A Gaza , une pause humanitaire vient illustrer les difficultés de Tsahal
L’armée israélienne semble avoir décidé seule d’augmenter le volume d’aide dans l’enclave, s’attirant les foudres de l’échelon politique.
L’armée israélienne a annoncé dimanche matin une «pause tactique» de 8 heures à 19 heures, tous les jours et jusqu’à nouvel ordre, le long d’une route reliant le postefrontière de Kerem Shalom, principal point d’acheminement de l’aide humanitaire vers le sud de Gaza, à l’hôpital européen de Khan Younès, un des derniers encore «opérationnels» dans la Cet itinéraire d’une dizaine de kilomètres, qui passe en partie par la route Salah ad-Din, première artère de l’enclave, devrait permettre «d’augmenter le volume d’aide humanitaire», a déclaré Tsahal.
La décision –très symbolique alors que les Gazaouis sont privés d’Aïd, principale fête musulmane qui a débuté le même jour– a été prise unilatéralement mais «après des discussions avec l’ONU et les organisations internationales», a précisé l’armée. Elle accuse depuis des mois les fonctionnaires onusiens de ne pas déployer assez de ressources pour faire passer les denrées, qui s’accumulent à Kerem Shalom. Cette annonce semble enfin cautionner ce que les humanitaires soutiennent en réponse à l’offensive israélienne à Rafah, qui a débuté le 6 mai: la route est devenue trop dangereuse pour pouvoir opérer.
Les effets immédiats sont encore difficiles à cerner. «Cette fenêtre, c’est ce que nous demandions, dit Sam Rose, chargé de communications pour l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens. Mais malheureusement nous n’avons pas pu en profiter dimanche, pour des questions de sécurité.»
Chaos. Même quand de nouvelles procédures seront mises en place, les assouplissements des restrictions logistiques ne peuvent pas, à eux seuls, répondre aux besoins des Gazaouis. Alors que l’été s’annonce caniculaire, l’eau en particulier vient à manquer. «Israël ne nous donne que la moitié du fioul nécessaire pour faire marcher les usines de désalinisation, et depuis l’invasion de Rafah, c’est très aléatoire, soupire Munzer Shublaq, à la tête du service de l’eau pour les municipalités côtières de Gaza depuis près de vingt ans. Les canalisations qui viennent d’Israël sont abîmées, marchent à 20 % de leur capacité. Il n’y a que 2 litres d’eau par jour et par personne. Cela devrait être 15, selon l’OMS. Pour se laver et laver leurs vêtements, les gens utilisent l’eau de mer, ajoute-t-il, et c’est sans parler des lacs d’eaux usées un peu partout.»
Moins de deux heures après l’annonce initiale, Tsahal s’est empressée de clarifier «qu’il n’y avait pas de cessation des hostilités dans le sud
La pause tactique semble
n’avoir été entérinée ni par le Premier ministre ni même par le ministre de la
Défense.
de Gaza». Dans les antichambres, c’est le chaos une semaine seulement après le départ de l’ancien chef d’étatmajor, Benny Gantz, du cabinet de guerre. Il semble que la pause tactique n’ait été entérinée ni par le Premier ministre, ni même par le ministre de la Défense, Yoav Gallant. Pour la droite exbande. trême, représentée par son plus incendiaire ministre Itamar Ben-Gvir, celui qui a pris cette décision est «un idiot et un imbécile», a-t-il déclaré sur X dimanche matin. Ou pire à ses yeux, selon un récit en vogue qui voit l’armée contrôlée par les élites «gauchistes», cédant à la pression de l’étranger en nourrissant l’ennemi, au lieu d’aller jusqu’au bout et par tous les moyens.
Fatigue. La majorité silencieuse, celle qui hésite encore entre fin de la guerre et guerre infinie, voit le coût augmenter. Onze soldats israéliens sont morts samedi, dont huit dans l’explosion d’un véhicule blindé à Rafah. Le bilan est de plus de 730 militaires tués depuis le 7 octobre, et près de 4 000 blessés. Selon Nifgashim, une association qui soutient les anciens combattants, plus de 10000 soldats auraient aussi demandé un soutien psychologique.
