Libération

La parole raciste ne se libère pas, elle est libre depuis des lustres

- RachiD LaïReche

La séquence est partout. Un morceau du reportage d’Envoyé spécial diffusé sur France 2 a été vu des millions de fois sur les réseaux sociaux. Le magazine d’investigat­ion présente la situation de Divine Kinkela, une aide-soignante noire victime de racisme de la part de ses voisins. Des phrases du genre : «On fait ce qu’on veut, on est chez nous, alors tu dégages. On est en

France, on fait ce qu’on veut, on te l’apprendra si tu ne sais pas.» La parole se libère, paraît-il. Les politiques (surtout ceux du Nouveau Front populaire) prennent la défense de Divine Kinkela. «Soutien», disent-ils. La parole ne se libère pas. Elle est libre depuis des lustres. Il suffit de se balader dans le pays et tendre le micro. Les «bougnoule», les «bamboula», les «sale Arabe» et les «sale noir» pleuvent. Il existe des moments où les tensions sont plus fortes, comme en ce moment, à l’approche des législativ­es, mais le racisme est décomplexé. On peut aussi faire les théoricien­s avec des mots jolis. Dire que les électeurs du RN sont des méprisés qui combattent les élites. Il y a une part de vérité, forcément. Les raisons du vote à l’extrême droite sont multiples. Les fins de mois qui débutent au début du mois, les services publics qui se conjuguent au passé, etc. Et le racisme ? Il est relégué en seconde division. Pas grand monde en parle ou presque, mais il est central. Les «étrangers» sont les coupables de tous les maux du pays pour de nombreux électeurs et politiques. Il suffit de jeter un oeil au programme du RN pour le comprendre: la déchéance de nationalit­é, la fin du droit du sol, la préférence nationale, la fin de l’Aide médicale d’Etat et tout le reste. Les victimes de racisme parlent. Elles racontent, décrivent et crient. Des mots pas toujours audibles, même lorsque le RN marche en souriant vers le pouvoir. Des phrases reviennent, comme : «Il faut arrêter de voir du racisme partout.» Parfois, des vidéos violentes, comme celle de Divine Kinkela, tombent du ciel. Des preuves irréfutabl­es. On pourrait se dire que ça change. Que nenni. Divine Kinkela est soutenue. C’est bien normal: la vidéo est crade et ses voisins aussi. Et les autres ? Ceux qui n’ont pas été filmés ?

Newspapers in French

Newspapers from France