Playboy (France)

#BalaNcE toN lapIN

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Nul besoin de partager une scène 60’s avec les Playboys de Vince Taylor pour faire de Johnny notre regretté Playboy national. Le Belge incarne tout ce que le magazine que vous tenez d’une seule main a su rester depuis 1953:exigeant et populaire, sexy et curieux, politique et esthétique. La disparitio­n programmée du baby-boomer en chef (il est né pendant la guerre, ce qui fait également de lui un précurseur en ce domaine) marque à elle seule la fin d’une glorieuse époque, faite de croissance à deux chiffres et de minijupes sur fond de protestati­ons pour la Paix et les droits civiques (combats auxquels le Playboy américain a largement pris sa part), bref cet “après-guerre” qui en appelait tant de nouvelles.

Ce que l’on retient de la nuit dans laquelle Johnny nous a plongés, c’est bien sûr l’Amérique, ou plus précisémen­t une Amérique fantasmée à travers le cinéma que connaît si bien son copain Eddy. Ces voitures rutilantes sur le route 66 tombent aujourd’hui en obsolescen­ce, tout comme ces hommes en peignoir de soie rouge butinant des filles avec des oreilles de lapin dans leur zoo privé, rêve emporté dans sa tombe par notre saint patron, Hugh Hefner. Les grands fauves s’éteignent, et de nouveaux volcans s’allument, pour paraphrase­r la publicité, avec une parole des femmes enfin libérée depuis l’abominable affaire Weinstein. Doit-on interdire à nos enfants de lire la Belle au bois dormant pour autant ?

Faisant fi du consenteme­nt de la princesse, ce conte repris par Grimm et Perrault est aujourd’hui menacé par une mère de famille anglaise et mis au niveau des “porcs” de basse-cour! Silence, on épure… Comme si l’art n’était pas le lieu de la catharsis, de la transfigur­ation et que l’on ne devrait plus aller voir que de gentils films comme le Grand Bleu pour que les enfants fassent de la plongée… Comme si en interdisan­t Orange mécanique – ce qui fut le cas en Angleterre pendant vingt-sept ans –, on prévenait toute explosion de violence urbaine… Enfermons les criminels, les violeurs, mais célébrons les artistes, les visionnair­es et tous ceux qui, à l’instar de notre Johnny national, brûlent leur vie pour sauver les nôtres.

Joyeux Noël à tous les lapin.e.s.

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