«Le plus grand risque? Que l’on agisse sans conviction.»
GUILLAUME TAYLOR SA SOCIÉTÉ DE GESTION A PLACÉ QUELQUE 200 MILLIONS D’EUROS DANS DES PROJETS RÉPONDANT AUX EXIGENCES DE L’ÉCONOMIE RÉGÉNÉRATIVE.
Pour certains investisseurs, l’échafaudage réglementaire mis au point par Bruxelles ne relève pas que du devoir ou de l’évidence, c’est même une claire nécessité, faute de structures financières mieux adaptées et de réelles convictions en matière de finance durable. «Il est très important que les gouvernements donnent une impulsion. Mais les systèmes mis en place sont très compliqués, et les grandes entreprises s’en sortiront mieux que les petites, car elles disposent de davantage de moyens pour se conformer aux exigences de reporting posées par les nouvelles règles», explique Guillaume Taylor, l’un des gérants les plus profilés de Suisse en matière de finance durable.
Spécialisé dans la finance d’impact, celle qui mesure les résultats de ses placements dans tous les domaines d’existence d’une entreprise et de son environnement, et pas uniquement des paramètres financiers, le Genevois garde ses distances avec l’instauration d’une réglementation complexe visant à promouvoir la finance durable dans tous les domaines de l’investissement. «Ce ne sont pas les vieilles structures qui vont faciliter le changement de cadre référentiel. Il faudrait plutôt créer une volonté nouvelle avec des processus neufs», avance-t-il.
Quadia, sa société de gestion à Genève, a placé quelque 200 millions d’euros, depuis sa fondation en 2010, dans plusieurs dizaines de projets répondant aux exigences de l’économie régénérative. Celle-ci vise à créer autant d’impacts positifs pour l’environnement qu’elle provoque d’impacts négatifs. La circularité s’impose par conséquent comme l’un des principes essentiels. Comme toute société de gestion, Quadia distribue les avoirs de ses clients entre des fonds d’investissement spécialisés, des placements directs, des financements de projets et des soutiens à des programmes de financement. Quelques exemples de son portefeuille incluent la Banque alternative en Suisse, le projet Fairphone, qui commercialise des téléphones portables faisant la part belle au recyclage des matériaux, et du financement de start-up à un stade précoce de leur développement.
«Nous devrions concentrer nos efforts sur le fait de permettre l’émergence d’une
nouvelle économie directement liée à la nature», avance-t-il. Or, poursuit-il, «les entreprises connaissent très bien les chemins de la durabilité. Mais les obstacles qu’elles doivent franchir sont importants.» Il en liste trois: la pression sur les prix exercée par celle de la concurrence entre des entreprises qui sont toutes soumises à une même volonté du consommateur de payer toujours moins; la pression des investisseurs, qui exigent des rendements substantiels de leurs placements; et le secteur public, qui avance lentement dans ses efforts d’adaptation. «L’introduction de la taxonomie européenne présente l’avantage d’éliminer les biais concurrentiels en plaçant toutes les entreprises devant les mêmes exigences de durabilité. Mais le risque le plus important, dans ce cheminement, est que l’on agisse sans conviction.»