MARIE PERBOST PAUL-ANTOINE BÉNOS-DJIAN
Sebastian Bach, le voyage à Naples
Kantaten BWV 209, 1083 & 54 Ensemble Ma non troppo
1 CD Son an ero 17
Dis-moi Vénus... : le titre du récital de Marie Perbost, gravé en studio, en janvier 2023, dans la Salle Marengo du Château de Versailles, fait d’emblée penser à Offenbach et à sa Belle Hélène. Sauf qu’ici, la référence à la déesse de l’Amour se restreint au seul XVIIIe siècle, donc à «L’amour sous Louis XV», un terrain, lui aussi, riche en coquineries variées. On nous promet des musiques d’une «troublante sensualité», du moins dans le texte de présentation, par ailleurs très érudit, signé Pedro-Octavio Diaz.
Ceci posé, n’exagérons rien : les conventions de l’expression lyrique de l’époque restent de puissants corsets, et il paraît assez vain de chercher là un équivalent des voluptueuses chairs rosâtres, complaisamment étalées par les peintures versaillaises. Donc, place à un récital plutôt sage, chanté par une jolie soprano française, dont les capacités à faire monter la température restent limitées.
Marie Perbost assume bien le parcours, avec un remarquable souci d’incarnation du texte, voire, çà et là, un certain «chien». Mais sa voix n’a pas l’envergure, par exemple, de Phèdre, dont le désespoir, dans le redoutable «Cruelle mère des amours» d’Hippolyte et Aricie, laisse indifférent. La Folie dans Platée (« Aux langueurs d’Apollon »), autre Rameau incontournable, paraît mieux lui convenir, à quelques pyrotechnies bizarres près. Mais ici, de toute façon, aucun délire n’est, a priori, exclu... Le problème principal reste, sur la durée d’un récital d’une heure, une certaine monochromie de l’approche, faute de davantage d’ampleur dans les moyens. Une impression d’ennui distingué, que l’accompagnement orchestral de Gaétan Jarry s’emploie à pallier par toutes sortes d’effets, sans convaincre totalement.
Intéressant programme, au demeurant, qui inclut quelques raretés, dont un extrait du « ballet héroïque » Les Romans d’un certain Jean-Baptiste Niel, ou encore l’ariette extraite des Moissonneurs d’Egidio Romualdo Duni, dont les effluves mozartiens ajoutent, tout à coup, un peu de charme parfumé à ce récital, relativement raide dans l’ensemble.
Marie Perbost a, également, participé à un autre disque de studio, enregistré trois ans plus tôt (janvier et août 2020), baptisé Sebastian Bach, le voyage à Naples. Encore un assemblage au titre trop accrocheur ? Ici, il s’agit du concept d’un Johann Sebastian Bach «voyageur immobile», esprit continuellement curieux qui, même s’il n’a jamais quitté l’Allemagne, n’a cessé de s’imprégner de musiques étrangères, au moins italiennes et françaises. D’italien, la cantate profane BWV 209 (Non sa che sia dolore) n’a, cependant, à offrir que son texte – et encore, d’après les connaisseurs, rédigé dans un italien exécrable. La qualité d’écriture de la Sinfonia initiale permet d’en présumer l’authenticité, bien que son attribution formelle à Bach reste discutée. En tout cas, il s’agit d’une belle oeuvre, bien défendue par Marie Perbost, entourée par le collectif Ma non troppo, en effectif très réduit (une petite dizaine de musiciens).
Suit l’adaptation par Bach du Stabat Mater de Pergolesi, donc la cantate BWV 1083 (Tilge, Höchster, meine Sünden), handicapée par un accompagnement prosaïque et par la voix trop mate de Paul-Antoine Bénos-Djian. On retrouve le contre-ténor français dans une discutable interprétation de la cantate BWV 54 (Widerstehe doch der Sünde), compromise par un timbre d’une telle minceur qu’il se réduit, le plus souvent, à une sorte d’ingrat parlar cantando.
Cette fois, en plus, on se demande vraiment ce que cette pièce – hors, peut-être, sa découpe très simple, en trois parties (aria-récitatif-aria) – peut avoir d’italien !