Devant le Medef, Bardella câline les grands patrons
Le président du Rassemblement national, accompagné d’Eric Ciotti, a détaillé une pnolditique de l’offre basée sur de nouvelles suppressions d’impôts de production et des baisses de cotisation. Sur les retraites, il s’est montré confus.
C’est au patronat qu’ils ont réservé leur première apparition publique. Jeudi matin, dans la salle Gaveau du VIIIe arrondissement de Paris, les fraîchement alliés Eric Ciotti, encore formellement président du parti Les Républicains (LR), et Jordan Bardella, président du Rassemblement national, se sont serrés dans le même canapé beige qu’occupaient quelques instants plus tôt les représentants du Nouveau Front populaire, Eric Coquerel (LFI) et Boris Vallaud (PS). Le duo devait y clarifier ses mesures économiques devant quelque 700 personnes venues assister aux auditions organisées par le patronat. Sept représentants de partis étaient présents, tous des hommes.
«J’ai compris en venant ici devant vous qu’il fallait que je rassure les milieux économiques», a commencé le président du parti d’extrême droite. Puis, s’adressant à Patrick Martin, le président du Medef : «Je vous remercie un peu moins pour les amabilités que vous avez eues à mon endroit ce matin, cela fait toujours plaisir de se faire traiter de danger par la personne qui vous invite deux heures après pour dialoguer.» Rires dans la salle. Ce seront les seuls. Le député européen fait référence à une interview parue dans le Figaro, dans laquelle Martin juge que «le programme du RN est dangereux pour l’économie française, la croissance et l’emploi». Bardella aurait pourtant pu le remercier pour la fin de cette phrase: «Celui du Nouveau Front populaire l’est tout autant, voire plus.»
Subterfuge. Alors, le programme du RN, quel est-il ? «Remettre de l’ordre dans le pays, dans la rue, dans les comptes publics», a affirmé Bardella dans un curieux amalgame. Pendant ses cinquante minutes sur scène, il a régulièrement, comme à son habitude, renvoyé à l’état «catastrophique» des finances publiques et à l’audit qu’il lancerait sur les comptes de la nation – cette fois, il n’a pas dit qui le réaliserait – qu’il pose en préalable à ses choix budgétaires. Un subterfuge pour décliner toute réponse claire sur la politique économique et budgétaire que le RN compte mener s’il obtient la majorité absolue le 7 juin.
Il a préféré détailler des mesures à l’attention des patrons, comme la possibilité d’augmenter jusqu’à 10 % leurs salariés payés moins de trois smic, en échange d’exonérations de cotisations sociales. Il a aussi ressorti des placards des cadeaux fiscaux : baisse des impôts de production avec la suppression, déjà dans les plans du gouvernement actuel, de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) ainsi que celle progressive de la C3S. Il leur a promis de ne pas revenir sur le crédit impôt recherche (CIR) et a planifié des «Etats généraux de la simplification» à l’automne. Douze mois laissés au patronat pour ranger les normes selon une «stratégie tricolore», qu’il a très sérieusement déclinée.
Jordan Bardella est resté évasif sur son programme xénophobe. A une représentante des bouchers artisanaux, Véronique Langlais, qui lui expliquait que les «entreprises peuvent tenir la route grâce aux travailleurs immigrés», il a répondu refuser les «régularisations d’étrangers en situation irrégulière» et prévoir «qu’une fois son contrat de travail terminé, l’étranger reparte dans son pays». Tandis que Ciotti a refusé de «justifier une immigration nouvelle par une faiblesse de l’emploi dans les secteurs en tension».
Sur les retraites, dans un entrelacs de phrases, Bardella n’a pas été plus clair. Résumons : il compte revenir sur la dernière réforme Macron qui «sera abrogée dans son système actuel», permettre aux personnes qui ont démarré leur carrière avant 20 ans de partir dès 60 ans dès lors qu’elles ont 40 annuités de cotisation et revenir à 62 ans, un jour. «Avant de donner un calendrier, je veux d’abord avoir connaissance des marges budgétaires qui seront en ma possession», a-t-il évacué. A ses côtés, Ciotti est resté silencieux. Ce fervent promoteur d’un report de l’âge légal de départ à 65 ans a mangé son chapeau. Pour moins que ça – un désaccord sur les carrières longues –, il avait démis de ses fonctions, en février 2023, le numéro 2 de son parti, Aurélien Pradié.
«Couple improbable». «Les retraites, c’est le sujet de divergence. Eric Ciotti suivra le gouvernement sur ce point, imagine Alexandre Loubet, directeur de campagne de Bardella. Ça s’appelle le compromis et les alliances.» Bruno Le Maire, encore ministre de l’Economie et qui succédait au duo sur scène, ne s’est pas privé de railler : «S’il y a quelqu’un qui a compris ce que le couple improbable de tout à l’heure vous expliquait sur les retraites, eh bien je veux que vous m’expliquiez parce que moi, j’ai rien compris.» Il aura d’autres occasions de tenter de comprendre. «Jordan en reparlera ce [jeudi] soir au JT de TF1», indique Loubet. Et lundi, quand Bardella présentera enfin son programme – avec un chiffrage, paraît-il.