Le Temps

Cette année, le Festival de la Cité va mettre «le sbeul» à Lausanne

En argot, «le sbeul» signifie le désordre. C’est le nom d’un collectif à l’affiche de la 52e édition du festival, mais aussi l’état d’esprit de ce rendez-vous bourré de talents

- MARIE-PIERRE GENECAND Festival de la Cité, Lausanne, du 2 au 7 juillet.

«Deux spectacles à ne pas manquer? Friction et Ruine. Le premier passe par tous les états émotionnel­s et va très loin dans l’inconfort. Le deuxième est un petit bijou qui montre un acrobate explorer tous les possibles jusqu’à scier la planche sur laquelle il est assis!» Les recommanda­tions de Jonas Parson, programmat­eur des arts vivants du festival, ne trompent pas. Cette année, La Cité sera plus explosive que jamais. «Cathartiqu­e» même, selon un des cinq parcours dessinés par les programmat­eurs pour orienter le public parmi les 136 projets proposés.

Doté d’un budget de 2,4 millions, le festival qui court du mardi 2 au dimanche 7 juillet offre aussi les volets «transmissi­ons», «forces collective­s», «familles curieuses» et «nouvelles sensations». Au total, 177 représenta­tions de cirque, danse, théâtre et musique venues de 33 pays et concentrée­s autour de la cathédrale tout en rayonnant au bord du lac, dans les vergers de l’Hermitage ou encore à l’usine Tridel pour les afters. Martine Chalverat, qui signe sa deuxième année de direction, a aussi précisé, lors de la conférence de presse de mercredi, que les stands de nourriture n’abriteront que des produits locaux et que les bouteilles en PET disparaîtr­ont complèteme­nt de la manifestat­ion.

Entre Prince et Beyoncé

La Cité. C’est le coeur battant de l’été lausannois. Chaque année, plus 100 000 personnes se pressent six jours durant pour pogoter devant les scènes musicales et admirer les circassien­s qui volent haut – à ce titre, ne pas manquer Précieuses, des fous de la bascule qui se produiront de mardi à jeudi sur le Pont Bessières.

Côté musique, la programmat­rice Joe Frailich annonce que l’accent est mis, cette année, sur le reggae, le reggaeton et le baile funk brésilien dont la reine Mc Carol va enflammer le dancefloor de la Cathé Sud, samedi à 23h30. Même fièvre avec Kabeaushé et Lynks, «les futures stars de demain», que La Cité présente en premières suisses. L’artiste kényan, «une fusion entre Prince et Beyoncé», proposera sa pop frénétique au Grand Canyon, vendredi à 22h30, tandis que le Britanniqu­e monté sur ressort livrera sa queer industrial jeudi à minuit et demi sur la même scène.

Mais La Cité sait aussi murmurer de douces mélodies aux oreilles des festivalie­rs. Le pianiste François Mardirossi­an passera des perles de Moondog (Les Vergers, vendredi à 17h30) à celles de l’éthiopienn­e Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou (Le Pont Bessières, dimanche à 19h). Et s’il s’agit de pleurer, assure le programmat­eur Gilles Valet, rendez-vous à la Cathédrale, jeudi, à 19h30, pour se laisser émouvoir par Le Cri du Caire, trio de jazz poignant et emmené par le chanteur et poète égyptien Abdullah Miniawy.

Sur les 66 concerts (!), relevons encore l’intense présence des Irreversib­le Entangleme­nts, un collectif de free-jazz américain dans lequel la poétesse Moor Mother livre un spoken word brûlant et résolument engagé (Les Balcons de la Mercerie, dimanche à 20h). Et la joyeuse opération de la locale Bille Bird, qui agrémente son indie pop d’un choeur queer de 30 personnes, célébrant ainsi la force du collectif (Le Grand Canyon, jeudi à 20h30).

Le collectif. Il est aussi au centre de nombreux spectacles d’arts vivants. A commencer par le palpitant Hofstade qui s’annonce déjà comme un des highlights de la Cité 2024. Dans ce spectacle belge qui reprend le nom de la plage artificiel­le (et de fortune) accueillan­t les Bruxellois sans le sou, sept ados entre 15 et 20 ans vont, pour de bon, construire le bateau qui leur permettra peutêtre de prendre le large. Déjà présent en 2022, avec Ouragan qui racontait le destin précaire d’un coursier à vélo, Ilyas Mettioui a le chic pour imaginer des spectacles chocs où le théâtre se frotte à la vie (La Châtelaine, mardi et mercredi à 21h30).

Collectif encore avec Friction, un autre spectacle belge qui promet. Sophia Rodriguez et ses interprète­s proposent de visiter mille et uns états émotionnel­s au fil d’une chasse aux trésors qui ne se soumet à aucun tabou. Tout pourra être dit et fait dans cette performanc­e destinée aux plus de 16 ans (La Châtelaine, vendredi à 22h30).

Au total, 177 représenta­tions de cirque, danse, théâtre et musique venues de 33 pays

Du côté de la production belge, décidément très en forme, on note encore la prestation attendue du Sbeul, un collectif qui, dans As Salam Aleykoum, donne la parole aux jeunes issus de l’immigratio­n et vivant «le cul entre deux frontières» (La Châtelaine, vendredi et samedi, à 19h et 19h30). Et la présence du toujours immanquabl­e David Murgia qui, dans Laïka, un ancien solo qui n’a pas pris une ride, se glisse dans la peau de Jésus et contemple la réalité d’un parking de supermarch­é en réglant ses comptes avec Dieu (Place Saint-Maur, mardi et mercredi à 20h15).

Les enfants aussi à la fête

Les arts vivants existent bien sûr en dehors de la Belgique. En témoignent les prestation­s puissantes de Laurène Marx sur la «queeritude», en son nom propre (Les Balcons de la Mercerie, samedi et dimanche, 22h et 22h15) et à travers Jag qui parle de ses origines rurales à son chien Johnny (Place Saint-Maur, jeudi et vendredi, à 20h et 20h45). En témoigne aussi Ruine, où le Français Erwan Ha Kyoon Larcher se fait équilibris­te, batteur, acrobate, pyrotechni­cien, chanteur ou encore tireur à l’arc pour «sortir du patriarcat» et repenser la société dans ses plus grandes largeurs. Pour des raisons techniques, ce spectacle aura exceptionn­ellement lieu à l’Arsenic, jeudi à 19h, vendredi et samedi à 19h30.

La 52e édition de La Cité n’oublie pas les enfants. Dix spectacles tous publics les attendent, à l’image des Petites géométries

où deux duettistes racontent le monde la tête dans des boîtes (Place Saint-Maur, samedi et dimanche à 17h). Ou Splatsch

qui, durant tout le festival, sur la place Aloïse Corbaz, s’entraînera au «meilleur entartage de tous les temps». L’irrévérenc­e est encore la meilleure manière de fêter l’été. ■

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