Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Projets d’immeubles à Drap : stop ou encore ?
La question a largement divisé lors du dernier conseil municipal. Le maire, Robert Nardelli, défend « la nécessité de construire des logements ». Sur les bancs de l’opposition, on parle de « promesses électorales non tenues ».
Mais arrêtez d’aboyer ! » Venant du public, la complainte est broyée par l’insupportable cacophonie du conseil municipal de Drap. L’ordre du jour n’avait même pas été abordé que l’assemblée virait déjà au pugilat. Le casus belli ? Deux projets de construction d’immeubles : une maison des séniors en face de l’école primaire Romainknecht, en plus d’une salle d’activité consacrée à la petite enfance. Puis, une barre de 60 logements longeant le boulevard Stalingrad (lire cidessous).
«Onnepeut pas interdire de construire »
Si pour l’heure, aucun permis de construire n’a encore été validé, la mairie explique « être en pleine négociation » avec les promoteurs. Ce qui a fait bondir l’opposition ainsi qu’une partie du public. Qui n’a pas manqué d’intervenir lors des débats, bien que cela soit proscrit lors d’un conseil municipal. « Ne plus autoriser de construction sur la commune. C’était notre argument de campagne en 2020. Je dois vous ressortir les tracts ? » Romain Bianchi, ex-premier adjoint ayant rejoint en 2023 l’opposition sans s’affilier à un groupe, invective un à un ses anciens colistiers.
« Les gens viennent pour avoir un bout de verdure »
« Les propriétaires, qui sont de vieux Drapois ayant travaillé toute leur vie et aspirant à avoir une belle retraite, ne veulent rien savoir », rétorque Robert Nardelli, catégorique. Le maire de Drap s’agace, grogne : «Sitoutest conforme au plan local d’urbanisme, que peut faire la mairie ? On ne peut pas interdire de construire, mettezvous ça dans la tête ! Sinon, on se retrouve au tribunal administratif et ils vont gagner avec une demande d’un ou deux millions de dommages et intérêts. Je ne prendrai pas ce risque-là. »
Brouhaha général. Les habitants de la résidence Fleur de Lin montent au créneau. Ils jouent gros : l’immeuble du boulevard Stalingrad va en partie leur obstruer la vue. Au tour des parents d’élèves de s’inquiéter du balai des poids lourds en face de l’école.
« Et oui, si les gens viennent habiter à Drap, c’est pour avoir un bout de verdure. On pourrait très bien préempter ces terrains », estime Sandrine Guglielmino, membre du groupe d’opposition Drap Ensemble.
Face à l’air narquois du maire, l’ex-élue sous la mandature de Marc Morini (maire de 1982 à 2014), perd son calme : « Mais cessez de rire comme un benêt ! » Rugissement dans la majorité. Le calme peine à revenir, l’opposition fait mine de quitter la salle, il est question d’ajourner les débats. Puis, Robert Nardelli reprend les rênes et assène : « Si on doit préempter les terrains, on en aura pour 4 millions d’euros. Nous n’en avons pas le budget. »
« Depuis 2022, plus de 3 000 demandes de logement »
Romain Bianchi dégaine ses propositions aux allures de programme électoral : « Toutes les voies de la commune sont interdites aux véhicules
de plus 3,5 tonnes. Alors engagez-vous maintenant, devant les Drapois, à ne délivrer aucune dérogation. Aucun chantier ne peut se faire sans ces camions. » Applaudissements dans la salle. Petit sourire triomphal d’un côté, silence affligé de l’autre. « Romain, tu as eu les dossiers sous les yeux
avant moi. Tu sais qu’il y a une crise du logement. Depuis 2022, nous avons plus de 3 000 demandes. Vous tous dans la salle, vous avez de la chance d’être logés ici », rappelle Martine Dunoyer de Segonzac, première adjointe, qui a repris cette fonction délaissée par Romain Bianchi.
Le maire martèle à nouveau que « les promoteurs construiront avec ou sans la mairie. Autant que nous négocions pour que le projet final nous corresponde ». Les opposants à « la bétonisation » ne bronchent pas. Débat de sourds.