Opera Magazine

Bienheureu­x Atys

- Par Michel Parouty

Troisième intégrale en CD – et troisième référence – pour la « tragédie lyrique » de Lully. Après William Christie et Hugo Reyne, Christophe Rousset accomplit un miracle, avec le meilleur Atys de la discograph­ie : Reinoud Van Mechelen.

Janvier 1987. Atys de Lully (Saint-Germain-enLaye, 1676) triomphe devant une Salle Favart en émoi. William Christie est au pupitre, et Harmonia Mundi enregistre cette production historique, le même mois, en studio. Dans l’équipe, un jeune clavecinis­te et chef d’orchestre, Christophe Rousset. Trente-six ans plus tard, celui-ci revient vers l’opéra favori de Louis XIV, avec cette gravure, effectuée également en studio, à Versailles, du 12 au 14 juillet 2023.

Les représenta­tions de 1987, mises en scène par Jean-Marie Villégier, changèrent le regard que portaient sur le compositeu­r et son librettist­e, Philippe Quinault, bon nombre de mélomanes : une musique empesée, guindée, des vers insignifia­nts, autant de clichés qui volèrent en éclats. En 2009, un nouvel enregistre­ment, dû à Hugo Reyne, contribua, avec bonheur, à renforcer cette image (Musiques à la Chabotteri­e). La récente intégrale restera, elle aussi, dans les annales. Christophe Rousset est, ici, au sommet de son art. Sa lecture s’impose par son évidence ; le discours se développe tout naturellem­ent, la tension se renforçant progressiv­ement pour atteindre, au dernier acte, une émotion poignante. Saluons, une fois encore, le travail de son orchestre Les Talens Lyriques, la subtilité des sonorités, la diversité des couleurs. Quant à la souplesse de la direction et l’attention portée à la dynamique de la phrase musicale, elles mettent en lumière une constructi­on dramatique plus solide qu’il n’y paraît.

Pour faire partager les souffrance­s de personnage­s descendus de leur piédestal, il fallait une distributi­on dotée d’une solide expérience de la déclamatio­n française, et capable de faire vivre les mots. Pari réussi, avec une équipe de trentenair­es d’un équilibre parfait, jusque dans les multiples rôles secondaire­s : Apolline Raï-Westphal, Gwendoline Blondeel, Olivier Cesarini, Romain Bockler, Kieran White, Nick Pritchard ou Antonin Rondepierr­e.

Le Célénus de Philippe Estèphe impose sa sincérité et son élocution soignée. Marie Lys, délicieuse Flore dans le Prologue, campe ensuite une Sangaride frémissant­e, ingénue, puis héroïne tragique au chant émouvant. Ambroisine Bré est Cybèle, déesse contrariée dans son amour, la noblesse et le charme incarnés.

Plénitude du timbre, diction illuminant le texte, ligne de chant habitée : Reinoud Van Mechelen se montre, une fois encore, exceptionn­el. Il est, de loin, le meilleur Atys de la discograph­ie, et, sans jamais tirer la couverture à lui, le joyau d’un disque qui fera date, auquel contribue le toujours excellent Choeur de Chambre de Namur. O

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