L’Evangile retors de Ray Dalio, l’ex-patron du plus grand hedge fund
Une biographie non autorisée montre comment le fondateur du fonds Bridgewater a mis sur pied un environnement toxique pour contrôler et façonner ses employés. Et devenir multimilliardaire grâce à des «principes» souvent sidérants
Comme souvent à Wall Street, le destin de Ray Dalio s’est joué sur un terrain de golf. C’est au Links Golf Club que l’adolescent new-yorkais a travaillé comme caddy pour l’élite financière des années 1960, dont la famille Leib. Ces aristocrates ont vite intégré le jeune homme d’origine modeste dans leur cercle, avant de l’aider à se lancer dans la finance. Le début d’une réussite hors du commun à la tête de Bridgewater, le plus grand hedge fund du monde, qui a fait de Ray Dalio une légende multimilliardaire à Wall Street. C’est dans les coulisses de cette histoire que nous entraîne Le Roi de la finance (Talent Editions), traduction française d’une biographie non autorisée de Ray Dalio, rédigée par le journaliste du New York Times Rob Copeland.
Ray Dalio s’est retiré de Bridgewater en octobre 2022.
Les «principes»
En début de carrière, Ray Dalio s’est surtout distingué en étant l’homme qui «a annoncé 15 des dernières récessions qui n’ont pas eu lieu», selon l’expression d’un ancien employé. Même s’il était persuadé que les problèmes de l’immobilier américain ne provoqueraient pas une crise économique mais «un ajustement majeur des marchés financiers», l’investisseur a pris une série de paris qui s’avéreraient gagnants si les banques centrales imprimaient de l’argent pour relancer l’économie. Soit exactement ce que Ray Dalio conseillait au gouvernement américain de faire (et que les banques centrales ont finalement exécuté pour sortir de la crise), lui rapportant personnellement 780 millions de dollars en 2008.
Aspect central de ce livre-enquête, Ray Dalio a théorisé le fonctionnement de son entreprise, avec des «principes»: 90 pages à mi-chemin entre discours philosophiques et règles immuables. «Se synchroniser avec les autres, en permanence», «goûter la soupe» (décomposer une mission en ses éléments de base) ou «la confiance dans la vérité» sont des exemples de ces pensées du maître à respecter en tout temps, au risque d’être «archivé», c’est-à-dire licencié.
La plus stupéfiante de ces lois instaurait une «transparence radicale»: chaque employé était noté en permanence par ses semblables, y compris le grand patron. Sauf que ce système était calibré afin que ce dernier apparaisse toujours au sommet, malgré une gestion décrite comme tyrannique de ses troupes (et acceptée en échange d’astronomiques rémunérations).
Ce système était calibré afin que Ray Dialo apparaisse toujours au sommet
Le fonds Bridgewater a atteint une telle réputation qu’il a continué à attirer les investisseurs malgré des performances à la traîne des marchés mondiaux depuis des années, note encore l’auteur, spécialiste de la finance américaine depuis des décennies. Aujourd’hui âgé de 74 ans, Ray Dalio s’est retiré de Bridgewater en octobre 2022 et continue à s’exprimer dans les grands médias financiers. Et à respecter ses «principes».
La famille Leib, qui l’avait aidé à ses débuts, a fini par connaître «la malédiction de la 3e génération» quand deux descendants ont dilapidé la fortune familiale. Lorsqu’un membre de la famille a sollicité le soutien de Ray Dalio pour un poste sans grand relief chez Bridgewater, le milliardaire a vite répondu à son ami d’enfance, avec qui il avait passé de nombreux Thanksgiving: «Je ne saperai pas le processus de recrutement de mon département des ressources humaines pour qui que ce soit. Je ne ferais même pas preuve d’un tel favoritisme à l’égard de mon propre chien s’il se portait candidat.» ■
Le Roi de la finance, Rob Copeland, 410 pages, Talent Editions.