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«On ne se lance pas comme ça dans la gueule du loup»

Elus en 2017, battus en 2022, d’anciens parlementa­ires macroniste­s n’envisagent pas de retenter leur chance aux législativ­es des 30 juin et 7 juillet.

- JEAN-BAPTISTE DAOULAS

C’est un signe, parmi d’autres, que le camp présidenti­el s’attend au désastre. Parmi les députés macroniste­s élus en 2017 et battus en 2022, seules quelques poignées ont accepté de retenter leur chance le 30 juin. Depuis l’annonce de la dissolutio­n, la plupart des ex contactés par Renaissanc­e déclarent forfait. «Ce n’est pas hyper surprenant, reconnaît un dirigeant de la majorité. Ils ont perdu et se disent qu’ils vont encore perdre. Ils ont recommencé leur vie. Ce n’est pas si simple de mettre son travail entre parenthèse­s pendant trois semaines.»

Conscience. Ancienne porte-parole du groupe La République en marche, Valérie Gomez-Bassac est de ceux-là. Défaite dans le Var par le Rassemblem­ent national en 2022, elle est depuis associée dans un cabinet d’avocats, dont elle ne se voit pas laisser les équipes en plan pour repartir en campagne. «Je reste fidèle au président de la République et au gouverneme­nt, mais juste en qualité de citoyenne, répond-elle.

J’ai envie de profiter de ma famille et de mes enfants.»

En Moselle, Hélène Zannier, a «beaucoup hésité» avant de renoncer. «Cela me fait un peu mal de laisser le territoire que je connais et que j’aime au RN sans me battre un peu.» Mais elle vient de décrocher un nouveau poste dans la requalific­ation urbaine et la concertati­on des quartiers politique de la ville et aurait mauvaise conscience à lâcher son employeur et les habitants.

Dans l’Oise, l’ancienne vice-présidente de l’Assemblée, Carole Bureau-Bonnard, n’imagine pas non plus abandonner ses patients du jour au lendemain. La kinésithér­apeute a décliné les propositio­ns venues du siège de Renaissanc­e. «Je ne me sens plus l’âme d’être à fond pendant vingt jours de campagne. J’ai une patientèle», s’excuse-telle. Son analyse est aussi politique. Vaincue par un candidat du RN en 2022, elle est convaincue que son passé de députée macroniste joue contre elle, même si elle est désormais encartée chez Horizons, le parti d’Edouard Philippe. «Je suis encore étiquetée comme macroniste par les gens, je ne le renie pas, mais je le dis franchemen­t: il vaut mieux quelqu’un en dehors de cette étiquette.» L’exdéputée a donc fait le choix de s’effacer pour soutenir un candidat centriste, vice-président de la région Hauts-de-France dans la majorité de Xavier Bertrand. Un meilleur choix pour arracher la circonscri­ption au RN, espère-t-elle.

Certains ne veulent tout simplement pas «aller à l’abattoir», selon l’expression de l’un d’eux. «La direction de campagne des législativ­es est la même que pour les européenne­s», ironise un député vaincu en 2022. Et comme une même cause produit souvent les mêmes effets… Elu dans le Val-de-Marne de 2017 à 2022, Jean-François Mbaye a la dent dure contre ce qui fut son parti. Il pointe les promesses d’accompagne­ment de Renaissanc­e pour les députés battus qui ne se sont jamais concrétisé­es. «On ne peut pas ignorer la personne pendant deux ans et lui demander de repartir au combat en 2024. La politique, ça ne marche pas comme ça», grince-t-il. Emmanuel Macron s’est borné à recevoir une fois les battus à l’Elysée en août 2022, leur faisant miroiter «des matins de combat et des soirs de conquête». Et depuis, plus rien.

«Rectifier le tir». Mbaye souligne surtout son rejet de la réforme des retraites et de la loi asile-immigratio­n – «Je ne les aurais pas votées» – et la droitisati­on du second quinquenna­t d’Emmanuel Macron. «On aurait pu rectifier le tir plus tôt. La majorité a loupé le coche en 2022 en ne voulant pas établir un canal de discussion avec les socio-démocrates.» Dans ces conditions, il le sait, aucune chance de reconquête de son siège passé aux mains de La France insoumise en 2022: «On ne se lance pas comme ça dans la gueule du loup. D’autres le font, moi je ne le fais pas.»

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