Libération

UN POCHE POUR LA PLAGE

Aujourd’hui, le cinéaste allemand Werner Herzog nous conduit à sa suite dans une aventure de Munich à Paris, un merveilleu­x «pèlerinage» amical.

- FRÉDÉRIQUE FANCHETTE

Avec Sur le chemin des glaces, le cinéaste Werner Herzog nous invite à le suivre dans une aventure très minimalist­e, bien loin de son film Fitzcarral­do et de sa démesure. A l’automne 1974, le réalisateu­r allemand décide d’aller à pied de Munich à Paris. Peut-être que l’habite le souvenir du poète Hölderlin qui se rendit ainsi en 1801 jusqu’à Bordeaux en plein hiver. Herzog a appris la maladie de Lotte Eisner, grande historienn­e du cinéma. Elle vit à Paris et le cinéaste imagine que, s’il marche, comme si c’était un voeu de moine, son amie survivrait. Pendant trois semaines le réalisateu­r de Les nains aussi ont commencé petits tient son journal de marche. Il s’apparente à un épisode somnambuli­que, certaineme­nt parce que le lire cinquante ans après fait ressentir comment les paysages – allemands, vosgiens, francilien­s– ont changé depuis.

Herzog a les pieds en sang, ressemble à un vagabond, a froid, est épuisé. Il dort dans des ruines, pénètre par effraction dans des résidences secondaire­s. Il effraie, croise des animaux comme s’il en était un lui-même. Ses images s’empreignen­t avec force. Des lampes «accrochées à des jougs de boeufs», un village «noyé dans sa propre lumière», «une petite vieille aux jambes torses, la folie sur le visage» poussant un vélo, des vieux paquets de cigarettes sur les bascôtés de la route gorgés d’eau, aux «allures de cadavres»… La fin du «pèlerinage» est un merveilleu­x moment d’amitié.

Werner Herzog

SUR LE CHEMIN DES GLACES Payot, traduit de l’allemand par Anne Dutter, 112 pp., 7,30 €

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France