Dans les ORP, le conseil à distance demeure flou
Dans les offices régionaux de placement (ORP), les consultations à distance ont augmenté depuis la pandémie. Mais un rapport réalisé en 2022-2023 souligne de fortes disparités entre les pratiques cantonales, alors que les opportunités de ces formats sont
XDepuis la pandémie, les offices régionaux de placement (ORP) utilisent le conseil à distance de manière extrêmement hétérogène: 14 cantons au moins recourent au conseil vidéo; dans les 12 autres, il est parfois explicitement interdit ou n'est pas encouragé, ou il arrive que les conditions-cadres ne soient pas adaptées.
Tel est le constat d'une équipe de l'Institut Beratung, Coaching und Sozialmanagement de la Haute Ecole de travail social de la Suisse du Nord-Ouest qui a réalisé une étude sur mandat du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), publiée fin mars. Elle a analysé en 2022-2023 le potentiel du conseil vidéo et par téléphone et les expériences des ORP en la matière. De quoi en tirer plusieurs recommandations. A noter par ailleurs que le taux de chômage s'est stabilisé à 2,4% au mois de mars, selon les chiffres du Secrétariat d'Etat à l'économie publiés cette semaine.
Tous cantons confondus, 39% des personnes interrogées ont jugé que le conseil téléphonique était utilisé «fréquemment» ou «très fréquemment», contre 7% pour le conseil vidéo. Pour 53% des personnes interrogées, le conseil vidéo est «rarement» utilisé, contre 14% seulement pour le conseil téléphonique, selon l'enquête menée auprès des responsables et des coordinateurs ORP. Pour rappel, l'ORP doit mener un entretien de conseil et de contrôle à intervalles pertinents, mais au moins tous les deux mois.
Des cantons «en grande partie autonomes»
La directive LACI IC (indemnité de chômage) précise notamment que le premier entretien doit avoir lieu sur place. Pour les autres, l'ORP décide s'ils doivent avoir lieu sur place ou d'une autre manière.
Une disparité des pratiques qui interroge. Ne représente-telle pas un problème, alors que la période covid et ses tâtonnements semblent pourtant loin? «Dans le cadre des bases légales, les cantons sont en grande partie autonomes dans la fourniture de leurs prestations, répond Fabian Maienfisch, porte-parole du Seco. Comme il n'existe pas de mandat légal pour le conseil vidéo, la décision de recourir à ce type de service appartient aux cantons.»
Face à cette disparité, l'étude prescrit certaines recommandations: «[…] Un cadre légal transparent, mentionnant explicitement les nouvelles options en matière de conseil, est une condition sine qua non pour établir un processus de conseil ORP mené dans le cadre du conseil hybride, c'est-à-dire en mélangeant systématiquement les formats analogiques et numériques.»
Pour l'utilisation optimale de la vidéo, la sécurité est aussi centrale. «[…] Il est important que les données des demandeurs d'emploi soient à tout moment sécurisées et protégées conformément aux exigences légales, insiste le rapport. Actuellement, les solutions techniques diffèrent d'un canton à l'autre et les préposés cantonaux à la protection des données ont des avis contradictoires sur les solutions de visioconférence les plus répandues proposées par les firmes américaines. Il serait recommandé, dans le cas présent, de mettre en place une solution technique nationale pour la communication vidéo.»
Une application concrète à affiner
«Avec un modèle «hybride», soit en présentiel et vidéo, le processus peut être plus flexible» MARTINA HÖRMANN, L’UNE DES AUTEURS DU RAPPORT
L'infrastructure technique pour le conseil à distance est mise à disposition par les cantons, réagit Fabian Maienfisch. «Ceux-ci assurent également la protection des données. Mi-2022, le Seco a édicté une directive sur l'utilisation de la communication vidéo. L'application concrète des bases peut toutefois encore être affinée dans le cadre de la mise en oeuvre de la «Stratégie service public de l'emploi 2030».
La «Stratégie service public de l'emploi 2030»? Un programme adopté en 2023 qui promet des évolutions: «Dans le cadre de sa mise en oeuvre, le conseil personnel et individuel doit être placé encore plus au centre des prestations, assure Fabian Maienfisch. A l'avenir, les entretiens de conseil continueront à avoir lieu en règle générale sur place, mais l'utilisation ciblée et orientée sur les besoins du demandeur d'emploi par rapport au conseil vidéo devrait être possible dans tous les organes d'exécution.»
Le rapport conclut aussi qu'un modèle «hybride» avec présentiel et vidéo, et, en dernier recours, le téléphone, s'avère le plus adapté aujourd'hui, en fonction des profils des demandeurs d'emploi. «Avec l'hybride, le processus peut être plus flexible, atteste la professeure Martina Hörmann, l'une des auteurs du rapport. Cela va dans le sens de ce que souhaite la «Stratégie service public de l'emploi 2030».
Si l'hybride est envisageable, c'est aussi que certaines craintes liées au virtuel sont plutôt écartées par le rapport. L'atteinte des objectifs en incluant le conseil vidéo est jugée équivalente par 54% des personnes interrogées, meilleure ou plutôt meilleure par 22% d'entre elles et plutôt pire ou moins bonne par 21%.
«La réalisation des objectifs à distance est jugée aussi élevée que sur place», commente Martina Hörmann. Elle rappelle qu'il ne s'agit pas d'une étude sur l'effet du conseil à distance mais d'une estimation de son efficacité, dans ce cas du point de vue des coordinateurs et des responsables ORP.
Même la qualité relationnelle ne semble pas affectée dans ces entretiens vidéos. Fait surprenant? «Non, c'est ce que montrent des études menées dans d'autres domaines d'activité», répond Martina Hörmann. Certains se montrent même plus ouverts lors de la discussion à distance. ■