Le Temps

Rwanda, la solution pour freiner l’immigratio­n?

- MARIE-HÉLÈNE MIAUTON ENTREPRENE­USE ET ESSAYISTE

La question de l’immigratio­n préoccupe profondéme­nt les peuples européens. Pour preuve, s’il en fallait, la montée des mouvements populistes que prédisent les sondages aux prochaines élections européenne­s. Avec des succès contrastés, la plupart des nations tentent d’apporter des réponses aux flux ininterrom­pus d’arrivées sur leur sol.

Le Danemark est devenu un des pays les plus restrictif­s en matière d’accueil, et son gouverneme­nt de centre gauche a voté pas moins de 42 nouvelles lois en deux ans pour y parvenir. Résultat, les demandes d’asile ont été divisées par quatre! La Suède qui avait longtemps ouvert grand ses portes s’est départie de sa générosité et a drastiquem­ent réduit ses conditions d’accueil. La France s’est dotée d’une nouvelle loi qui, pour être jugée trop laxiste par la droite, permet du moins quelques expulsions. L’Italie de Giorgia Meloni, en collaborat­ion avec la Commission européenne, a signé des accords avec la Tunisie pour gérer sa question migratoire. De son côté, la Suisse s’en tient à une ligne juste mais ferme, ce qui n’a pas empêché les demandes d’asile d’augmenter de 20% entre 2022 et 2023.

Dans ce contexte général, la Grande-Bretagne vient de voter une loi stipulant que les migrants arrivés illégaleme­nt soient transférés vers le Rwanda, pays du Commonweal­th qui a été déclaré sûr. Là, leur dossier sera traité et, s’ils sont éligibles à l’asile, ils pourront rester sur place mais en aucun cas retourner en Angleterre. Le premier ministre Rishi Sunak a affirmé: «Nous expulseron­s vers le Rwanda à un rythme régulier de plusieurs vols chaque mois, tout l’été et au-delà, jusqu’à ce que les bateaux s’arrêtent.» Devançant les critiques, il a précisé que le gouverneme­nt pourra négliger d’éventuelle­s injonction­s de la CourEDH, ainsi que certaines dispositio­ns de la loi britanniqu­e en matière de droits humains.

L’avenir dira si cette loi entrera en vigueur ou si elle sera enterrée comme tant d’autres. En effet, le ban et l’arrière-ban des milieux favorables à un accueil inconditio­nnel ont dénoncé cette décision qu’ils jugent indigne. Au moins ne peuventils pas accuser Rishi Sunak d’être raciste ni son parti d’incarner l’extrême droite! Il est vrai que cette mesure peut sembler brutale, mais il faut aussi considérer qu’une personne réellement inquiétée dans son pays sera heureuse de bénéficier d’une meilleure protection, même au Rwanda. Quant aux réfugiés économique­s, ils seront effectivem­ent découragés d’entamer un exil hasardeux.

Une solution plus humaine serait d’exiger que les requérants déposent leurs demandes dans les ambassades ou consulats européens présents dans leur pays? La Suisse connaissai­t ce système jusqu’à ce qu’il soit abrogé en 2012 parce qu’elle seule en offrait l’opportunit­é, ce qui la rendait trop attractive. Elle attend donc pour y revenir qu’une décision commune soit prise au niveau de l’UE, ce qui n’est pas près d’arriver. François-Xavier Bellamy, candidat français aux élections européenne­s interrogé par la RTS mercredi, affirmait que «les procédures doivent être instruites à l’extérieur des frontières européenne­s». Sa voix sera-t-elle audible à Bruxelles?

Pourtant, cette approche par les ambassades coche toutes les cases. Pour les requérants, pas de passeurs exigeant des sommes astronomiq­ues qui endettent les familles. Pas de voyages inutiles, qui s’avèrent souvent dangereux, voire mortels. Du côté des pays d’accueil, pas de structures engorgées par des migrants voués à être déboutés. Pas de renvois compliqués vers des pays d’origine qui les refusent. Pas de sans-papiers survivant dans l’illégalité. Ces énormes avantages compensent largement les quelques inconvénie­nts d’un système qui réduirait drastiquem­ent les arrivées, à la satisfacti­on des peuples européens exaspérés.

En attendant, ce sont les Anglais qui ont tiré les premiers, avec le courage qu’on leur connaît. Paradoxale­ment, ils permettron­t peut-être de réformer l’UE parce qu’ils en sont sortis. Quant à l’Afrique, Tunisie ou Rwanda, qu’importe, voilà qu’on l’appelle au secours de l’Europe. Le monde à l’envers!

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