Au sommet de la vague
JÉRÔME DARET - SÉLECTIONNEUR À 49 ANS, LE TECHNICIEN A VU SON VOEU LE PLUS CHER EXAUCÉ : SES BLEUS SONT CHAMPIONS OLYMPIQUES. L’ABOUTISSEMENT D’UN PROJET DE SEPT ANS ET D’UNE PASSION DE VINGT ANS. FOCUS SUR UN PERSONNAGE SINGULIER, QUI SAVAIT OÙ ALLER ET
«Ça a été le plus grand des bienfaits pour le rugby à 7, on ne pouvait pas trouver de meilleure personne. C’est peut-être facile de dire ça maintenant mais je l’ai pensé dès le début… » Quelques jours avant le coup d’envoi du tournoi olympique, Thierry Janeczek, sélectionneur de France 7 de 1996 à 2010, nous avait témoigné de son grand respect pour Jérôme Daret, un de ses successeurs au poste. Samedi soir, dans la ferveur du Club France, « Le Zèbre », ainsi que tout le monde l’appelle dans le milieu, était le plus heureux d’avoir vu ses mots trouver un tel écho au Stade de France : « Il a été parfait dans sa gestion. Franchement, chapeau, c’était géré d’une main de maître. » Le compliment résonne comme un adoubement de la part de celui qui l’a introduit dans ce monde à part : « L’histoire est particulière, se souvient-il dans un sourire. Au départ, j’avais appelé à Dax pour que l’on m’envoie un joueur. Je ne savais pas qui prendre. On m’avait donné Jérôme. » Le hasard n’aurait pas pu faire mieux les choses : « Il avait participé à Singapour. Dès son arrivée, il a compris les principes de jeu et maîtrisé ce qu’il y avait autour. Il est devenu capitaine et grand organisateur de l’équipe. Il était très bon dans l’articulation du jeu et il s’est pleinement épanoui. Il faut dire que cette conception du jeu lui allait à merveille. Le 7 lui a permis de mettre au grand jour ce qu’il avait en lui et ça lui a permis de faire une belle carrière à Dax par la suite, où il a commencé à entraîner. » Entre le 7 et l’ancien demi de mêlée, ce n’était assurément qu’un au revoir avant les retrouvailles, tôt ou tard.
« IL EST ATYPIQUE ET J’AIME ÇA »
En 2017, la nomination de Jérôme Daret est apparue comme une évidence aux yeux de Thierry Janeczek et des connaisseurs de ce petit milieu : « L’autre clé de sa réussite est son association avec Christophe Reigt. Les deux fonctionnent très bien et ont amené une nouvelle vision et une plus grande exigence. » Avec une confiance inaltérable en son projet, en son destin, Jérôme Daret s’est efforcé de façonner l’effectif le plus à même de s’installer sur le circuit mondial en tendant la main à la jeunesse et en dressant des passerelles avec le XV. En amenant, aussi, des idées nouvelles et une vision singulière : « Ah, c’est sûr qu’il nous fait faire des trucs qui sortent de l’ordinaire, en sourit Jean-Pascal Barraque.
Mais Jérôme, pour moi, c’est avant tout une personne humaine et honnête, ce qui est plus rare de nos jours. Il sait nous mettre en confiance, il nous laisse nous exprimer dans son cadre. » « Il est très philosophe et c’est un grand observateur, poursuit Jordan Sepho. J’aime bien ce côté-là. Il est atypique. En tant que mec le plus atypique du groupe, je sais de quoi je parle. J’aime cette approche, ça me fascine. » Le Landais a emmené ses troupes sur tous les terrains possibles, des dunes des Fidji aux plages des Landes en passant par les planches du Moulin Rouge :
« Il a une façon de manager qui est surprenante », commente Paulin Riva. Déroutante mais entraînante : « Il a tout le temps le sourire, il ne nous a jamais vraiment gueulé dessus, ce qui peut surprendre dans le monde du rugby. Il amène aussi beaucoup d’énergie et va chercher un maximum de compétences, de précision dans l’analyse des adversaires, de notre jeu… »
Paulin RIVA
Capitaine de France 7
« CONSTRUIRE LE FUTUR DU 7 »
Au-delà de l’excentricité douce du personnage, le technicien est réputé pour ses qualités de tacticien. À cet égard, le dénouement du tournoi olympique lui a donné raison sur toute la ligne : le positionnement d’Antoine Dupont sur le banc, les titularisations d’Andy Timo, l’impact de Jordan Sepho comme finisseur, la reformation de la paire Parez-Riva… Autant de paris gagnants : « Cette gestion, ça fait des années qu’il la perfectionne, on sait qu’il la maîtrise », évoquait Jean-Pascal Barraque. Thierry Janeczek liste : « Tout a été parfait, il a su parfaitement s’adapter aux états de forme de ses joueurs, bien gérer Antoine, utiliser Jordan comme il le fallait… » Jusqu’à cette audace tactique en finale : « Il faut cacher son jeu par moments et sortir des coups au bon moment. J’ai voulu surprendre les Fidjiens en anticipant mes changements dès la pause alors que j’attends quelques minutes d’ordinaire. C’est un risque car si un joueur se blesse rapidement, ça peut se retourner contre vous. » Samedi, tout s’est déroulé comme dans un rêve d’entraîneur. Les dieux du rugby à 7 étaient de son côté, aussi, pour l’apogée de sa carrière et sa grande dernière sur le banc de touche. Jérôme Daret part au sommet, en pleine lumière : « C’est ma last dance », a-t-il annoncé après le sacre. L’histoire d’amour entre le Landais et sa discipline de coeur n’est pas pour autant terminée : « Je suis en discussion avec la Fédération pour travailler sur la notion d’héritage, pour construire un futur pour le rugby à 7 dans sa globalité sur le territoire français et soutenir la continuité de la performance de l’équipe de France de rugby à 7. » Pour paraphraser son mentor Thierry Janeczek, l’instance ne pourrait pas « trouver de meilleure personne » pour le poste.
« Il a une façon de manager qui est surprenante. Il a tout le temps le sourire, il ne nous a jamais vraiment gueulé dessus, ce qui peut surprendre dans le monde du rugby. »