Technikart

« Une ENQUÊTE, c'est une OBSESSION »

Journalist­e de compète pour M, le magazine du Monde, Zineb Dryef passe autant de temps sur le terrain qu’à rédiger des enquêtes remarquées et remarquabl­es. Interview relecture.

- Par Violaine Epitalon Photo David Carson

Zineb Dryef découvre la presse française (Paris Match, Le Monde, Le Figaro…) à Rabat,

où elle grandit. Lorsqu'elle arrive à Paris au début des années 2000, elle fait la connaissan­ce d'un autre visage des médias (Libé, Les Inrocks, Technikart…). Après une première expérience de sept ans à Rue89, un livre fouillé sur les rats (Dans les murs - Les rats, de la grande peste à Ratatouill­e, éditions Don Quichotte) et une immersion d'un an dans un lycée pro (pour Les Jours), Zineb devient journalist­e au M, le magazine du Monde. Depuis, elle a réalisé des enquêtes saluées (« Les gamines à la dérive de Barbès ») et des portraits intelligen­ts ( Jonas Pardo, Céline Sciamma…). Grande lectrice et enquêtrice maniaque, elle est venue livrer les secrets de son modus operandi. Au rapport.

Tu as grandi à Rabat, au Maroc. Que lisaient tes parents ?

Zineb Dryef : On recevait toute la presse française, Le Monde, Le Figaro, Le Point, L'Express… puis plus tard, Marianne et Paris Match. Moi, c'était Match qui me fascinait ; je faisais des classeurs d'articles ou de photos de chaque grand événement.

Au CM2, tu as publié un petit texte anonyme dans un quotidien francophon­e marocain, L’Opinion. C’était ta première expérience de journalist­e ?

J'étais hyper fière ! C'est vrai que j'étais déjà attirée par le métier. Je lisais beaucoup, des romans, des journaux…, j'étais très solitaire. Alors j'aimais bien l'idée de prendre des nouvelles du monde.

Après ton bac, en 2003, tu arrives en France en hypokhâgne, avec pour objectif le CFPJ. Tu découvres une autre presse ?

Oui : le magazine de Nova, Les Inrocks, et Technikart, bien sûr (je les ai collection­nés à cette époque…). Mais c'est surtout Libération que j'ai adoré lire. C'est le premier journal auquel je me suis abonnée avec mes sous d'étudiante. J'étais happée par les récits et les formats. J'aurais adoré y être journalist­e dans les années 1990 !

D’où ton arrivée à Rue89…

J'avais vu que certains journalist­es de Libé s'apprêtaien­t à lancer un site Internet. Un jour, je tombe sur Pierre Haski (ancien journalist­e de Libération et créateur du site d'info Rue89, ndlr) dans la rue ; je lui cours après et je lui dis que j'ai envie d'être journalist­e. Il me propose d'en parler autour d'un café. Le mardi suivant, on avait la première réunion dans sa cuisine. Je suis restée à Rue89 pendant sept ans. En 2015, j'ai commencé à écrire pour M, le magazine du Monde.

Quelle est ta méthodo pour les enquêtes ?

Je prends (beaucoup) mon temps… mais c'est parce que je me méfie de moi-même. J'ai comme tout le monde des préjugés, des idées préconçues, je vais me mettre en colère, et je ne fais pas confiance à ce premier mouvement. J'ai besoin de laisser retomber, de beaucoup écouter, je fais beaucoup d'entretiens, je parle à beaucoup de gens.

Comment dénicher un bon sujet, comme les gamines de Barbès ?

Quand c'est inédit et que cela étonne…

Ta façon d’écrire ?

Être compréhens­ible, c'est la première règle. La deuxième, c'est de réussir à décrire ce que j'ai vu, ce qu'on m'a dit, de la façon la plus exacte. L'enquête, de mon point de vue, se transforme en obsession.

Ton média de chevet ?

Les réseaux sociaux… Twitter, surtout. Comme tout le monde, j'ai un rapport d'addiction à l'info en continu et immédiate, mais par ailleurs j'ai l'impression de capter des trucs, c'est un accès à plein de journaux intimes. Donc c'est très moche, mais très fascinant.

La dernière enquête qui t’a marquée ?

C'est Sambre, d'Alice Géraud (JC Lattès). Un bouquin dingue, qui raconte l'histoire du violeur de la Sambre. L'enquête est folle, c'est un travail remarquabl­e, hyper tenu, très factuel, un énorme boulot d'entretien, d'enquête, et de terrain.

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