L’heure du procès pour le patron d’Archegos
C’était le meilleur trader dont on n’avait jamais entendu parler. Jusqu’à fin mars 2021, lorsque Archegos Capital Management a soudainement implosé, provoquant une perte de 5,5 milliards de dollars pour Credit Suisse et accélérant probablement la chute de la banque. Le patron d’Archegos, Bill Hwang, y a laissé pratiquement toute sa fortune de 20 à 30 milliards, en deux jours – jamais personne n’avait perdu autant d’argent en si peu de temps, selon Bloomberg. Le financier déchu sera jugé à partir de ce mercredi 8 mai à New York.
Son ascension avait été presque aussi rapide, puisqu’il a commencé à investir dans des actions en 2013 avec près de 200 millions de dollars provenant d’un hedge fund fermé. Une somme décuplée en huit ans dans la plus grande discrétion, et dans l’illégalité, selon les procureurs new-yorkais de ce qui s’annonce comme l’un des procès financiers les plus suivis depuis longtemps.
Ce fils d’un pasteur sud-coréen est accusé d’avoir menti à de grandes banques afin qu’elles financent ses paris démesurés qui pouvaient à eux seuls faire bouger le cours de certaines actions. Hwang risque jusqu’à 20 ans de prison et a plaidé non coupable.
Il lui est reproché d’avoir massivement emprunté à des banques américaines, européennes et asiatiques afin d’investir sur un petit nombre d’entreprises, dont ViacomCBS. Plus Archegos achetait, plus le cours de ces sociétés s’envolait. Problème: ce cours allait reculer lorsqu’il vendrait ses positions. Et lorsque certaines de ces sociétés ont souffert en bourse, les banques ont lancé des appels de marge qu’Archegos n’a pas pu honorer. Fin de la partie.
Cette stratégie, qui ressemble méchamment à du suicide boursier, n’a pu être déployée qu’en dissimulant la concentration des investissements et le niveau d’endettement d’Archegos, selon l’accusation. Outre Credit Suisse, la banque japonaise Nomura y perdra près de 3 milliards de dollars et Morgan Stanley, un peu moins de 900 millions.
Bill Hwang a pour sa part vu sa fortune tomber à moins de 100 millions, d’après Bloomberg. L’agence de presse cite des proches du financier, qui affirment sous couvert d’anonymat qu’il n’a rien fait de mal, mais qu’il a simplement pris de mauvaises décisions d’investissement. Pour d’autres, c’est l’un des plus gros dossiers de manipulation de marché qui aient jamais été jugés.
Maintenant âgé de 60 ans, Bill Hwang avait déjà eu affaire à la justice en 2012. Son hedge fund d’alors avait plaidé coupable de fraude. Soupçonné de délit d’initié, Hwang lui-même avait trouvé un accord avec la justice civile, sans reconnaître de culpabilité.
«Je suis un grand fan de Bill, cela aurait probablement pu arriver à n’importe qui. Mais je suis désolé que ce soit tombé sur Bill», avait déclaré Julian Robertson, légende des hedge funds et mentor de Hwang.
■