FEMMES AU POUVOIR
Alors que les noms donnés aux dirigeants restent largement masculins, les femmes cheffes d’entreprise utilisent de nouveaux codes, notamment avec l’anglais non genré.
Chef, patron, entrepreneur, ces termes ont longtemps été réservés aux hommes. Nicola Thibaudeau (photo), ingénieure en génie mécanique et directrice de MPS Micro Precision Systems, reconnaît l’importance d’avoir été très tôt en contact avec des femmes cheffes d’entreprise. «J’ai commencé ma carrière chez IBM, qui était une société très ouverte sur la mixité, dit-elle. Ma cheffe était une femme, c’était inspirant.» A 29 ans, Nicola Thibaudeau dirigeait déjà une usine de 40 employés; aujourd’hui, elle est à la tête d’une société de 400 collaborateurs, spécialisée dans l’électromécanique de haute précision à Bienne.
La langue joue en effet un rôle central dans l’accessibilité aux différents métiers. L’équipe de Pascal Gygax, psycholinguiste à l’Université de Fribourg, réalise des études auprès d’adolescentes et d’adolescents entre 14 et 17 ans. Il a constaté que présenter les différentes professions en utilisant des formes de langage inclusif avait un impact positif sur la façon dont les jeunes ressentent l’accessibilité aux divers corps de métier, indépendamment de leur genre. Pascal Gygax rappelle que de nombreux termes, telles qu’autrice ou entrepreneuse, ne sont pas des néologismes: «Au XVIIe siècle, l’Académie française a mené une vague de masculinisation et a retiré ces termes du dictionnaire. A la fin des années 1990, alors que de plus en plus de femmes se lancent dans l’entrepreneuriat ou occupent des positions importantes, la reféminisation de ces termes est freinée, car certaines d’entre elles y voient alors une dévalorisation. Dévalorisation que nos études ont remise en question.» Aujourd’hui, les femmes dirigeantes trouvent donc leurs solutions. «Sur ma carte de visite, j’ai indiqué CEO, dit Nicola Thibaudeau. Au sein de l’entreprise, je me fais appeler par mon prénom.» Pour elle, être une femme ne lui a jamais semblé être un obstacle pour réaliser ses ambitions, mais elle reconnaît que par son prénom et son poste, ses interlocuteurs présupposent souvent qu’ils s’adressent à un homme.