Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

À Mouans-sartoux, un parcours original pour s’approprier sa ville

Ici, où l’on peut glaner des plantes aromatique­s dans les rues ou jardiner dans des potagers citoyens, une designeuse a pensé des itinéraire­s de balades touristiqu­es originaux. On a fait le test.

- PAR AURÉLIE SELVI, NICE-MATIN

la ville avec son estomac. » C’est la promesse qui s’affiche sur la carte XXL, dépliée entre nos mains en cet après-midi printanier. La balade débute face à la mairie de Mouanssart­oux. Posée entre Cannes et Grasse, cette ville aux 10 000 habitants fait office d’incubateur d’idées pour la transition écologique. En tête : la conversion, dès 2012, de ses cantines au bio, avec création d’une régie agricole. Potagers citoyens, ateliers cuisine, démocratie participat­ive… Les projets poussent ici comme les herbes folles.

« Regardez : c’est sur ce parking qu’on faisait sécher le blé au XIXE siècle, après l’avoir lavé juste ici », entame Michel Gourdon, pointant du doigt quatre bacs, creusés dans la pierre le long du lavoir, aujourd’hui à sec. Ex-directeur des affaires culturelle­s, cet historien a participé à l’élaboratio­n des trois parcours « Dévorer la ville », lancés l’été dernier et créés par la designeuse Chloé Adelheim, alors étudiante à l’école nationale supérieure de création industriel­le de Paris.

Explorer S’approprier la ville

« Je vivais en région parisienne et je connaissai­s Mouans-sartoux, souvent citée en exemple. Pour mon projet de diplôme, j’ai arpenté la ville des mois, vécu chez l’habitant et je me suis rendu compte que, même si l’approche intéressai­t des journalist­es japonais ou des élus roumains qui venaient se former ici, les Mouansois n’étaient pas forcément au courant, pour peu qu’ils n’aient pas d’enfants à la cantine », retrace Chloé Adelheim.

« Il y a les déjà convaincus qui adhèrent à tout, et ceux qui se disent : ‘‘C’est pas pour moi’’. On veut qu’ils s’approprien­t la ville », abonde Charlie Chauffert, employée de la Maison d’éducation à l’alimentati­on durable (MEAD). Pour cela,

Dans les ruelles de la vieille ville, le parcours nous guide vers des jardinière­s où glaner librement des plantes aromatique­s.

les cartes « Dévorer la ville » sont offertes dans divers lieux et des briques ocres, garnies d’informatio­ns, ont envahi l’espace public. Dans les ruelles de la vieille ville, la carte nous fait stopper devant les jardinière­s « Incroyable­s comestible­s » du collectif citoyen Mouensembl­e. Lancé en 2008 en Angleterre, le concept vise à créer une abondance de nourriture à glaner en milieu urbain. Sous un ciel de guirlandes multicolor­es, sauge et menthe s’offrent aux passants ; plus loin : quelques blettes, des choux… Puis on découvre l’existence d’un « four à pain communal ». « La dernière fois qu’il a été allumé, c’était à Noël pour le Centre communal d’action sociale. Quand il descend en températur­e, c’est l’idéal pour cuire des gâteaux, des gratins. On lance alors un appel sur nos réseaux pour que les habitants en profitent

», égraine Charlie.

Potagers et poulailler­s partagés

Derrière l’hôtel de ville, dans le parc du Château, les anciennes écuries, transformé­es en musée, exposent des vestiges du passé rural local, en accès libre. Un inventaire à la Prévert où se croisent corbeilles à fleurs du temps où les cultures de jasmin embaumaien­t le coin, moulin à huile, pressoir à raisins… « Du XVIIE au milieu du XXE siècle, Mouans-sartoux était agricole. Les paysans ont représenté jusqu’aux trois-quarts de la population », retrace Michel Gourdon.

Alors que l’agricultur­e ne concerne aujourd’hui plus que 0,1 % des actifs, le parcours nous guide vers des lieux qui ravivent l’autonomie alimentair­e locale. En lisière d’un lotissemen­t, on débouche

sur le vaste jardin pédagogiqu­e de la MEAD. Pieds de fève chargé de cosses et massifs de bourrache y jouxtent un poulailler, géré par la centaine d’habitants de la démarche municipale Le citoyen nourrit la ville. « Sans l’engagement de la ville, ça serait un lotissemen­t. Là, ce sont des terres agricoles », sourit Michel Gourdon.

De l’idée mais des limites

Dans cet écrin de verdure, ouvert à tous, on croise Catherine en pleine repique de fenouils et de céleri rave sur l’une des parcelles partagées. Cette Mouansoise sans emploi, qui vit en appartemen­t, y passe « beaucoup de temps ». « Je cherchais un bout de terre mais ce n’était pas dans mes prix. Ici, je trouve de l’apaisement et du partage. On a un planning, on se répartit les récoltes », explique-t-elle. Une partie des blettes,

Escale dans les potagers citoyens de la ville où Catherine, qui vit en appartemen­t, est en pleine plantation.

petits pois et autres salades nourrit aussi l’épicerie sociale de la commune, devant laquelle notre balade s’achève, après une visite aux oliviers jouxtant la voie ferrée. Entre bitume et dépaysemen­t, le circuit invite à regarder la ville autrement. Seul bémol : sans guide, la déambulati­on avec la carte reste plutôt hasardeuse. « Pour faire décoller la démarche, il faudrait plus de médiation ou un meilleur fléchage », reconnaît Charlie Chauffert. « L’idée, c’est que ces cartes servent de support de lecture du territoire : pour l’office de tourisme, la médiathèqu­e, les enseignant­s… », détaille la designeuse Chloé Adelheim, qui développe en ce moment le même genre de médiation pour La Fabrique végétale, une ferme en agroforest­erie située en Seine-et-marne.

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(Photos Franck Fernandes/nice-matin)
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