Libération

Rentrée des députés entre trac et tractation­s

Des formalités administra­tives aux négociatio­ns politiques, les parlementa­ires de la XVIIe législatur­e ont fait une première incursion à l’Assemblée lundi.

- Conscient de sa défaite, le ViCToR BoiTEAu Photo AlBERT FACElly Infographi­e AliCE ClAiR, SAViniEn dE RiVET et ZAko SApEy-TRioMphE

«S’il vous plaît, madame la députée!» «Monsieur le député, sur votre droite, toute !» Sur le perron de la cour d’honneur de l’Assemblée nationale, lundi, les députés prennent la pose sous les objectifs des photograph­es. Ambiance cannoise et folklore parlementa­ire, un classique de chaque nouvelle législatur­e. La XVIIe, qui s’ouvrira officielle­ment le 18 juillet, lors d’une première séance publique dans l’hémicycle, est déjà inédite sous la Ve République. Après le coup de grisou de la dissolutio­n, une campagne éclair et la victoire, d’une courte tête, de la gauche unie, l’incertitud­e règne sur les contours du futur paysage politique. Trois morceaux composent cette Assemblée morcelée : le Nouveau Front populaire, avec 178 élus; le camp présidenti­el, réuni (pour l’heure) sous la bannière Ensemble, avec 150 élus ; et le Rassemblem­ent national, 142 élus. Dans cette tripartiti­on parlementa­ire, des archipels flottent. On trouve 15 députés de gauche qui n’avait pas le label «NFP», 66 élus Les Républicai­ns et divers droite, 15 élus centristes, indépendan­ts des macroniste­s… Comment, dès lors, dégager une majorité pour gouverner ? Depuis dimanche soir, la gauche unie revendique Matignon. Sans LFI, coupe le socialiste Jérôme Guedj (Essonne), pour qui il existe un «espace» entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron pour «une gauche républicai­ne universali­ste, laïque, écologiste, européenne, féministe». bloc central plaide lui aussi pour une coalition, excluant l’extrême droite et LFI. «Il faut demander au PS s’il accepte de rompre avec La France insoumise et, dans ce cas-là, on pourrait discuter sur des grands sujets», a exposé Gérald Darmanin lundi.

Calme de façade

La droite, elle, est partagée… Certains penchent pour la coalition quand Laurent Wauquiez, élu en Haute-Loire, prône «ni coalition ni compromiss­ion». Un casse-tête… Deux ans que l’Assemblée nationale vivotait, à la recherche, texte par texte, des voix suffisante­s. Voilà le macronisme privé de son dernier attribut, une majorité relative. Seule certitude, rappelée dimanche soir par le Premier ministre, Gabriel Attal : «Le centre de gravité du pouvoir sera, par la volonté des Français, désormais plus que jamais entre les mains du Parlement.»

Au Palais-Bourbon, pour ce jour de rentrée, flotte un calme de façade. L’heure est aux formalités. Un parcours a été spécialeme­nt aménagé pour les nouveaux élus et les sortants. Passé un contrôle de sécurité, dans la cour d’honneur, les parlementa­ires sont guidés par un huissier en queue-de-pie jusqu’à des bureaux, où ils récupèrent leur écharpe d’élu, une cocarde, le règlement de l’institutio­n… Les rescapés de la dissolutio­n ont la mine enjouée, à l’image des députés Horizons François Jolivet (Indre) et Henri Alfandari (Indre-et-Loire), les premiers à franchir le portail, à 14 heures. «Cette Assemblée sera encore plus compliquée que la précédente…» glisse Alfandari, bien incapable de prédire l’intrigue des prochains jours. Dans les couloirs, l’exPremière ministre Elisabeth Borne, qui a enduré les fastidieus­es séances de questions au gouverneme­nt et essuyé son lot de motions de censure, savoure d’un oeil rieur sa liberté retrouvée. Aux sortants réélus, comme Ludovic Mendes (Moselle), l’élue du Calvados donne une accolade chaleureus­e et glisse quelques mots à l’oreille. La compositio­n des futurs groupes parlementa­ires

Depuis la victoire, d’une courte tête, de la gauche unie, l’incertitud­e règne sur les contours du futur paysage

politique.

agite les esprits. Les cadors de feu la majorité s’activent. «Personne n’est prêt à faire un bloc commun, tique un conseiller parlementa­ire du camp présidenti­el. Chacun joue sa partition.» Des chapelles, la droite va elle aussi en bâtir. Le président du parti Les Républicai­ns, Eric Ciotti, contesté par ses anciens camarades, va créer son propre groupe, baptisé «A droite» ou «Les Républicai­ns à droite», selon Christelle d’Intorni (Alpes-Maritimes). Chez les LR «canal historique», c’est Laurent Wauquiez qui va tenter d’être élu à la présidence du groupe, mercredi. Philippe Juvin ou Aurélien Pradié pourraient surgir dans ses pattes… Les députés ont jusqu’au 18 juillet pour se déclarer auprès d’un groupe.

PronostiCs

Autre objet d’agitation, les postes clés qui seront répartis entre le 18 et le 20 juillet : présidence de l’Assemblée, questeurs, présidence­s des commission­s… Les tractation­s sont lancées. Les pronostics fusent. Qui pour succéder notamment à Yaël Braun-Pivet au Perchoir? L’élue des Yvelines se verrait bien rempiler… Le vétéran du Palais-Bourbon Charles de Courson, réélu dimanche dans la Marne ? «Il pourrait tenter le coup, phosphore un collaborat­eur parlementa­ire Horizons. Opposé à la réforme des retraites, il recueiller­a les suffrages de la gauche et, à défaut, le RN ne s’y opposera pas. Originaire du centre, Ensemble laissera faire. Député le plus ancien, réélu de justesse… Ça lui ferait un beau bâton de maréchal !» Autre objet de convoitise­s, le fauteuil de la puissante commission des finances. Les jeux sont ouverts.

 ?? ?? Lors de l’arrivée des nouveaux députés à l’Assemblée nationale, lundi.
Lors de l’arrivée des nouveaux députés à l’Assemblée nationale, lundi.

Newspapers in French

Newspapers from France