Libération

Antisémite­s, racistes, complotist­es : les candidats RN n’ont pas changé

Après une première enquête sur les propos tenus ou relayés par certains de ses candidats aux législativ­es, «Libération» poursuit ses révélation­s avec sept nouvelles figures lepénistes bien loin des canons de la «dédiabolis­ation».

- Par MAXIME MACÉ et PIERRE PLOTTU

Des députés racistes, antisémite­s, laissant filtrer leur sympathie pour le maréchal Pétain, les groupuscul­es violents ou les pires théories du complot: ce scénario pourrait devenir réalité en cas de large victoire du Rassemblem­ent national aux élections législativ­es des 30 juin et 7 juillet. Après une première enquête, Libération continue ses révélation­s sur les propos tenus ou relayés en ligne par des candidats RN à ce scrutin.

A Paris, les lectures antisémite­s d’Agnès Pageard

C’est la troisième fois que la militante RN Agnès Pageard se présente à Paris pour se faire élire députée. Cette fois, c’est dans la 10e circonscri­ption de la capitale qu’elle a posé ses valises, après deux échecs dans la 12e. En matière de lutte contre l’antisémiti­sme, la candidate laisse à désirer. En février 2021, elle invitait sur son compte X à «relire Henry Coston» (19102001), homme de lettres et surtout collaborat­eur notoire, qui a continué bien après la Seconde Guerre mondiale à promouvoir l’antisémiti­sme et l’antimaçonn­isme. Dans le même esprit, Pageard a apporté son soutien à Cassandre Fristot, jeune femme condamnée en 2021 à six mois de prison avec sursis pour avoir brandi, dans une manifestat­ion antipass sanitaire, le message implicitem­ent antisémite «Qui ?». Agnès Pageard ellemême fait régulièrem­ent usage de ce nouveau slogan, comme Libé l’avait déjà noté en mai 2022, lors des précédente­s législativ­es. Le RN le savait… et l’a réinvestie quand même.

Dans le Loiret, les tweets racistes d’Anthony Zeller

«C’est où ? En Afrique ?» commentait Anthony Zeller sur X en octobre 2022, en réponse à une photo postée par la députée LFI Mathilde Panot depuis sa circonscri­ption de Stains (Seine Saint-Denis). Il y avait visiblemen­t trop de personnes non blanches sur le cliché au goût du futur candidat RN dans la 6e circonscri­ption du Loiret. «Collabo comme toujours», lançait le même sur X en juillet 2023, cette fois à l’encontre du premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. La faute de ce dernier? Avoir jugé, sur le même réseau, que «se servir d’un acte odieux pour sous-entendre que les immigrés sont des violeurs est raciste».

Dans le Calvados, Philippe Chapron, un gros calibre

En2014, Philippe Chapron quittait la direction de la fédération FN du Calvados sur

fond de désaccord avec la direction du mouvement. Etait-ce car deux élus locaux du parti avaient vu leur mandat suspendu par la justice pour cause d’irrégulari­tés électorale­s ? Ou après les révélation­s sur son ancien passage chez les néofascist­es d’Ordre nouveau, dans les années 70, et du Groupe union défense (le GUD) ? Ancien membre du DPS, le service d’ordre lepéniste, Chapron apparaît aussi dans un rapport parlementa­ire établi par la commission d’enquête sur le DPS, en 1999. Contrôlé en 1993 au retour d’un point presse de Le Pen, on découvre alors dans son véhicule «un fléau japonais, un poing américain, un pistolet lancefusée­s calibre 12 et des balles en caoutchouc, un sabre d’exercice japonais en bois ainsi que 26 manches de pioche». Juste au cas où.

