Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Cette écrivaine de rue recadrée, place Masséna
Prescilla, jeune Niçoise férue d’écriture, improvise une historiette à partir d’un mot donné par le public. Mais son installation place Masséna n’est pas validée par la réglementation municipale.
Une histoire de mots qui se transforme en maux. C’est le scénario auquel est confrontée une écrivaine de rue, dans l’impossibilité de partager son art littéraire avec le grand public à Nice, en raison de la réglementation municipale. Pourtant, le récit de cette volubile brunette a de quoi séduire. Le personnage principal, c’est donc elle, Prescilia Correnti, Niçoise de 27 ans, employée dans une entreprise de produits électroniques. Au cours d’une autre vie, cette littéraire au style court, ciblé, précis, a suivi des études à l’école de journalisme de Nice, exercé sa plume véloce dans des web médias, à Paris, puis à Monaco, dans le monde des croisières. Job qui trouve son point final avec le Covid. D’où sa reconversion dans les outils de communication high-tech. Ce qui ne l’empêche pas de craquer pour une vieille machine à écrire Brother jaune, dégotée dans une brocante et acquise pour une poignée de figues.
Une double fracture et un roman
Car il y a un an, Prescilla est victime d’un accident d’escalade. Bilan : bras et jambe fracturés. Immobilisation forcée. « J’en ai profité pour commencer un roman. Une dystopie. C’està-dire,
une anticipation décrivant un monde à peu près parfait, mais qui ne l’est pas. »
Dans ce move sombre, Prescilla noircit 300 pages. Sur ordinateur. Les manuscrits sont envoyés à des maisons d’édition. Il faut se faire connaître. C’est là qu’intervient la machine à écrire. « Afin de publier mon roman, j’ai pensé à des pages publiques à publier
sur les réseaux sociaux. Voilà comment j’ai proposé des textes gratuits et visuels, place Masséna, à l’entrée de la coulée verte. »
Des textes distribués gratuitement
Chaque jeudi, de 15 h à 17h, Prescilla décide de s’installer avec sa tablette, sa chaise et sa Brother. Intrigués,
les gens s’appro- chent et, à son invitation, lui donnent un mot – les fées, la sirène... – et c’est parti pour une historiette tapée sur un feuillet en 3 minutes. L’affaire marche à fond. D’autant plus qu’elle ne coûte rien. « Une fois l’histoire finie, je donne la feuille à la personne qui m’a indiqué le mot et elle repart avec. C’est gratuit. Je fais ça pour la poésie, mon goût pour l’improvisation en fonction de mon ressenti pour l’interlocuteur que j’ai en face, l’énergie
qu’il exprime. »
« Pour l’instant, je ne peux rien faire »
L’intrigue se gâte. Au bout d’un mois, un quatuor D’ASVP se pointe et interroge l’écrivaine pour savoir si elle est autorisée à exercer son art de la sorte. Non. « J’étais allée voir sur le site Internet de la Ville quelle était la réglementation. Elle est très mal expliquée. J’ai cru pouvoir m’installer sans autorisation en respectant les sites, les jours, les horaires indiqués.
»
Après la venue des agents, Prescilia entame des démarches auprès de la mairie: « On m’a demandé un Kbis et une assurance civile liés à mon activité, mais c’est impossible puisque mon activité est gratuite et donc non référencée. » Résultat : « Pour l’instant, je ne peux rien faire, se désole l’écrivaine, pourtant, j’aimerais bien continuer, car cet exercice me plaît. »