ayant évolué pendant la phase parlementaire.
Quelle sera la différence d’information aux investisseurs entre la Suisse et l’UE?
Une reprise de la nomenclature européenne pourrait être une bonne chose. Mais la réglementation suisse pourrait se montrer moins exigeante dans l’implémentation concrète. Il est important de tenir compte de la taille du marché suisse et du type d’acteur. Les détails seront visibles lorsque l’UE aura fixé les éléments qui devront figurer dans la documentation des produits financiers. La Suisse a intérêt à voir venir pour mieux calibrer sa réglementation.
L’investisseur ne recevra pas le même niveau d’information selon qu’il place son argent dans un fonds de droit suisse ou européen. A quels risques s’expose-t-il?
Une différence de réglementation ne crée pas forcément un différentiel qualitatif si les éléments clés sont remis aux investisseurs. C’est l’exposition claire de l’information qui est avant tout importante. De surcroît, les investisseurs institutionnels sont généralement suffisamment armés pour procéder à leur propre analyse.
L’autorégulation risque-t-elle d’affaiblir le caractère durable des placements collectifs de droit suisse?
La Suisse recourt davantage à l’autoréglementation. Un bon exemple, outre la Convention de diligence des banques, est incarné par certaines règles de la SFAMA. C’est donc un système parfaitement adapté aux réalités de notre pays, qui n’a pas à reprendre l’entier de la législation européenne et qui a fait ses preuves lors des examens techniques conduits par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).
Quel est l’intérêt en matière de concurrence entre places financières?
La concurrence est une réalité, notamment dans la gestion institutionnelle. Si une marge de manoeuvre est possible, il n’existe aucune raison qui devrait empêcher la Suisse d’en tirer parti.
«L’AUTORÉGULATION EST UN SYSTÈME PARFAITEMENT ADAPTÉ AUX RÉALITÉS DE NOTRE PAYS.» Vaïk Müller Avocat, Etude Tavernier Tschanz