Plus de pouvoir d’achat dans moins d’Etat
L'Office fédéral de la statistique (OFS) a récemment annoncé qu'en 2023, malgré une augmentation moyenne de 1,7% par rapport à 2022, une fois corrigés de l'inflation, les salaires ont légèrement baissé (-0,4%). Autrement dit, le pouvoir d'achat des salaires a diminué.
Depuis 1942, ce n'est que la 16e fois que les salaires réels baissent en Suisse. Loin d'être habituelle, cette situation s'explique par différents facteurs conjoncturels. Notamment le ralentissement de l'économie allemande et le reste de perturbations qui font suite à la période de pandémie.
Pourtant, en réaction, l'Union syndicale suisse (USS) décrète dans un communiqué qu'il est «temps d'augmenter vigoureusement les salaires réels» et qu'il faut «renforcer le pouvoir d'achat» de la population. Pour ce faire, en résumé, l'USS souhaite que l'Etat augmente encore son intervention. Au lieu de balayer d'un revers de main ces revendications, analysons dans quelle mesure elles sont capables d'atteindre leur objectif, celui d'améliorer le pouvoir d'achat de la population.
Regardons dans un premier temps dans quelle mesure la situation de la Suisse est unique en comparaison internationale. L'Institut syndical européen arrive à la conclusion qu'en 2023, le salaire réel a baissé de 0,7% dans l'Union européenne. Soit bien plus qu'en Suisse. Par ailleurs, dans sa dernière enquête sur les revenus et les conditions de vie (SILC) qui s'appuie sur les chiffres de l'année 2022, l'OFS indique que la population suisse affiche le niveau de satisfaction quant à sa vie actuelle le plus élevé d'Europe. L'étude mesure le niveau de vie général des populations de différents pays à l'aide du revenu disponible équivalent médian, après correction des différences de niveaux de prix entre les pays. Le résultat est sans appel: «Malgré le niveau élevé des prix, la Suisse affiche un niveau de vie supérieur à celui des pays voisins et de la majorité des pays de l'UE». A l'échelle internationale, il semble donc que la Suisse et son modèle libéral parviennent à un résultat bien plus enviable en termes de pouvoir d'achat que ses voisins aux Etats providence plus boursouflés.
Se pourrait-il que si à l'échelle internationale l'étatisme semble être un échec, à l'intérieur de la Suisse, de façon contre-intuitive, les résultats soient différents? La réponse est également négative. Il se trouve que l'indicateur RDI (Regional Disposable Income) s'intéresse exactement à cette question, en proposant de clarifier quelle région est la plus attractive financièrement en termes de revenu disponible, une fois toutes les dépenses obligatoires payées (impôts, cotisations, assurance maladie, loyer). Le résultat rejoint celui que l'on observe ailleurs. Appenzell Rhodes-Intérieures, suivi d'Uri et de Glaris font la course en tête. Les cantons qui appliquent le moins de mesures étatistes s'en sortent mieux que ceux qui pensent que davantage d'Etat est une solution. Leur population a un pouvoir d'achat plus élevé.
S'ajoute à cela que les mêmes acteurs qui déplorent aujourd'hui la baisse des salaires réels, se sont engagé durant des mois pour introduire une 13e rente AVS en proposant de la financer par une augmentation des cotisations salariales, et donc une péjoration du pouvoir d'achat des salariés. Nous avons affaire à des pompiers pyromanes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.
Tout laisse à supposer que pour qu'à l'avenir les salaires réels puissent à nouveau augmenter, il est plus sage de demander à l'Etat d'en faire moins, sous forme de taxation et de réglementation. Et s'il refuse de l'entendre, il vous reste la possibilité de voter avec vos pieds, et de rejoindre un canton qui pense que vous êtes mieux placé que la collectivité pour dépenser à bon escient l'argent que vous gagnez.
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