Vie privée, vie publique : Lucie Castets en campagne médiatique
Dans deux interviews à «Sud-Ouest» et «Paris Match» mardi, la candidate du NFP pour Matignon s’est largement exprimée, d’un côté sur les potentiels «compromis» à l’Assemblée, de l’autre sur sa vie personnelle, en faisant son coming out.
«Nous sommes conscients que nous n’avons pas de majorité absolue. [...] Il faudra travailler texte par texte.»
Fini les premiers terrains. Après un déplacement à Lille puis dans l’usine Duralex, près d’Orléans, place aux «interviews vérité». Plus que jamais candidate à Matignon au nom du Nouveau Front populaire, Lucie Castets bouscule un peu plus la «trêve olympique» décrétée par Emmanuel Macron.
La haute fonctionnaire a choisi Paris Match pour en dire plus sur sa vie personnelle et sa personnalité, et a opté pour Sud-Ouest afin de dérouler ce que la gauche pourrait faire –et comment– si le chef de l’Etat venait à la nommer à Matignon. Ce qu’il n’a toujours pas l’intention de faire…
«Je ne suis pas dans une position d’attente. Je suis au travail», insiste, dans le quotidien régional, celle qui échange très régulièrement avec tous les autres responsables du NFP partis en vacances. Si des propositions plus précises – notamment sur le budget 2025 – sont en préparation et devraient être dévoilées dans les prochaines semaines, la fondatrice du collectif «Nos services publics» liste dans l’interview les mesures qui pourraient faire l’objet de «compromis» avec d’autres forces représentées à l’Assemblée nationale.
«Aberration». «On pourra s’entendre pour revaloriser le travail de nuit des infirmières, recruter des AESH pour que les enfants en situation de handicap aient une scolarité normale, ouvrir de nouvelles places en crèche ou encore construire un service public territorial de santé avec les élus locaux», dit-elle, prenant une distance de plus avec les insoumis qui continuent de répéter que si le NFP gouverne, ce sera pour mettre en oeuvre «tout le programme». «Nous sommes conscients que nous n’avons pas de majorité absolue, répond-t-elle dans Sud-Ouest. Nous savons que pour avancer, il faudra trouver des compromis et travailler, texte par texte, avec les parlementaires de l’Assemblée et du Sénat.»
Le début d’un recentrage après avoir été très accompagnée sur le terrain par les députés insoumis et que l’aile droite du Parti socialiste a réclamé une «clarification» avec LFI ? En tout cas, Lucie Castets profite de cette sortie média pour prendre ses distances avec Sophia Chikirou. La députée de Paris, très proche de Jean-Luc Mélenchon, avait relayé sur son compte Instagram privé un post sur la mort d’Ismaïl Haniyeh, dans laquelle le fils de ce chef du Hamas le présentait comme un «martyr» et le leader de la «résistance» palestinienne. «Cette publication n’était pas acceptable et contraire à tout ce que défend le NFP», affirme Lucie Castets dans Sud-Ouest, rappelant «que le NFP condamne sans réserve les attaques terroristes du 7 Octobre perpétrées par le Hamas».
Mais les principales cibles de la directrice des finances de la ville de Paris restent Emmanuel Macron et son gouvernement démissionnaire. Comme la cheffe des écologistes, Marine Tondelier, lundi dans une vidéo, Lucie Castets dénonce la préparation, selon elle «sans légitimité démocratique» du projet de loi de finances 2025 par Bercy (lire ci-contre). Seconde cible : Xavier Bertrand, dont le nom revient régulièrement pour tenter une alliance du «bloc central» macroniste avec une partie de la droite. Une telle nomination serait, selon Castets, une «aberration». «Les Républicains, le parti de Xavier Bertrand, a obtenu 6% au premier tour des législatives, rappelle-t-elle. Comment nommer un Premier ministre qui n’a pas de majorité et qui ne représenterait que lui-même ?»
