En Valais, des paris sur la mini-hydraulique
Oiken a inauguré mardi une toute petite centrale sur les hauteurs de Chalais. Le fournisseur d’électricité y voit une solution intéressante qu’il va massivement déployer. Son potentiel en Suisse reste toutefois débattu
Dans les vignes qui surplombent Chalais et Réchy, il y a un nouvel édifice. On le distingue à peine depuis les deux villages valaisans, près de Sierre, et de loin on croirait voir une cabane de vigneron. Un petit cube en béton à 630 mètres d’altitude. Un mazot moderne, sauf qu’il n’abrite aucun lit mais un alternateur et une turbine. Une centrale hydraulique, qui ne pèse pas plus d’une tonne et fait un mètre de haut. Son branchement à deux tuyaux souterrains, qui doivent la connecter à un réseau d’eau et à une source à proximité, et sa mise en service sont prévus pour cet été.
Cette centrale s’appelle la station du Perrec. Elle doit produire 490 MWh d’électricité par an, l’équivalent de la consommation de 110 ménages. Elle sera exploitée par Oiken, le gestionnaire de réseau de distribution dans 24 communes de la région. «La mini-hydraulique, ça paraît minime, mais en fait, ça a une maxi-influence», indiquait François Fellay, son directeur général mardi 28 mai, jour qu’a choisi le fournisseur d’électricité pour inaugurer la centrale, qui a coûté 900 000 francs, et parler de ses projets.
Une solution sous-estimée
Ces derniers sont importants, désormais. Des stations comme celle du Perrec devraient pousser, quasiment comme des champignons ces prochaines années dans la région. L’installation fait partie de 16 projets de sites de turbinage – réalisés, en cours ou à l’étude – menés par Oiken. Ils devraient tous avoir vu le jour d’ici à 2035. «Ensemble, ils doivent permettre de créer 56 GWh d’électricité par an, selon François Fellay. C’est fort, c’est l’équivalent de huit éoliennes de Charrat [un projet d’hélices près de Martigny, ndlr].» De quoi couvrir la demande de 12 500 ménages. «Les petits ruisseaux font les grandes rivières», indique Oiken dans une présentation tandis que Chalais se rêve en «cité de l’énergie».
La mini-hydraulique serait une carte sous-estimée du nouveau mix énergétique qui se dessine. Une cerise sur un nouveau gâteau, qui sera dominé par le photovoltaïque et la grande hydraulique. Contrairement à l’éolien ou aux parcs solaires alpins, cette source d’énergie suscite peu d’oppositions. Les procédures sont rapides, la durée de vie des installations longue. L’impact visuel minime, tout comme les sommes en jeu. Et il n’y a guère d’intermittence, avec une production été comme hiver. Des réservoirs souterrains, le long du réseau d’eau du Perrec, doivent d’ailleurs lui permettre de disposer d’eau si elle venait à en manquer temporairement.
Le potentiel de déploiement de la mini-hydraulique est toutefois débattu, indique l’Office fédéral de l’énergie dans un rapport en 2020. Selon les études et les conditions-cadres, l’institution estime que l’offre peut augmenter de 4,1 à 5,3 TWh/an. Swiss Small Hydro, la faîtière du secteur, évalue ce potentiel de hausse entre 5 et 5,5 TWh/an car les conditions-cadres se sont améliorées. Jusqu’à 60% des investissements dans de tels projets peuvent être subventionnés depuis qu’une contribution unique a été mise en place en 2023.
La loi sur l’électricité, soumise au peuple le 9 juin, indique pour sa part que la production d’électricité d’origine hydraulique doit atteindre au moins 39,2 TWh en 2050 (contre 33,5 TWh en 2022, dont 6% viennent de la mini-hydraulique). Le texte prévoit des soutiens dans ce cadre.
«En Suisse, il n’est plus possible que de manière isolée d’exploiter de nouveaux sites hydrauliques importants. Les potentiels restants sont décentralisés, ce sont ceux des petites centrales hydroélectriques classiques», relève Martin Bölli, directeur de Swiss Small Hydro. Les opposants à l’hydroélectricité considèrent, en revanche, que les cours d’eau sont surexploités et ne voient aucune possibilité de développement.
Combien d’eau à long terme?
La ressource en eau sera-t-elle suffisante à long terme, avec la fonte des glaciers et les sécheresses? Un porte-parole d’Oiken indique que des études sont en cours mais qu’il vaut de toute façon la peine d’investir dans une solution décarbonée. «Les débits changent dans toute la Suisse. Les centrales alpines profitent aujourd’hui de manière exceptionnelle de la fonte des glaciers, ce qui se traduit par une production estivale élevée. Avec le recul des glaciers, cet effet diminuera toutefois fortement d’ici à 2050, estime Martin Bölli. Mais l’hiver, il y aura plus de pluie.»
D’une manière générale, Swiss Small Hydro prévoit un léger recul de la production d’électricité en raison du changement climatique, mais une part plus importante d’électricité produite en hiver, quand on en a plus besoin. Difficile à ce stade d’évaluer les conséquences d’éventuels conflits ou synergies avec d’autres utilisations, dans l’agriculture et dans l’approvisionnement en eau potable.
Oiken mise sur la mini-hydraulique, et les panneaux solaires, parce que la demande en électricité s’accroît, parce qu’il faut décarboner le mix énergétique et parce que l’offre nucléaire est amenée à disparaître. Le groupe veut aussi produire plus pour réduire sa forte dépendance aux prix du marché, qui ont flambé durant la crise énergétique et fait exploser les factures. Durant les années 2010, les prix bas de l’électricité avaient freiné la réalisation de tels projets, mais aujourd’hui la donne a changé. «Le Perrec et les autres centrales seront amorties, et assez vite», conclut le porte-parole d’Oiken sans donner de dates.
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