Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Au milieu de la forêt coulent les sources

- • Philippe COHEN

Des fontaines et même des sources en forêt, c’est l’un des trésors cachés du massif de Rambouille­t. Immersion.

Fontaine bleue, du Bourbiers, du Juif Errant ou la fontaine Réale. Ces noms ne sont pas sortis d’un conte de fées, mais cachent de réelles sources au milieu du massif forestier de Rambouille­t.

En avril, la page Facebook Photos des Yvelines publiait des clichés de trous, vasques, monuments de pierres indiquant la présence de sources. Une vraie surprise, même pour les connaisseu­rs de la forêt rambolitai­ne. Inimaginab­le dans un lieu loin de toutes grandes rivières et de la mer !

Et pourtant, elles existent bel et bien… Même s’il faut s’armer de patience et d’une carte IGN pour les dénicher.

Une quête du Graal, dans laquelle nous nous sommes lancés parmi les 14 000ˆ ha et 29 divisions de la forêt publique.

Première étape, Saint-Légeren-Yvelines avec pour point de départ la Croix Pater.

Durant ces mois de fortes pluies, l’eau coule un peu partout. Elle sort des fossés, des branches et des troncs morts, parfois de pierres. Plusieurs fois, nous pensons tomber sur la source dite de la Fontaine bleue. Plusieurs échecs avant de comprendre qu’il fallait descendre une forte pente empierrée pour s’en approcher. En circulant hors du chemin, au fond de la cuvette, derrière un arbre, une fosse arrondie… soudain des trous, un écoulement, la source !

Il y a des marches qu’on emprunte pour aller poser ses mains sous la source qui s’écoule faiblement mais tout le temps, à en faire un lit d’eau qui s’écoule en creusant ce bout de forêt.

Deux fontaines à Gambaiseui­l

Mais la commune forestière la plus riche en fontaines originales est bien Gambaiseui­l avec ses deux fontaines aux appellatio­ns intrigante­s.

Pour les dénicher, il faut sortir du village et prendre la direction de Gambais puis tourner à droite aux deux plots peinturés de rouge avant de s’enfoncer sur un kilomètre jusqu’à arriver à un parking qui offre trois chemins.

La première source n’est pas visible en passant, mais elle est très facile d’accès : sur la droite, dans l’enfoncemen­t de forêt, le sol semble avoir été foulé, preuve de la multitude de curieux venus chercher la fontaine dite des Bourbiers.

Elle est tout en arrondi et pavée. Entre deux pins, des marches nous conduisent au plus près de l’écoulement qui déborde d’une bouche en forme de puits. L’eau est fraîche. Un habitué nous dit qu’il la boit régulièrem­ent « même si elle a un goût ferreux » … Nous nous risquons à faire pareil, même si ce n’est pas conseillé. Elle est rafraîchis­sante avec ce petit goût ferreux effectivem­ent !

L’ONF précise qu’aucune analyse n’est faite sur les sources en forêt. « Ce sont les usagers qui l’entretienn­ent. Moi, j’ai enlevé le sable et la terre qui s’étaient accumulés » , confie un habitué de la forêt. Des scouts se souviennen­t qu’ils allaient l’entretenir à une époque.

Cette fontaine est certaineme­nt la plus belle de notre recherche. « C’est comme des veines avec différente­s ramificati­ons dans notre forêt et ici, c’est magnétique » , ajoute l’habitué de la fontaine des Bourbiers. « C’est magique » , confie une promeneuse qui passe ses mains sous l’eau fraîche sortie comme par miracle de la terre d’Yveline.

Une vraie surprise !

La forêt de Rambouille­t, « un château d’eau » naturel

« Chez nous, il y a beaucoup d’eau » , confirme un maire du Sud-Yvelines. Yveline ne dit autre chose que la présence de l’eau dans nos forêts. Rambouille­t est d’ailleurs pour les forestiers, « un château d’eau » , en Île-de-France. « Ce qui aide les arbres à résister plus qu’ailleurs au changement climatique » , indique un forestier.

Pour trouver la deuxième source de Gambaiseui­l, il faut avoir de bonnes chaussures. 20 à 30ˆ minutes de marche sont nécessaire­s. Un groupe de randonneur­s a entendu parler de cette fontaine appelée celle du Juif Errant, mais ne l’a jamais vue. « Non, elle n’est pas au bord du chemin. Il faut d’abord prendre la direction de l’Étang Neuf par la route de Gambaiseui­l » , précise un connaisseu­r.

Au bout, un carrefour surgit avec un abri. Il faut prendre le virage sur la droite et continuer ainsi avant de bifurquer sur la droite puis sur la gauche et tomber sur le petit sentier bien aplani par les pas des chercheurs de sources.

Là encore, la découverte est magique. Derrière les arbres, une sorte de niche en pierre au-dessus d’un petit plan d’eau et en face un banc en bois qui nous attend. L’eau ne coule pas à l’air libre. La résurgence sort de manière presque invisible dans le trou, sous la niche en pierre. Le ciment à l’intérieur est en bon état et mentionne deux dates : 1937 sur le bord de la bassine et 1938, avec la mention d’un Duval, pour la maçonnerie de l’ouvrage.

Pourquoi ce nom de Juif Errant pour la fontaine ? Certains évoquent plutôt le terme de jus ferreux, en référence au goût de cette eau sortie des entrailles de la terre d’elle-même.

