Les bienfaits de la routine au travail
ne de mes inquiétudes, lorsque j’ai commencé à exercer la médecine, était de m’ennuyer, d’être emportée dans une routine
etnd qui éteindrait ma flamme ma curiosité. Souvent, je repense à la phrase d’un de mes maîtres de médecine, qui m’avait donné le judicieux conseil de ne pas choisir une spécialité pour ses pathologies exceptionnelles, mais en fonction des pathologies les plus courantes. Un neurologue doit aimer prendre en charge les accidents vasculaires cérébraux, car cela représentera 90 % de ses consultations. Un psychiatre devra, quant à lui, aimer la prise en charge de la dépression, car cela représentera huit consultations sur dix. Ce constat m’avait paru assez dépressogène à l’époque. Mais, avec quelques années de pratique, ma vision a changé et je peux maintenant l’a rmer : j’aime la routine!
Si la routine professionnelle peut sembler ennuyeuse au premier abord, elle est en fait la pierre angulaire du perfectionnement au quotidien. Anthony Giddens, professeur de sociologie à Cambridge, la définit comme « le maintien d’un sentiment de confiance, une sécurité ontologique dans les activités de la vie quotidienne », c’est une
1 forme de rituel d’apaisement face à l’insécurité de la vie. Sans le geste, la rencontre, le trajet routinier, le sentiment de sécurité ne peut apparaître.
Pour se sentir bien au travail, je dis souvent à mes patients qu’il faut que cela « ronronne ». Rien n’est pire que l’incertitude, or l’incertitude, c’est la vie. En ancrant notre vie par des repères et des routines, nous créons une réalité viable et acceptable. Une douce illusion de tranquillité qui rythme notre vie. Ne croyez pas que rompre avec la routine soit une échappatoire! Les digitals nomads qui s’installent à Bali pour monter leur microentreprise vous font rêver? Gardez à l’esprit que personne n’échappe à la quotidienneté. Quelle que soit l’intensité de la rupture, du changement de cadre extérieur ou intérieur, la vie réinstaure subtilement mais irrémédiablement ses habitudes. Les horaires de travail s’imposeront de nouveau, les contraintes administratives aussi, et vous voilà reparti dans une nouvelle forme de métro-boulot-dodo.
Finalement, au travail, ce qui nous eraie le plus n’est pas la routine mais le manque d’intensité. L’accélération constante de notre civilisation nous met face à la peur de la décélération, d’être face à la monotonie de notre propre fin. Cette intensité qui nous procure des sursauts de vitalité, ne se trouve pas dans des ruptures exotiques mais au sein de notre quotidien, dans « un instant d’apparence anodine, un geste accompli mille fois, le détail familier d’un visage [qui] peuvent soudain saillir et nous procurer l’impression épiphanique d’un choc électrique », comme l’écrit si bien le philosophe Tristan Garcia
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