Rentrée des députés entre trac et tractations
Des formalités administratives aux négociations politiques, les parlementaires de la XVIIe législature ont fait une première incursion à l’Assemblée lundi.
«S’il vous plaît, madame la députée!» «Monsieur le député, sur votre droite, toute !» Sur le perron de la cour d’honneur de l’Assemblée nationale, lundi, les députés prennent la pose sous les objectifs des photographes. Ambiance cannoise et folklore parlementaire, un classique de chaque nouvelle législature. La XVIIe, qui s’ouvrira officiellement le 18 juillet, lors d’une première séance publique dans l’hémicycle, est déjà inédite sous la Ve République. Après le coup de grisou de la dissolution, une campagne éclair et la victoire, d’une courte tête, de la gauche unie, l’incertitude règne sur les contours du futur paysage politique. Trois morceaux composent cette Assemblée morcelée : le Nouveau Front populaire, avec 178 élus; le camp présidentiel, réuni (pour l’heure) sous la bannière Ensemble, avec 150 élus ; et le Rassemblement national, 142 élus. Dans cette tripartition parlementaire, des archipels flottent. On trouve 15 députés de gauche qui n’avait pas le label «NFP», 66 élus Les Républicains et divers droite, 15 élus centristes, indépendants des macronistes… Comment, dès lors, dégager une majorité pour gouverner ? Depuis dimanche soir, la gauche unie revendique Matignon. Sans LFI, coupe le socialiste Jérôme Guedj (Essonne), pour qui il existe un «espace» entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron pour «une gauche républicaine universaliste, laïque, écologiste, européenne, féministe». bloc central plaide lui aussi pour une coalition, excluant l’extrême droite et LFI. «Il faut demander au PS s’il accepte de rompre avec La France insoumise et, dans ce cas-là, on pourrait discuter sur des grands sujets», a exposé Gérald Darmanin lundi.
Calme de façade
La droite, elle, est partagée… Certains penchent pour la coalition quand Laurent Wauquiez, élu en Haute-Loire, prône «ni coalition ni compromission». Un casse-tête… Deux ans que l’Assemblée nationale vivotait, à la recherche, texte par texte, des voix suffisantes. Voilà le macronisme privé de son dernier attribut, une majorité relative. Seule certitude, rappelée dimanche soir par le Premier ministre, Gabriel Attal : «Le centre de gravité du pouvoir sera, par la volonté des Français, désormais plus que jamais entre les mains du Parlement.»
Au Palais-Bourbon, pour ce jour de rentrée, flotte un calme de façade. L’heure est aux formalités. Un parcours a été spécialement aménagé pour les nouveaux élus et les sortants. Passé un contrôle de sécurité, dans la cour d’honneur, les parlementaires sont guidés par un huissier en queue-de-pie jusqu’à des bureaux, où ils récupèrent leur écharpe d’élu, une cocarde, le règlement de l’institution… Les rescapés de la dissolution ont la mine enjouée, à l’image des députés Horizons François Jolivet (Indre) et Henri Alfandari (Indre-et-Loire), les premiers à franchir le portail, à 14 heures. «Cette Assemblée sera encore plus compliquée que la précédente…» glisse Alfandari, bien incapable de prédire l’intrigue des prochains jours. Dans les couloirs, l’exPremière ministre Elisabeth Borne, qui a enduré les fastidieuses séances de questions au gouvernement et essuyé son lot de motions de censure, savoure d’un oeil rieur sa liberté retrouvée. Aux sortants réélus, comme Ludovic Mendes (Moselle), l’élue du Calvados donne une accolade chaleureuse et glisse quelques mots à l’oreille. La composition des futurs groupes parlementaires
Depuis la victoire, d’une courte tête, de la gauche unie, l’incertitude règne sur les contours du futur paysage
politique.
agite les esprits. Les cadors de feu la majorité s’activent. «Personne n’est prêt à faire un bloc commun, tique un conseiller parlementaire du camp présidentiel. Chacun joue sa partition.» Des chapelles, la droite va elle aussi en bâtir. Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, contesté par ses anciens camarades, va créer son propre groupe, baptisé «A droite» ou «Les Républicains à droite», selon Christelle d’Intorni (Alpes-Maritimes). Chez les LR «canal historique», c’est Laurent Wauquiez qui va tenter d’être élu à la présidence du groupe, mercredi. Philippe Juvin ou Aurélien Pradié pourraient surgir dans ses pattes… Les députés ont jusqu’au 18 juillet pour se déclarer auprès d’un groupe.
PronostiCs
Autre objet d’agitation, les postes clés qui seront répartis entre le 18 et le 20 juillet : présidence de l’Assemblée, questeurs, présidences des commissions… Les tractations sont lancées. Les pronostics fusent. Qui pour succéder notamment à Yaël Braun-Pivet au Perchoir? L’élue des Yvelines se verrait bien rempiler… Le vétéran du Palais-Bourbon Charles de Courson, réélu dimanche dans la Marne ? «Il pourrait tenter le coup, phosphore un collaborateur parlementaire Horizons. Opposé à la réforme des retraites, il recueillera les suffrages de la gauche et, à défaut, le RN ne s’y opposera pas. Originaire du centre, Ensemble laissera faire. Député le plus ancien, réélu de justesse… Ça lui ferait un beau bâton de maréchal !» Autre objet de convoitises, le fauteuil de la puissante commission des finances. Les jeux sont ouverts.