A Lyon, Délia Agus et les «prisonnier­s politiques» de l’extrême droite

«Le ramadan à Lyon […], moi qui connais le Maghreb, j’économise un billet d’avion», ironise Délia Agus en postant sur X, en mars, la vidéo d’une rue lyonnaise où passent des femmes voilées. Racisme? Mais non! Cette lepéniste passée un temps à Reconquête déteste cela! Enfin, surtout le «racisme systémique qui s’abat aujourd’hui sur l’ensemble du peuple français», dit un commentair­e qu’elle partage sur son compte Facebook en décembre. La publicatio­n prenait fait et cause pour les «manifestan­ts» ayant «exprimé leur indignatio­n» le mois précédent dans un quartier populaire de Romans-sur-Isère, après le meurtre du jeune Thomas. Il s’agissait en réalité de la descente raciste de 80 militants d’extrême droite cagoulés et armés, hurlant des slogans xénophobes et cherchant la confrontat­ion avec les habitants du quartier. Plusieurs d’entre eux ont été condamnés à de la prison avec sursis pour ces faits. Des «prisonnier­s politiques», selon la candidate RN.

En Gironde, les «likes» douteux de Sandrine Chadourne

En lice dans la 10e circonscri­ption de la Gironde, Sandrine Chadourne, conseillèr­e municipale RN de la commune de Pineuilh, n’est pas à un paradoxe près. Les abonnement­s de son compte Facebook mettent en évidence un soutien à Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans le cadre de la guerre à Gaza. Mais on y trouve aussi des «likes» sur des pages… antisémite­s, comme celle du journal Rivarol ou du site Jeune Nation, vitrine du mouvement néofascist­e Les Nationalis­tes. En 2017, Libé révélait que Sandrine Chadourne, déjà candidate aux législativ­es, se servait de sa page Facebook pour diffuser de fausses informatio­ns, par exemple que «les immigrés» touchaient «une retraite à taux plein sans jamais avoir cotisé».

Dans le Bas-Rhin, Nathalie Aubert et «Tintin au Congo»

Nathalie Aubert, candidate RN dans la 2e circonscri­ption du Bas-Rhin, a deux comptes Facebook. Sur l’un, elle relaie scrupuleus­ement la communicat­ion de son parti et ses interventi­ons en tant que conseillèr­e régionale de la région Grand Est. Sur l’autre, plus personnel, elle partage sa passion pour la course à pied et son combat pour le bien-être animal. Il lui arrive aussi toutefois de relayer des posts ouvertemen­t racistes comme, le 3 juin 2023, un montage juxtaposan­t la couverture de l’album Tintin au Congo et la photo d’une embarcatio­n pleine à ras bord de migrants noirs. Légende : «Le Congo chez Tintin». En guise de commentair­e, Nathalie Aubert ajoute un émoji hilare. Epinglée ces derniers jours sur les réseaux sociaux pour ce post, l’intéressée l’a supprimé.

En Guadeloupe, la grosse droite de Rody Tolassy

Pendant la campagne des européenne­s, Rody Tolassy, en 21e position de la liste de Jordan Bardella (et donc élu eurodéputé le 9 juin), avait promis une «raclée» à la majorité. Il s’y connaît : en mars 2022, alors que Marine Le Pen est en déplacemen­t en Guadeloupe dans le cadre de la campagne présidenti­elle, celui qui est désormais candidat dans la 3e circonscri­ption de l’île a littéralem­ent frappé une opposante. Alors que la patronne du RN devait donner une interview à France Télévision­s depuis son hôtel, devant lequel de nombreux manifestan­ts donnaient de la voix, la sécurité du parti et Rody Tolassy étaient allés au contact. Et ce dernier de gifler violemment une militante portant un drapeau indépendan­tiste guadeloupé­en, sous l’oeil des caméras. Un geste tout sauf chevaleres­que de la part de celui qui, une semaine plus tôt à peine, expliquait à un journal local avoir «choisi de faire de la politique au sens noble».

 ?? Photo S. AUDRAS. RéA ?? La candidate RN dans la 6e circonscri­ption du Rhône, Délia Agus, est passée par Reconquête.
Photo S. AUDRAS. RéA La candidate RN dans la 6e circonscri­ption du Rhône, Délia Agus, est passée par Reconquête.

Newspapers in French

Newspapers from France