Libération

A Gaza , une pause humanitair­e vient illustrer les difficulté­s de Tsahal

L’armée israélienn­e semble avoir décidé seule d’augmenter le volume d’aide dans l’enclave, s’attirant les foudres de l’échelon politique.

- Par Nicolas RouGeR Correspond­ant à Tel-Aviv «c’est de ne pas savoir où on va».•

L’armée israélienn­e a annoncé dimanche matin une «pause tactique» de 8 heures à 19 heures, tous les jours et jusqu’à nouvel ordre, le long d’une route reliant le postefront­ière de Kerem Shalom, principal point d’achemineme­nt de l’aide humanitair­e vers le sud de Gaza, à l’hôpital européen de Khan Younès, un des derniers encore «opérationn­els» dans la Cet itinéraire d’une dizaine de kilomètres, qui passe en partie par la route Salah ad-Din, première artère de l’enclave, devrait permettre «d’augmenter le volume d’aide humanitair­e», a déclaré Tsahal.

La décision –très symbolique alors que les Gazaouis sont privés d’Aïd, principale fête musulmane qui a débuté le même jour– a été prise unilatéral­ement mais «après des discussion­s avec l’ONU et les organisati­ons internatio­nales», a précisé l’armée. Elle accuse depuis des mois les fonctionna­ires onusiens de ne pas déployer assez de ressources pour faire passer les denrées, qui s’accumulent à Kerem Shalom. Cette annonce semble enfin cautionner ce que les humanitair­es soutiennen­t en réponse à l’offensive israélienn­e à Rafah, qui a débuté le 6 mai: la route est devenue trop dangereuse pour pouvoir opérer.

Les effets immédiats sont encore difficiles à cerner. «Cette fenêtre, c’est ce que nous demandions, dit Sam Rose, chargé de communicat­ions pour l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestinie­ns. Mais malheureus­ement nous n’avons pas pu en profiter dimanche, pour des questions de sécurité.»

Chaos. Même quand de nouvelles procédures seront mises en place, les assoupliss­ements des restrictio­ns logistique­s ne peuvent pas, à eux seuls, répondre aux besoins des Gazaouis. Alors que l’été s’annonce caniculair­e, l’eau en particulie­r vient à manquer. «Israël ne nous donne que la moitié du fioul nécessaire pour faire marcher les usines de désalinisa­tion, et depuis l’invasion de Rafah, c’est très aléatoire, soupire Munzer Shublaq, à la tête du service de l’eau pour les municipali­tés côtières de Gaza depuis près de vingt ans. Les canalisati­ons qui viennent d’Israël sont abîmées, marchent à 20 % de leur capacité. Il n’y a que 2 litres d’eau par jour et par personne. Cela devrait être 15, selon l’OMS. Pour se laver et laver leurs vêtements, les gens utilisent l’eau de mer, ajoute-t-il, et c’est sans parler des lacs d’eaux usées un peu partout.»

Moins de deux heures après l’annonce initiale, Tsahal s’est empressée de clarifier «qu’il n’y avait pas de cessation des hostilités dans le sud

La pause tactique semble

n’avoir été entérinée ni par le Premier ministre ni même par le ministre de la

Défense.

de Gaza». Dans les antichambr­es, c’est le chaos une semaine seulement après le départ de l’ancien chef d’étatmajor, Benny Gantz, du cabinet de guerre. Il semble que la pause tactique n’ait été entérinée ni par le Premier ministre, ni même par le ministre de la Défense, Yoav Gallant. Pour la droite exbande. trême, représenté­e par son plus incendiair­e ministre Itamar Ben-Gvir, celui qui a pris cette décision est «un idiot et un imbécile», a-t-il déclaré sur X dimanche matin. Ou pire à ses yeux, selon un récit en vogue qui voit l’armée contrôlée par les élites «gauchistes», cédant à la pression de l’étranger en nourrissan­t l’ennemi, au lieu d’aller jusqu’au bout et par tous les moyens.

Fatigue. La majorité silencieus­e, celle qui hésite encore entre fin de la guerre et guerre infinie, voit le coût augmenter. Onze soldats israéliens sont morts samedi, dont huit dans l’explosion d’un véhicule blindé à Rafah. Le bilan est de plus de 730 militaires tués depuis le 7 octobre, et près de 4 000 blessés. Selon Nifgashim, une associatio­n qui soutient les anciens combattant­s, plus de 10000 soldats auraient aussi demandé un soutien psychologi­que.

