Midi Olympique

Le Dieu de l’Olympe

AU TERME D’UNE ANNÉE ÉPOUSTOUFL­ANTE, ANTOINE DUPONT A RÉALISÉ CE QUI PARAISSAIT IMPENSABLE AUPARAVANT : DEVENIR CHAMPION OLYMPIQUE À VII EN TANT QUE QUINZISTE. SA QUATRIÈME CONSÉCRATI­ON EN UN PEU PLUS DE DEUX MOIS. SENSATIONN­EL.

- Par Vincent BISSONNET, envoyé spécial vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

Àforce d’époustoufl­er la planète rugby à grands coups d’exploits successifs, nous laissant tour à tour bouche bée ou le souffle coupé, Antoine Dupont et ses fabuleuses aventures ne nous ont guère accordé de répit cette année. Depuis samedi soir, le demi de mêlée est enfin en vacances – des plus méritées – et ce repos nous autorise enfin un précieux moment de contemplat­ion. Car une pause s’impose pour mesurer la chance de voir évoluer, de nos propres yeux d’amoureux du rugby, le demi de mêlée.

Le prodige de Castelnau-Magnoac a tout bonnement retracé les contours de ce qui définit un champion au bout d’une année qui l’aura vu soulever des trophées de toutes compositio­ns, de tous les horizons. De Los Angeles a Saint-Denis en passant par Madrid et Londres, il a sillonné la planète ovale avec une régularité et une compétitiv­ité éblouissan­tes. Si les prestation­s en finale étaient des oeuvres d’art, elles auraient toutes leurs places au Louvre : son effort admirable à Los Angeles au bout de lui-même, ses 100 minutes démentes en Champions Cup avec ses 50-22, ses retours défensifs et ses quatre grattages – rendez-vous compte ! – qui valent des essais, son doublé tonitruant en Top 14 et, samedi soir, son entrée en jeu au plus que parfait face aux Fidji avec un service en or et deux essais pour l’histoire.

Le plus remarquabl­e, dans cette fantastiqu­e odyssée condensée en tout juste six mois, tient dans sa propension à repousser les frontières de ce qui semblait possible. Quel autre rugbyman que lui, déjà, aurait pu disputer un quart de finale de Coupe du monde avec une pommette ruinée ? Le triste dénouement du 15 octobre dernier, source de regrets éternels pour des millions de supporters tricolores, ne saurait occulter la prouesse physique et psychologi­que qu’a constituée son retour sur les terrains.

Au-delà de ses innombrabl­es qualités rugbystiqu­es, cette année aura mis en exergue un mental de champion à nul autre pareil. En décidant de tenter l’aventure olympique, Antoine Dupont en a apporté une preuve indéniable. Comme si le monde du XV était devenu trop petit, comme si son ambition était trop grande, il s’était mis en tête d’entreprend­re cette quête d’un genre nouveau… Rares sont les quinzistes de renom à avoir eu ce cran. Aucun n’y est parvenu avec autant de brio.

« LA CLASSE MONDIALE, QUEL CHAMPION ! »

Aussi complet soit-il, le Toulousain avait énormément à y gagner mais aussi beaucoup à perdre. On attend toujours plus des talentueux… « Quand j’ai appris cette nouvelle, j’étais on ne peut plus enthousias­te et aussi très surpris, commente Waisale Serevi, légende de la discipline. C’était marquant que le meilleur joueur du monde à XV, qui a été élu joueur de l’année par World Rugby, veuille franchir le pas et se tester dans cette discipline, face à ce qui se fait de mieux. C’était courageux de sa part. » Lui-même avait été traversé par les mêmes interrogat­ions : « Il est arrivé sur la pointe des pieds mais aussi avec quelques peurs, il ne savait pas ce que ça allait donner,

évoque Jérôme Daret. Mais je savais que ça allait le faire. » Le courage n’estil pas justement de savoir surmonter ses peurs ? Pour ce faire, l’intéressé s’est donné tous les moyens d’être compétitif : en se développan­t physiqueme­nt, en ouvrant grand les yeux et les oreilles, en se faisant tout petit quand il le fallait et en se montrant grand dans les moments les plus importants. Dans cette conquête, il a su être à la fois un coéquipier modèle, qu’importent les choix de l’encadremen­t – « il n’a pas la grosse tête, il n’a pas fait de frasques »,

louait samedi Jean-Pascal Barraque, et une plus-value décisive, à la hauteur de sa réputation et de son talent – les deux étant intimement liés. Sa deuxième période de la finale, entamée par une course folle petit côté et conclue derrière un groupé-pénétrant à la manière d’un demi de mêlée quinziste, est amenée à entrer dans la postérité du rugby à 7. À l’arrivée, les JO étaient bel et bien un défi à la démesure de ce marathonie­n-décathloni­en, capable de tout bien faire dans son sport, sur une durée illimitée.

« C’est un des meilleurs joueurs au monde, un des plus complets et, ce qui est encore plus fort, c’est qu’il est si souvent décisif dans les moments clés pour faire gagner son équipe, quelle que soit la discipline », loue Waisale Serevi. « C’est vraiment la classe mondiale, quel champion », nous écrivait, depuis la NouvelleZé­lande, Orene Ai’i, autrefois meilleur joueur du monde à 7. Qui oserait encore affirmer le contraire, septiste et quinziste confondus, qu’on soit de Nouvelle-Zélande ou d’Afrique du Sud ? Antoine Dupont transcende toutes les barrières et les frontières. À ce titre, il est plus qu’une icône pour la France du rugby. Une fierté. Une bénédictio­n.

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Photos Icon Sport Antoine Dupont a encore été décisif en finale face aux Fidjiens avec un doublé.

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