Berne entend juguler les frais de la santé quoi qu’il advienne
Conscients du problème causé par la cherté du système, Conseil fédéral et parlement ont ficelé une alternative à l’initiative du Centre, qui prévoit des maxima. Mais sans prévoir de mesures contraignantes
Pour les deux initiatives dédiées aux coûts de la santé, les récents sondages (SSR/gfs.bern) ne disent rien qui vaille. Le texte qui veut limiter les primes à 10% du revenu des ménages ne récolte plus que 50% de «oui» (-6 points par rapport au sondage précédent). Et celui qui entend freiner les coûts ne compte plus que 41% de soutien (-11 points). Arrêtons-nous sur cette seconde initiative. Si elle échoue, ses idées ne seront pas complètement perdues: un contre-projet indirect entrera en vigueur – autrement dit, une alternative plus modérée. Petite comparaison des deux.
1 Initiative
Lancée par Le Centre (ex-Parti démocrate-chrétien), l’initiative se veut un remède à la hausse continue des coûts de la santé, à l’origine de l’augmentation quasi ininterrompue des primes d’assurance maladie. Elle entend lier intimement l’évolution des salaires à celle des coûts. Concrètement, le texte veut éviter que la croissance des coûts ne dépasse de plus de 20% celle des salaires. Si c’est le cas, il demande aux acteurs de la santé, puis, en cas d’inaction de leur part, à la Confédération et aux cantons, d’agir pour contrer la tendance. Le mécanisme se mettrait en place deux ans après l’adoption de l’initiative par le peuple.
La grande question porte sur les mesures à prendre pour stopper la hausse des coûts. Car Le Centre ne propose rien de précis à ce stade. C’est l’une des principales critiques des opposants, qui réunissent tous les autres partis et la plupart des acteurs de la santé (à l’exception de la faîtière d’assureurs Santésuisse). Ce flou permet aux adversaires de l’initiative d’agiter le spectre du rationnement des soins, prétendant que, une fois le plafond annuel des coûts atteint, certains traitements ou opérations ne pourraient plus être effectués avant l’année suivante. Ce risque n’est pas avéré, font valoir les partisans de l’initiative: ce sera aux parlementaires de définir le cadre précis dans la loi. Il sera donc possible d’éviter ce rationnement des soins.
Le Centre cite en outre des études scientifiques publiées ces dernières années sur le système de santé, qui estiment que jusqu’à 6 milliards de francs pourraient être économisés chaque année, sans pour autant péjorer la qualité des soins. Mots clés: doublons, mauvaises incitations, traitements inutiles, tarifs surfaits.
2 Contre-projet indirect
Sentant que le problème abordé par l’initiative du Centre est bien réel, le Conseil fédéral puis une majorité au parlement ont ficelé un paquet contenant des «objectifs» pour limiter les coûts de la santé.
L’idée de base est la même, lit-on sur le site de l’Office fédéral de la santé publique: «L’augmentation du volume des prestations médicalement inutiles actuellement observée doit être réduite sans restreindre les prestations médicalement nécessaires. Les patients doivent toujours avoir accès aux prestations de l’assurance de base.»
Ce contre-projet indirect entrera en vigueur en cas de refus de l’initiative. Le Conseil fédéral fixera des objectifs de coûts et de qualité, pour une période de quatre ans, après avoir consulté les assureurs, les assurés, les cantons et les prestataires. Il considérera le développement économique, l’évolution démographique, le potentiel d’efficience existant ou le progrès médico-technique. Les cantons pourront eux aussi fixer des objectifs de coûts. Une commission nouvellement instituée (Commission fédérale de monitorage des coûts et de la qualité dans l’assurance obligatoire des soins) surveillera l’évolution des coûts et de la qualité des soins.
Contrairement à l’initiative populaire, ce contre-projet indirect ne prévoit pas de mesures contraignantes en cas de dépassement des limites fixées. Par conséquent, selon les voix critiques, les acteurs du système pourraient se mettre d’accord pour une hausse continue, acceptable et modérée des coûts de la santé, et ce, sans alerter les autorités. C’est seulement si les coûts dépassent les objectifs fixés de manière non «justifiée» que l’Etat organisera des échanges avec les acteurs de la santé.
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