Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Cette écrivaine de rue recadrée, place Masséna

Prescilla, jeune Niçoise férue d’écriture, improvise une historiett­e à partir d’un mot donné par le public. Mais son installati­on place Masséna n’est pas validée par la réglementa­tion municipale.

- CHRISTINE RINAUDO crinaudo@nicematin.fr

Une histoire de mots qui se transforme en maux. C’est le scénario auquel est confrontée une écrivaine de rue, dans l’impossibil­ité de partager son art littéraire avec le grand public à Nice, en raison de la réglementa­tion municipale. Pourtant, le récit de cette volubile brunette a de quoi séduire. Le personnage principal, c’est donc elle, Prescilia Correnti, Niçoise de 27 ans, employée dans une entreprise de produits électroniq­ues. Au cours d’une autre vie, cette littéraire au style court, ciblé, précis, a suivi des études à l’école de journalism­e de Nice, exercé sa plume véloce dans des web médias, à Paris, puis à Monaco, dans le monde des croisières. Job qui trouve son point final avec le Covid. D’où sa reconversi­on dans les outils de communicat­ion high-tech. Ce qui ne l’empêche pas de craquer pour une vieille machine à écrire Brother jaune, dégotée dans une brocante et acquise pour une poignée de figues.

Une double fracture et un roman

Car il y a un an, Prescilla est victime d’un accident d’escalade. Bilan : bras et jambe fracturés. Immobilisa­tion forcée. « J’en ai profité pour commencer un roman. Une dystopie. C’està-dire,

une anticipati­on décrivant un monde à peu près parfait, mais qui ne l’est pas. »

Dans ce move sombre, Prescilla noircit 300 pages. Sur ordinateur. Les manuscrits sont envoyés à des maisons d’édition. Il faut se faire connaître. C’est là qu’intervient la machine à écrire. « Afin de publier mon roman, j’ai pensé à des pages publiques à publier

sur les réseaux sociaux. Voilà comment j’ai proposé des textes gratuits et visuels, place Masséna, à l’entrée de la coulée verte. »

Des textes distribués gratuiteme­nt

Chaque jeudi, de 15 h à 17h, Prescilla décide de s’installer avec sa tablette, sa chaise et sa Brother. Intrigués,

les gens s’appro- chent et, à son invitation, lui donnent un mot – les fées, la sirène... – et c’est parti pour une historiett­e tapée sur un feuillet en 3 minutes. L’affaire marche à fond. D’autant plus qu’elle ne coûte rien. « Une fois l’histoire finie, je donne la feuille à la personne qui m’a indiqué le mot et elle repart avec. C’est gratuit. Je fais ça pour la poésie, mon goût pour l’improvisat­ion en fonction de mon ressenti pour l’interlocut­eur que j’ai en face, l’énergie

qu’il exprime. »

« Pour l’instant, je ne peux rien faire »

L’intrigue se gâte. Au bout d’un mois, un quatuor D’ASVP se pointe et interroge l’écrivaine pour savoir si elle est autorisée à exercer son art de la sorte. Non. « J’étais allée voir sur le site Internet de la Ville quelle était la réglementa­tion. Elle est très mal expliquée. J’ai cru pouvoir m’installer sans autorisati­on en respectant les sites, les jours, les horaires indiqués.

»

Après la venue des agents, Prescilia entame des démarches auprès de la mairie: « On m’a demandé un Kbis et une assurance civile liés à mon activité, mais c’est impossible puisque mon activité est gratuite et donc non référencée. » Résultat : « Pour l’instant, je ne peux rien faire, se désole l’écrivaine, pourtant, j’aimerais bien continuer, car cet exercice me plaît. »

 ?? (Photo Ch. R.) ?? Prescilia Correnti et sa machine à écrire jaune. Chaque jeudi, elle s’installe place Massena pour distri- buer gratuiteme­nt des textes, en interactio­n avec les passants.
(Photo Ch. R.) Prescilia Correnti et sa machine à écrire jaune. Chaque jeudi, elle s’installe place Massena pour distri- buer gratuiteme­nt des textes, en interactio­n avec les passants.

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