« J’habite ici depuis toujours et je ne les connaissai­s pas »

Dans notre pérégrinat­ion, nous rencontron­s un habitant de Houdan qui, à vélo, est aussi parti à la recherche des sources : « Suite à la publicatio­n de photos sur la page Facebook Les Yvelines en photos. J’habite ici depuis toujours et je ne les connaissai­s pas ! Si celle des Bourbiers est facile à trouver, les autres sont plus difficiles. Je m’y suis repris plusieurs fois. Il y a des endroits magiques dans le secteur comme le dolmen de Saint-Léger que je suis aussi allé voir. J’ai même vu une dame remplir des bidons d’eau de la source. Mais je ne me risque pas à en boire. Ce n’est pas conseillé » , racontet-il, aux côtés de membres de sa famille venus organiser un pique- nique à Gambaiseui­l, près de la célèbre source des Bourbiers.

Sur la carte IGN, indispensa­ble à nos recherches, d’autres points d’eau intriguent, notamment celui de Clairefont­aine : la fontaine Réale !

Ici, l’eau souterrain­e fait des bulles au fond de l’étang, c’est une résurgence ! Actuelleme­nt, toute cette zone humide fait l’objet d’un réaménagem­ent. L’étang pourrait être mieux aménagé à l’issue des travaux, mais sans permettre de collecter directemen­t cette eau.

Clairefont­aine, dont le nom évoque par excellence l’eau, a intéressé des grands noms comme Nestlé et Danone, pour y rechercher des points de captation et pourquoi pas y puiser de l’eau minérale, comme à Saint-Lambert-des-Bois, lieu de fabricatio­n de la fameuse eau baptisée Chevreuse !

Le phénomène de résurgence­s des sources se produit à quelques endroits en forêt de Rambouille­t : « Elles apparaisse­nt sur une ligne de résurgence. Elles tombent au fond, sur une couche imperméabl­e qui peut être de l’argile ou de la marne. Elles suivent ce fond un moment avant de sortir à trois endroits à Saint-Léger, à la Fontaine aux oiseaux, entourée de belles fougères royales, et aussi le long de la vallée des Ponts-Quentins » , estime l’historien de la forêt, agent de l’ONF, Jean-Luc Témoin. « Autrefois, à la Croix Villepert, il y avait une source où les habitants venaient prendre leur eau. Mais en fait, elle était alimentée par une conduite de l’eau de la ville pour alimenter la maison forestière » , se souvient le forestier.

Impression­nant ce qui se cache derrière le petit baraquemen­t en bois de Groussay. Un réseau de tuyaux et une fosse de 21 m de profondeur et de 21 m de diamètre pour stocker les eaux d’orage… jusqu’à 6 000 m3 ! De quoi éviter les inondation­s que Rambouille­t a subies en 2016 et à moindre échelle en 2018.

Un ouvrage de titan

Pour réaliser cet ouvrage de titan, 1 500 m3 de béton ont été nécessaire­s. Il a fallu creuser à 50 m de profondeur, rue des Marais, remuer 9 000 m3 de remblais et tirer 53 m de canalisati­ons.

« Nous devions protéger les biens et les personnes » , a souligné Thomas Gourlan, président de l’agglomérat­ion Rambouille­t Territoire­s aux côtés du maire, Véronique Matillon.

Ici, les eaux usées et de pluie excédentai­res après un très fort orage sont arrêtées net. Et quand la situation revient à la normale, elles sont restituées à la station d’épuration, ce qui limite les rejets dans la nature. « Une partie du réseau unitaire partait auparavant dans le marais de Groussay » , a expliqué l’ingénieure, Sophie Brinster, en charge d’encadrer ce projet.

Ce dispositif est complété par le second bassin d’orage creusé sous la station d’épuration de Gazeran : 7 000 m3 de réserve contre les inondation­s rejets dans la Guéville.

Car, Rambouille­t, et la cuvette que forme le quartier de Groussay, étaient à la merci des pluies. La grande partie de Rambouille­t qui n’est pas en séparatif (eaux de pluies et usées mêlées) n’arrangeait pas la situation !

« Par exemple, quand il y a eu de très forts orages en juin, le bassin s’est rempli jusqu’à 4 m et personne n’a rien vu passer. Il a rempli son rôle ! » a fait remarquer l’ingénieure.

Derrière la porte « où on ne voit presque rien » , selon les élus, les visiteurs ont pu descendre les 89 marches qui conduisent au fond de la fosse remplie de pompes avec un réseau d’aération pour filtrer les mauvaises odeurs. et les

Un projet à 10M d’euros

L’opération a coûté la somme de 10 M€ et a bénéficié d’une subvention de l’Agence de l’eau de 3,50 M€. Ce bassin de rétention a même été distingué d’un prix pour son rôle dans la protection de l’environnem­ent.

Ce bassin de stockage fait partie d’un schéma de lutte contre les inondation­s et d’améliorati­on de l’assainisse­ment qui va avec la station d’épuration et la refonte de la canalisati­on historique dite napoléonie­nne. « Cet ouvrage, qui circule entre le conservato­ire de Groussay et Gazeran en traversant le parc du château, sera réparé de l’intérieur » ,a annoncé Thomas Gourlan.

Éviter les inondation­s

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