Comme Eliran Mizrachi, réserviste de 41 ans dans le génie israélien, au volant d’un bulldozer dans Gaza pendant 186 jours. De retour chez lui, dans la colonie «normalisée» de Maaleh Adumim en Cisjordanie occupée, il avait changé. Colérique le jour, hanté par ses cauchemars la nuit, il avait reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. La semaine dernière, l’armée l’a quand même rappelé. Eliran Mizrachi a mis fin à ses jours. Cela aurait pu passer inaperçu, mais sa famille a très publiquement exigé qu’il reçoive des obsèques militaires. «Mon frère a mis fin à ses jours après avoir donné son âme au pays», a écrit sa soeur Shir sur Instagram. Il manquerait 10 000 soldats à l’armée israélienne, estiment certains officiers, assombrissant le débat sur la conscription des ultraorthodoxes, et forçant le gouvernement à augmenter d’un an le service de réserve. Et si les corps sont fatigués, les âmes aussi. «La guerre, c’est horrible, et ce n’est pas parce qu’on a de la technologie que c’est mieux», témoigne Ben, un jeune réserviste qui a lui réussi à se dérober à un deuxième tour de service dans Gaza. Mais le pire,
«Les librairies doivent générer un chiffre d’affaires supplémentaire de 5 % à 8 % d’ici à 2025 pour compenser la hausse prévisible de leurs charges.»
SOS libraires en danger. Leur organisation professionnelle, dans une étude dévoilée dimanche, s’inquiète du risque de nombreuses faillites menaçant les plus petits d’entre eux, dont la fragilité économique s’accentue avec la hausse des charges. A découvrir l’enquête, réalisée par le cabinet Xerfi à l’occasion des Rencontres nationales de la librairie à Strasbourg dimanche et lundi, on se dit que vendre des livres tient du sacerdoce. Malgré tout, le métier continue d’attirer. La France compte 3700 librairies indépendantes, un chiffre en hausse depuis 2019, d’après le Syndicat de la librairie française (SLF). Comment l’expliquer malgré les difficultés, les marges très réduites et des salariés aux rémunérations proches du smic? Les libraires sont «guidés par la passion pour leur métier», selon leur organisation.
Xerfi relève «une rentabilité parmi les plus faibles du commerce de détail», avec un bénéfice net qui représentait 1,1 % du chiffre d’affaires en 2022. Hors alimentaire, seuls les magasins de chaussures, d’informatique et de fleurs font moins bien. Après une année 2021 exceptionnelle, un exercice 2022 plus ordinaire et une année 2023 médiocre, les perspectives ne sont pas bonnes pour 2024 et 2025, d’après les projections. Face à un marché du livre qui stagne et des coûts qui augmentent, les grandes librairies devraient voir leur rentabilité rester stable en 2025, à 1,7%, tandis que les moyennes devraient voir la leur baisser, à 0,8 %, et les petites se retrouver dans le rouge, à -1,3 %. «Les librairies
Cabinet Xerfi Mandaté par le Syndicat de la librairie française pour une étude
doivent générer un chiffre d’affaires supplémentaire de 5 % à 8 % d’ici à 2025 pour compenser la hausse prévisible de leurs charges», estime Xerfi en conclusion. Cette croissance «paraît hautement improbable», expliquait début juin la vice-présidente du SLF, Amanda Spiegel.
Elle appelait les pouvoirs publics et autres acteurs du marché du livre à des concessions, sous peine de voir de nombreux commerces baisser leur rideau. «En l’absence de mesures en faveur des librairies, la plupart d’entre elles se retrouveront déficitaires d’ici deux ans», affirmait-elle. Les libraires souhaitent «une baisse drastique» de la production, qui «nous permettrait de faire notre métier de manière beaucoup plus qualitative». Elle a également exhorté les groupes d’édition à appliquer systématiquement aux libraires des tarifs aussi avantageux que ceux accordés autres vendeurs de livres, comme Amazon. Et à s’aligner sur les pratiques commerciales des deux groupes les plus vertueux, Editis et Madrigall. Enfin, aux pouvoirs publics, le SLF réclame que la réduction de 9 % sur le prix des livres accordée aux collectivités locales, pour les achats destinés aux bibliothèques, soit abaissée à 5 %.