Et la haute fonctionnaire d’attaquer le bilan de l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était à la tête d’un grand ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé : «C’est l’affaiblissement des financements de l’hôpital, une suppression massive de lits, l’explosion des constructions d’Ehpad privés, une réforme injuste des retraites…» Voilà pour la partie politique… Mais dans un temps estival où les responsables politiques ont bien du mal à exister face aux athlètes français en lice aux JO, mieux vaut, pour être entendue, parler d’autre chose que de financement du smic à 1 600 euros ou augmentation des impôts des «plus fortunés».
«Equilibre». Castets a donc choisi Paris Match –pourtant propriété de Vincent Bolloré– pour évoquer sa vie personnelle et dire son homosexualité, comme l’avait fait Gabriel Attal. «Je souhaite trouver un équilibre entre protéger ma famille, ma femme et notre enfant, et dire qui je suis», explique-t-elle à Paris Match, qui précise que le couple a un enfant de 2 ans et demi. Elle raconte être déjà victime de messages de «haters d’extrême droite» à propos de son union avec une femme.
Elle dit également être une grande sportive –entre autres, adepte de tennis, de handball, de taekwondo et fan de surf – afin de défaire cette image d’énarque et de technocrate parisienne qui lui colle à la peau. «Je n’ai rien à prouver. Je suis bien dans mes baskets, les gens découvriront cela, ou pas», assume celle qui rappelle que si elle travaille à Paris, elle a vécu à Caen jusqu’à ses 18 ans. Cette incursion médiatique en appelle-t-elle d’autres? Aucun déplacement n’est, pour l’instant, à l’ordre du jour de la Normande. Son équipe la dit «au travail sur le projet», scrutant aussi le moindre bougé du côté de l’Elysée dans la course de vitesse qui se prépare une fois les Jeux clôturés.
«Nous nous réunissons régulièrement [en visio] pour préparer la fin des JO, assure le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, depuis son camping corse, et annoncer aux Français ce que nous comptons mettre en oeuvre, comment nous comptons le financer et avec des ministres prêts à travailler.» Reste un petit détail à régler : qu’Emmanuel Macron nomme Lucie Castets à Matignon. Et c’est encore loin d’arriver.
«Il est très problématique d’affirmer qu’on est en “trêve” et de préparer un budget.
C’est aller au-delà de la gestion des affaires courantes.
Le budget, c’est l’acte politique par excellence. Ce gouvernement démissionnaire travaille sans légitimité démocratique.» LUCie Castets candidate NFP pour Matignon, dans une interview à «Sud-Ouest»
«Oui, Bercy a envoyé au Premier ministre sa copie sur le budget. Mais c’est une base nécessaire,
qui permettra au prochain gouvernement d’avoir toutes les options et de faire ses choix politiques. Matignon n’a d’ailleurs
pas envoyé les lettres-plafond qui fixent les dépenses maximum
de chaque ministère.»
Un ConseiLLer de Matignon
à «Libération»
«Trêve olympique» ne rime vraiment pas avec «trêve politique» : la gauche continue d’accuser Bercy et Matignon, censés s’en tenir aux «affaires courantes» depuis la démission du gouvernement Attal, de préparer en douce un budget 2025 tout ficelé et «d’austérité», qui liera, selon eux, les mains d’un prochain gouvernement. Que nenni, répond l’exécutif, qui assure que si la Direction du Trésor a bien planché sur des tableaux Excel, contrainte par les délais constitutionnels que réclame un projet de loi de finances, rien n’est définitif ni tranché. Les travaux préparatoires du budget 2025, élaborés par les services de Bercy, ne constituent, selon un conseiller de Matignon interrogé par Libé, qu’une «base technique». Seule décision politique effectuée en amont –et pas des moindres– ce brouillon de budget prévoit une cible de déficit, en diminution, comme l’a annoncé Bruno Le Maire. Pas de quoi choquer le député insoumis Eric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée, qui trouve «normal» que le gouvernement commence à travailler sur un budget, mais pointe du doigt le Président, qui tarde à nommer quelqu’un à Matignon.
LAUrenCe BenhAMoU
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