Libération

En refusant de nommer Lucie Castets, Macron choisit d’être l’otage du RN

Le Président s’aligne sur la politique de l’extrême droite, qui a signifié qu’elle censurerai­t tout gouverneme­nt de gauche. Pour le député écologiste Hendrik Davi, les citoyens comme les entreprise­s doivent réagir.

- Par HenDrik Davi

Plus que jamais, notre monde est instable. L’agression russe en Ukraine se poursuit. La réponse de l’Etat d’Israël aux attaques terroriste­s du 7 Octobre risque de se traduire par un génocide à Gaza et menace la stabilité de toute la région. Les tensions économique­s entre les Etats-Unis et la Chine sont grandissan­tes. Le capitalism­e financier est incapable de résorber les inégalités qui minent nos sociétés. Les 1 % des plus riches possèdent 50 % des richesses. Le productivi­sme auquel il conduit réchauffe la planète. Nous n’avons jamais émis autant de CO2 du fait de la combustion des énergies fossiles. Enfin, nous atteignons les limites écologique­s de notre planète et la dynamique d’extinction de la biodiversi­té doit être stoppée au plus vite.

Cette situation de crise chronique du capitalism­e génère une instabilit­é politique durable et dans tous les régimes, y compris les plus démocratiq­ues. En Europe, nous sommes dans une situation de tripartiti­on entre un bloc de gauche, un centre droit et l’extrême droite. Les élections de juin et juillet, provoquées par Emmanuel Macron, ont constitué un sursaut qui a permis d’éviter le pire : l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.

Nous devons être lucides. L’extrême droite est une force néofascist­e qui menace partout les libertés publiques, le droit des femmes et des minorités. En général, quand elle arrive au pouvoir, elle augmente les inégalités, fait régresser les droits des travailleu­rs et mène une politique écocide, comme ce fut le cas au Brésil avec Bolsonaro et aujourd’hui en Argentine.

Jouer avec le feu. Entre les deux tours des élections législativ­es, un front uni a semblé se reconstitu­er pour éviter l’arrivée au pouvoir du Rassemblem­ent national en France. C’était une bonne nouvelle, qui a permis au bloc de gauche d’arriver en tête au second tour, reléguant le bloc d’extrême droite en troisième position. Tous les démocrates auraient dû être heureux de ce sursis. Malheureus­ement, le président Emmanuel Macron et les parlementa­ires du centre et de la droite continuent de jouer avec le feu. Il aurait dû nommer Lucie Castets Première ministre et laisser le bloc de gauche, arrivé en tête, tenter de trouver des majorités, texte par texte. Au contraire, le président a préféré s’aligner sur l’extrême droite qui a, dès le début, signifié qu’elle censurerai­t tout gouverneme­nt de gauche. Mais en agissant ainsi, Emmanuel Macron choisit d’être l’otage du Rassemblem­ent national jusqu’à la prochaine dissolutio­n. En effet, le gouverneme­nt choisi mènera une politique d’austérité contraire au programme du NFP, sinon il n’aura pas le soutien de la droite. Ce gouverneme­nt sera donc légitimeme­nt censuré par tous les groupes parlementa­ires de gauche. Il ne devra sa stabilité qu’à la «non-censure» de la part des députés du RN. Et évidemment, le RN va tout de suite jouer de cette position de force et exiger une politique encore plus raciste pour justifier de ne pas censurer le gouverneme­nt. Ces dirigeants l’ont déjà signifié. Ils exigent un référendum sur l’immigratio­n. Emmanuel Macron est condamné à poursuivre la fuite en avant avec le RN dans les bagages, ce qu’il avait déjà bien entamé avec la loi immigratio­n. Or cette politique «austéritai­re» et raciste renforce le parti d’extrême droite. Emmanuel Macron creuse donc le tombeau politique du centre et de la droite.

Espoir. Le Nouveau Front populaire a fait émerger un immense espoir. Il a su rester uni en dépit des difficulté­s. Nous avons une candidate au poste de Premier ministre avec Lucie Castets. Elle n’a pas démérité, nous avons donc une porte-parole légitime du NFP. Nous devons d’une part renforcer partout le NFP en constituan­t des comités de bases quartier par quartier et d’autre part, avec les syndicats et les associatio­ns, nous devons organiser une riposte massive dans la rue et les entreprise­s. Cela commencera le 7 septembre avec les organisati­ons de la jeunesse, mais cela doit s’élargir très rapidement avec, si les syndicats le décident, des mouvements de grève. Si la rue ne réagit pas maintenant, à terme le pouvoir passera dans les mains de l’extrême droite.

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Député du groupe Ecologiste et social de la cinquième circonscri­ption des Bouches-du-Rhône

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