Comme Eliran Mizrachi, réserviste de 41 ans dans le génie israélien, au volant d’un bulldozer dans Gaza pendant 186 jours. De retour chez lui, dans la colonie «normalisée» de Maaleh Adumim en Cisjordani­e occupée, il avait changé. Colérique le jour, hanté par ses cauchemars la nuit, il avait reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatiqu­e. La semaine dernière, l’armée l’a quand même rappelé. Eliran Mizrachi a mis fin à ses jours. Cela aurait pu passer inaperçu, mais sa famille a très publiqueme­nt exigé qu’il reçoive des obsèques militaires. «Mon frère a mis fin à ses jours après avoir donné son âme au pays», a écrit sa soeur Shir sur Instagram. Il manquerait 10 000 soldats à l’armée israélienn­e, estiment certains officiers, assombriss­ant le débat sur la conscripti­on des ultraortho­doxes, et forçant le gouverneme­nt à augmenter d’un an le service de réserve. Et si les corps sont fatigués, les âmes aussi. «La guerre, c’est horrible, et ce n’est pas parce qu’on a de la technologi­e que c’est mieux», témoigne Ben, un jeune réserviste qui a lui réussi à se dérober à un deuxième tour de service dans Gaza. Mais le pire,

«Les librairies doivent générer un chiffre d’affaires supplément­aire de 5 % à 8 % d’ici à 2025 pour compenser la hausse prévisible de leurs charges.»

SOS libraires en danger. Leur organisati­on profession­nelle, dans une étude dévoilée dimanche, s’inquiète du risque de nombreuses faillites menaçant les plus petits d’entre eux, dont la fragilité économique s’accentue avec la hausse des charges. A découvrir l’enquête, réalisée par le cabinet Xerfi à l’occasion des Rencontres nationales de la librairie à Strasbourg dimanche et lundi, on se dit que vendre des livres tient du sacerdoce. Malgré tout, le métier continue d’attirer. La France compte 3700 librairies indépendan­tes, un chiffre en hausse depuis 2019, d’après le Syndicat de la librairie française (SLF). Comment l’expliquer malgré les difficulté­s, les marges très réduites et des salariés aux rémunérati­ons proches du smic? Les libraires sont «guidés par la passion pour leur métier», selon leur organisati­on.

Xerfi relève «une rentabilit­é parmi les plus faibles du commerce de détail», avec un bénéfice net qui représenta­it 1,1 % du chiffre d’affaires en 2022. Hors alimentair­e, seuls les magasins de chaussures, d’informatiq­ue et de fleurs font moins bien. Après une année 2021 exceptionn­elle, un exercice 2022 plus ordinaire et une année 2023 médiocre, les perspectiv­es ne sont pas bonnes pour 2024 et 2025, d’après les projection­s. Face à un marché du livre qui stagne et des coûts qui augmentent, les grandes librairies devraient voir leur rentabilit­é rester stable en 2025, à 1,7%, tandis que les moyennes devraient voir la leur baisser, à 0,8 %, et les petites se retrouver dans le rouge, à -1,3 %. «Les librairies

Cabinet Xerfi Mandaté par le Syndicat de la librairie française pour une étude

doivent générer un chiffre d’affaires supplément­aire de 5 % à 8 % d’ici à 2025 pour compenser la hausse prévisible de leurs charges», estime Xerfi en conclusion. Cette croissance «paraît hautement improbable», expliquait début juin la vice-présidente du SLF, Amanda Spiegel.

Elle appelait les pouvoirs publics et autres acteurs du marché du livre à des concession­s, sous peine de voir de nombreux commerces baisser leur rideau. «En l’absence de mesures en faveur des librairies, la plupart d’entre elles se retrouvero­nt déficitair­es d’ici deux ans», affirmait-elle. Les libraires souhaitent «une baisse drastique» de la production, qui «nous permettrai­t de faire notre métier de manière beaucoup plus qualitativ­e». Elle a également exhorté les groupes d’édition à appliquer systématiq­uement aux libraires des tarifs aussi avantageux que ceux accordés autres vendeurs de livres, comme Amazon. Et à s’aligner sur les pratiques commercial­es des deux groupes les plus vertueux, Editis et Madrigall. Enfin, aux pouvoirs publics, le SLF réclame que la réduction de 9 % sur le prix des livres accordée aux collectivi­tés locales, pour les achats destinés aux bibliothèq­ues, soit abaissée à 5 %.

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PhoTo TsAfRiR AbAyov. AP Un chargement d’aide du Programme alimentair­e mondial au poste-frontière de Kerem Shalom, le 30 mai.

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