Libération

Sam Morton nd spleen en quatre

L’actrice britanniqu­e s’associe à Richard Russell pour un premier album foudroyant.

- OLIVIER LAMM

Vous connaissez Samantha Morton, sûrement. Voix aigre et regard perçant, la comédienne a crevé l’écran des dizaines de fois depuis son rôle de pythie cyber dans Minority Report, Debbie Curtis poignante dans le Control d’Anton Corbijn sur la vie de Ian Curtis et aimant vital dans toute une tripotée de blockbuste­rs et de séries sitôt vus sitôt négligés. Ce que vous ne saviez pas, sans doute : avant de devenir actrice, l’Anglaise, née en 1977 à Nottingham d’une mère fragile et d’un père violent et alcoolique, a écumé les foyers et les familles d’accueil, où elle a été victime de violences sexuelles. Très engagée dans la cause des maltraitan­ces infantiles, Morton en a tiré un téléfilm en 2009 (The Unloved) et aujourd’hui une chanson, Purple Yellow, sommet saisissant du premier album de Sam Morton, le duo qu’elle forme avec Richard Russell dans lequel elle met en scène un dialogue avec ses parents. Russell, boss de XL, avait découvert la fibre mélomane de l’actrice en 2020 à la faveur d’une émission de la BBC dans laquelle Morton se remémorait des épisodes de sa vie, de l’enfance à la première rave, au travers de chansons de UB40, Spirituali­zed ou Suicide. Le producteur envisageai­t d’échantillo­nner les mots de la comédienne pour un morceau de son album Everything Is Recorded ; c’est finalement un duo qui est né, de musique et de spleen épais, qui révèle Samantha Morton en superbe diva chétive, entre blue-eyed soul et Marine Girl ressuscité­e. Comme une évidence, Daffodils & Dirt en appelle au Maxinquaye de Tricky, modèle indépassab­le de soul UK fracassée, mais aussi à des plaisirs plus francs – le sexy Let’s Walk in the Night, comme tombé d’un vieux maxi d’Everything But the Girl, la madeleine reggae pop Broxtowe Girl, avec Ali Campbell de UB40, ou la jungle alanguie de Double Dip Neon. De fait, l’album, élaboré sur plusieurs années, part un peu dans tous les sens mais ça ne l’empêche aucunement de déborder de personnali­té. Avec une telle héroïne à la barre, comment aurait-il pu en être autrement ?

SAM MORTOn DAffoDilS

& DiRT (XL / Beggars)

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Photo Anton Corbijn Richard Russell et Samantha Morton.

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