A gauche, l’union résiste à ses premières secousses
Après une semaine qui les a vues s’allier puis se quereller autour de la purge chez LFI, les gauches lancent leur campagne ce lundi.
Les candidatures ont été déposées en préfecture, les professions de foi envoyées à l’imprimerie. Cette fois, ça y est: après une longue semaine de négociations, de crispations, de concessions pour aboutir, jeudi soir, au Nouveau Front populaire (NFP), la gauche peut se lancer dans la campagne. Le début d’un contre-la-montre de deux semaines, où presque tous sillonneront leur circonscription. «Pas de retour sur Paris prévu avant le second tour», confirme un proche du président sortant du groupe PS à l’Assemblée, Boris Vallaud. Ce lundi soir, plusieurs figures de l’union de la gauche se retrouveront malgré tout sur une même scène. Les insoumis Clémentine Autain, François Ruffin, le socialiste Olivier Faure, le communiste Fabien Roussel et l’écologiste Marine Tondelier doivent participer au rassemblement «Construire un nouveau Front populaire avec la société civile», organisé à Montreuil (Seine-Saint-Denis) par l’économiste Julia Cagé et l’un des créateurs de la Primaire populaire, Samuel Grzybowski. «La situation actuelle avec une extrême droite aux portes du pouvoir exige le rassemblement le plus large. Il ne peut se limiter aux seuls partis politiques», insiste la première.
Le programme prévoit des prises de parole de syndicalistes, associatifs, essayistes et chercheurs, tels Michaël Zemmour ou Laurence De Cock. «Nous voulons lancer un double appel. A la fois aux élus en leur disant d’ouvrir les partis à la société civile, explique Grzybowski. Mais aussi aux associatifs et activistes pour leur demander d’abandonner cette fausse pudeur qui consiste à ne pas dire comment se traduisent leurs engagements de façon politique.»
UN TOLLÉ
Si les initiateurs de l’événement insistent sur le besoin de mobiliser la société civile, c’est notamment par crainte de voir les partis mettre à mal l’élan du NFP. C’est qu’à peine nouée, l’alliance a tangué vendredi soir après une «purge», dixit Clémentine Autain, au sein de LFI. Le premier cercle mélenchonien a décidé de retirer l’investiture du mouvement à cinq députés sortants, dont Alexis Corbière et Raquel Garrido, tous critiques de la direction. Un tollé. Certains ont craint de voir l’accord exploser. «Il y a toujours un risque. On est plusieurs à s’être demandé si ce ne serait pas la goutte d’eau de trop», admet un député PS sortant.
Les écologistes et socialistes demandent alors une réunion en visio des chefs de parti du NFP pour mettre les choses au clair. «Manu [Bompard, coordinateur de LFI, ndlr], j’avais ton engagement oral que vous ne le feriez pas», écrit la cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, aux cadres de l’alliance. «L’accord a été acté avec un principe simple : chaque formation politique choisit librement ses candidats», rétorquet-on à LFI. Finalement, l’épisode ne signera pas la fin de l’union. Le risque est trop grand. Samedi, Olivier Faure, Ian Brossat (PCF) et Marine Tondelier ont manifesté sur le même camion que Mathilde Panot (LFI). Mais l’épisode «ne nous a pas rendu service», regrette le socialiste cité plus haut. «Sur les marchés, les gens disent “C’est encore la main de Mélenchon”. Ils doutent qu’il ait été écarté.»
Jusqu’au second tour des législatives, l’ombre du tribun planera sur la campagne. Notamment parce que la question du Premier
nd ministre qu’ils proposeront n’est pas tranchée. Il reviendra au groupe avec le plus grand nombre d’élus de choisir son champion. Mélenchon a été le premier à se dire «capable» de s’installer à Matignon, avant de nuancer dimanche sur France 3 : «Si vous pensez que je ne dois pas être Premier ministre, je ne le serai pas.» François Ruffin, Clémentine Autain, Fabien Roussel ont aussi fait part de leur disponibilité.
«Fait accompli»
Un gouvernement pourrait rassembler des personnalités de divers horizons. Le NFP brasse large. De Philippe Poutou du NPA, à l’ex-ministre macroniste Aurélien Rousseau en passant par François Hollande. Ce dernier, farouche opposant à la Nupes, a annoncé sa candidature samedi. «On a été mis devant le fait accompli, reconnaît un élu PS. Ce n’est pas lui qu’on avait prévu d’investir, mais on ne pouvait pas dire “on rassemble le plus large possible” et l’envoyer chier.» Même si le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, trouve cette candidature «incongrue et incohérente» comme il l’a expliqué dimanche sur BFM, Mélenchon a estimé sur France 3 «que tout renfort est bienvenu pour battre le RN».
Le RN et la macronie dénoncent, eux, une alliance contre-nature. Julia Cagé qui, avec Thomas Piketty, a étudié les habitudes des électeurs et les déterminants du vote dans Une histoire du conflit politique pense tout l’inverse. «Il y a une vraie cohérence dans leurs électorats», explique-t-elle.