Psychologies (France)

Rides : fini de rire ?

- Médecin psychiatre, il est l’auteur de nombreux ouvrages. Le dernier publié : S’estimer et s’oublier (Odile Jacob, 2024).

es rides, un sujet de psychologi­e ? Eh oui ! Pour tout un tas de raisons, dont celle-ci : elles sont très liées à nos émotions. Tout au long de notre vie,

parnd leur expression par les mimiques faciales finit creuser des rides sur notre visage. Cela concerne toutes les émotions. Qu’elles soient agréables et liées à nos joies, et voici les rides dites « en pattes d’oie », aux commissure­s extérieure­s des yeux, ou les « rides du sourire », des deux côtés de la bouche. Qu’elles soient sombres, ces émotions, et voilà les « rides du lion », qui froncent la peau entre les deux yeux, les « rides de l’amertume »

(qui prolongent les commissure­s des lèvres vers le bas, comme quand on fait la moue), ou encore les « rides du souci » sur le front…

Comme personne n’aime avoir de rides, les médecins plasticien­s ont cherché comment les éviter. Avec, par exemple, des piqûres de Botox (diminutif de « toxine botulique »), une substance qui entraîne une paralysie des muscles. C’est un toxique à fortes doses, mais à petites doses et en injection locale, elle freine la contractio­n des muscles du visage.

Ainsi, après une injection, les rides s’atténuent pour quelques semaines, on semble plus jeune, et le tour est joué. Et non seulement l’effet est ponctuel, mais les études montrent aussi que l’usage régulier du Botox finit par freiner durablemen­t le vieillisse­ment du visage. Pas mal !

Sauf que… On s’est aussi aperçu que le Botox, en figeant nos visages, figeait peu à peu nos ressentis émotionnel­s. Pour le meilleur : on ressent moins d’émotions négatives (c’est une piste étudiée dans certains cas de dépression) et pour le pire : on ressent aussi moins d’émotions positives (ce qui est plus ennuyeux pour profiter de la vie).

Autre inconvénie­nt : les études montrent que, si des rides d’expression sont présentes sur nos visages, nos sourires et nos ressentis sont jugés plus spontanés, plus intenses, plus sincères par nos interlocut­eurs. Sans les rides ni la mobilité des traits, nos visages paraissent certes plus jeunes, mais pas plus sympathiqu­es ni attractifs. Intéressan­t, ce dernier point : à quoi bon alors vouloir se rajeunir ?

Bon, pas de morale ici, chacune et chacun fait avec le Botox et les rides comme il le souhaite. Mais à côté de la voie du Botox, il y a aussi la voie de la sagesse : un peu moins de soleil, un peu moins de tabac (ou mieux : pas du tout), accepter que le temps passe, et choisir ses rides, c’est-à-dire sourire beaucoup et moins ressasser ses soucis ! On va appeler ça « la méthode Montaigne », qui écrivait à propos de la vieillesse : « Elle nous attache plus de rides en l’esprit qu’au visage. » Si on s’occupait davantage des rides de notre esprit ? Elles sont peut-être plus importante­s pour notre bonheur, finalement, que les rides de notre visage…

Sources : « A Novel Test of the Duchenne Marker :

Smiles After Botulinum Toxin Treatment for Crow’s Feet Wrinkles » (Frontiers in Psychology, janvier 2021) ; « Prévention du vieillisse­ment du visage : cinq règles à suivre » (Medscape, décembre 2019).

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