MARINA REBEKA
Essence
Madama Butterfly, Mefistofele, Adriana Lecouvreur, La Dame de pique, La rondine, Tosca, Andrea Chénier, La Bohème, Pagliacci, Rusalka, Gianni Schicchi, La Wally
Orchestre de l’Opéra de Wroclaw, dir. Marco Boemi
1 CD Prima Classic PRIMA 013
Pour son nouveau récital sous étiquette Prima Classic, gravé en studio, voici deux ans et demi (août 2021), Marina Rebeka a choisi un programme de «tubes» de l’opéra italien du tournant du XIXe et du XXe siècle, complétés par deux extraits, tout aussi célèbres, de Rusalka et La Dame de pique. On peut regretter le côté fourre-tout de l’ensemble et, encore davantage, l’absence de raretés, pourtant faciles à dénicher dans le répertoire improprement baptisé «vériste». Mais comment ne pas s’incliner devant l’exceptionnelle qualité artistique du résultat ?
La voix, d’abord, convient idéalement aux airs sélectionnés : d’un velours somptueux et d’une homogénéité sans faille, avec un grave naturellement rond et sonore, rendant inutile le poitrinage, un médium robuste, et un aigu extraordinairement glorieux et facile. Parfaitement tenu sous contrôle, le vibrato n’est libéré qu’avec parcimonie, pour donner plus d’intensité à une fin de note ou de phrase. Et l’on ne cesse d’admirer la manière dont ce chant, à la fois soigné et généreux, particulièrement flatté par la prise de son, renouvelle notre appréciation de pages tellement rabâchées qu’elles avaient fini par nous paraître redondantes.
Surtout, on est sensible à la façon dont Marina Rebeka, très bien accompagnée par Marco Boemi et l’Orchestre de l’Opéra de Wroclaw, différencie chacune des héroïnes abordées. Ainsi de Magda (La rondine) et Lauretta (Gianni Schicchi), pour lesquelles la soprano lettone réussit à alléger ses imposants moyens de lirico spinto. Miraculeuses, également, ses Mimi et Musetta (La Bohème) : la première, irrésistible de simplicité et de lumière dans «Mi chiamano Mimi» ; la seconde, sensuelle sans une once de vulgarité – on l’imagine, en scène, captant les regards de tous les clients du café Momus !
La sensualité caractérise encore une Nedda (Pagliacci) à la jeunesse éblouissante, une Adriana Lecouvreur prima donna jusqu’au bout des ongles, concluant «Io son l’umile ancella» d’un sublime diminuendo aigu, et une Rusalka enveloppée de mystère, dans son «Chant à la lune». Inoubliable, enfin, le climat de tragédie dans lequel l’interprète, sans aucune grandiloquence, plonge Margherita (Mefistofele), Tosca, Maddalena (Andrea Chénier) et Wally. Dans ce parcours semé d’embûches, où les références discographiques sont légion, Marina Rebeka soutient la comparaison avec les plus grandes, Mirella Freni en tête, à laquelle on pense plus d’une fois, en l’écoutant.