Libération

Mbappé pour «des valeurs de mixité et de respect»

Le capitaine des Bleus a évoqué la situation politique dimanche, renvoyant dos à dos RN et LFI, mais insistant sur la «tolérance» dans le pays.

- GRÉGORY SCHNEIDER ENVOYÉ SPÉCIAL À DÜSSELDORF (ALLEMAGNE)

«Un moment crucial de l’histoire de notre pays.» Très attendu à la veille de l’entrée des Bleus dans l’Euro en Allemagne contre la sélection autrichien­ne et, surtout, au lendemain de l’appel de son coéquipier Marcus Thuram à faire barrage au Rassemblem­ent national lors des prochaines législativ­es (30 juin puis 7 juillet), Kylian Mbappé a enfoncé le clou: «Notre pays vit une situation inédite. Les jeunes génération­s peuvent faire la différence. Les extrêmes sont aux portes du pouvoir. Mais on a besoin de s’identifier à notre pays, aux valeurs de mixité, de tolérance et de respect. Je partage les mêmes valeurs que Marcus. Il n’est pas allé trop loin : il a simplement donné son avis et je me range avec lui.»

Sur les questions des journalist­es, pratiqueme­nt toutes consacrées à la situation politique : «Nous, joueurs, vous avons souvent reproché des choses, à tort ou à raison. Mais vous avez le sens des priorités. Le match contre l’Autriche est très important, mais moins que la situation politique de notre pays. On est des citoyens. Et réfléchir à ce qu’il se passe en France n’empêche pas d’être performant­s. On est des grands joueurs, on doit s’adapter. On a pensé à faire quelque chose à titre collectif [un communiqué commun entre joueurs, ndlr], pour protéger la compétitio­n mais aussi les plus jeunes. C’est difficile pour eux, ils ne sont peutêtre pas armés pour répondre à ces questions-là, ou ils sont hésitants sur la formulatio­n… Ils peuvent donner l’impression de s’en foutre. Mais personne ne s’en fout. Donc, il faut qu’on trouve une position commune, d’équipe, pour protéger ces gars-là.»

Il lui fut ensuite demandé si Kylian Mbappé visait spécifique­ment le Rassemblem­ent national, ou s’il visait plus large. «Kylian Mbappé est contre les extrêmes, contre ceux qui divisent. Vous savez très bien que dans les campagnes, dans les banlieues, beaucoup de jeunes se disent que leur voix ne va rien changer. J’étais aussi comme ça à leur âge. Je n’ai pas envie de représente­r un pays qui ne partage pas les valeurs de tolérance, de mixité et de respect. Et j’espère que je serai encore fier de porter ce maillot le 7 juillet. Il n’y a pas de différence­s entre les extrêmes, car ce sont des idées qui divisent. Moi, je suis pour les idées qui rassemblen­t.»

La veille, Marcus Thuram avait exclusivem­ent ciblé le Rassemblem­ent national : ne citant aucun parti nommément, Mbappé associe donc sans la moindre ambiguïté LFI dans son rejet. De passage devant les micros après son capitaine, le sélectionn­eur, Didier Deschamps, n’a pas eu la partie belle. Mal à l’aise, se sentant parfois sur le gril, il a paru pressé d’en finir : «Ici, je suis sélectionn­eur. Le citoyen s’exprimera peut-être en privé après l’Euro.» Sur les prises de parole des membres de l’équipe nationale, il a ajouté devant les journalist­es : «Les joueurs parlent de la situation politique au quotidien. Si j’allais leur dire quelque chose, ce serait déplacé. Et ce serait interprété comme une demande de censure de ma part. Ce sont des joueurs, des hommes et des citoyens français.»

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