Sylvie Fanchon laisse un message
A Paris, une exposition présente des créations abstraites de l’artiste disparue en avril, où elle interpelle avec humour et délicatesse, évoquant son quotidien face aux écrans, mais aussi face à la maladie.
QUEPUISJEFAIREPOURVOUS. Tracée au blanc de Meudon sur les vitres, sans respiration et sans point d’interrogation final, l’apostrophe sonne drôlement aujourd’hui.
Parce que Sylvie Fanchon, personnage attachant de la scène artistique française et prof culte pour beaucoup d’étudiants des Beaux-Arts de Paris où elle formait avec ses comparses Bernard Piffaretti et Dominique Figarella le trio P2F, nous a quittés il y a quelques mois à peine. Mais aussi parce qu’en cette période trouble, où la confusion règne, l’idée que quelqu’un ou quelqu’une puisse encore faire quelque chose pour nous, donne envie de pleurer.
Mais une fois franchi le seuil de Bétonsalon cerné d’une foulée d’étudiants de Paris-VII (le centre d’art est situé au milieu du campus universitaire), le sourire revient. Car avec ses drôles de manières de peintre abstraite, obsédée par l’idée de surface (rejouant, sur la toile, la surface des écrans), Sylvie Fanchon s’amuse dans toutes ses peintures – six sont présentées à «SOFARSOGOOD», expo radicale pensée presque jusqu’au bout avec l’artiste – à glisser de petits avatars dépités, malins ou avachis, des cartoons en ombres chinoises inspirés par les silhouettes de Snoopy ou Bugs Bunny, qui prennent le contrepied de la sécheresse de la toile.
Sur les quasi-monochromes jaune fluo, noirs ou vert d’eau, ils s’accrochent aux messages badigeonnés d’une seule traite, comme stabilotés en bas de la toile ou en surimpression peu lisible, en plein milieu.
Les titres des tableaux, Enter Password, Error Data Deletion, Nettoyez votre Android, Do Not Turn Off The Computer, Wait disent avec l’humour qui caractérise son travail la réalité d’une vie de peintre aujourd’hui, entre tambouille d’atelier (elle avait toutes sortes de techniques en matière de trompe-l’oeil) et incorporation du monde alentour, y compris par la fenêtre de l’ordinateur. La perte des données, évoquée en creux dans ces peintures à messages, toutes réalisées ces deux dernières années, raconte aussi, avec grande délicatesse, le combat personnel mené par l’artiste face à la maladie.
A Pauline Perplexe, petit tiers lieu situé à Arcueil (Val-de-Marne), qui présentait ce printemps un autre volet de son travail, on pouvait lire sur l’un de ses dessins une autre injonction bien contemporaine : «The Show Must Go On !»
SOFARSOGOOD de SYLVIE FANCHON à Bétonsalon (75013), jusqu’au 13 juillet. Rens. : Betonsalon.net