Un programme pour draguer la classe moyenne
Afin d’éviter ou de limiter sa défaite annoncée aux législatives, le camp présidentiel égrène des propositions favorables au pouvoir d’achat, ciblant les seniors et les «travailleurs». Le tout, jure-t-il, sans dommage pour un budget déjà mal en point.
De quelles cartouches Gabriel Attal dispose-t-il pour conjurer l’échec annoncé du camp macroniste aux législatives anticipées? Sans attendre la présentation du programme de Renaissance et de ses alliés, en début de semaine, le Premier ministre a commencé à distiller ses propositions, ce week-end, dans la presse régionale et au JT de France 2. Sans surprise, c’est sur le pouvoir d’achat, cheval de bataille du Rassemblement national, qu’il monte au filet, remixant un slogan sarkozyste : «Gagner plus et dépenser moins.»
Si Matignon avait contribué à plomber le début de la campagne européenne de Valérie Hayer, en balançant dans ses pattes un tour de vis annoncé sur l’assurance chômage et de nouvelles économies à réaliser, cette fois, le chef du gouvernement a miraculeusement trouvé de quoi soulager les porte-monnaie. Chantre des classes moyennes, choyées lorsqu’il oeuvrait au ministère des Comptes publics, il cible ces Français «qui bossent», sont «trop riches pour être aidés mais pas assez pour s’en sortir» : revalorisation à 10 000 euros maximum de la «prime Macron» versée aux salariés par leur entreprise «sans charge ni impôt» ; baisse de la facture d’électricité de 15% «dès l’hiver prochain», «grâce à la réforme du marché européen de l’électricité» ; doublement des voitures électriques en leasing social, fléchées vers les soignants ; mise en place d’achats groupés pour les fournitures scolaires…
«Concret». Sur le logement, premier poste de dépense des ménages, Attal veut aider les primo-accédants en les exonérant de frais de notaires pour l’achat d’un bien jusqu’à 250000 euros. Trois mois après avoir raboté Maprimerénov, il propose de créer un «fonds de rénovation énergétique» bénéficiant aux classes «moyennes et populaires», financé par une taxe sur «les rachats d’actions des grands groupes et des multinationales». Micro-entaille au dogme macronien du refus de toute hausse d’impôt? Attal et le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, jurent qu’il n’en est pas question. Dans l’urgence, le camp macroniste semble renoncer aux grandes réformes pour glisser dans le panier des ménages des mesures très parlantes : «On est dans le quotidien et le concret, on répond aux préoccupations et on montre notre esprit de sérieux», vante un conseiller de l’Elysée.
La macronie tente également de reconquérir les retraités, coeur de son électorat disputé par Jordan Bardella. Attal s’engage ainsi à «revaloriser les retraites du montant de l’inflation» – une mesure pourtant déjà prévue par la loi –, alors que le RN accuse l’exécutif de vouloir désindexer les pensions pour faire des économies cet automne. Décidément choyés, les retraités se voient proposer l’accès à une complémentaire santé pour 1 euro par jour. Une avancée dont pourraient aussi bénéficier les travailleurs indépendants et les étudiants. Selon quelles modalités et pour quel coût? Les détails sont renvoyés à une discussion avec les mutuelles.
Totem. «A la différence de l’extrême gauche, je ne veux pas augmenter les impôts, revendiquait Gabriel Attal vendredi soir devant des habitants de sa circonscription, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). On n’est pas là comme certains à vendre du rêve sans pouvoir le financer.» Le programme de la coalition présidentielle occulte les 20 milliards d’euros d’économies que l’exécutif était déjà censé trouver cet été pour respecter l’objectif d’un déficit de 5,1 % de déficit en 2024 et d’un retour sous les 3 % d’ici à 2027. Attal se borne à évoquer un programme «financé». «Ce n’est pas desserrer les cordons de la bourse. Là-dessus je veux être très clair», a assuré Bruno Le Maire dimanche sur France Inter. La crédibilité budgétaire, en dépit des mauvais chiffres sur les déficits, est un totem brandi pour hurler à la ruine du pays en cas de défaite. «C’est le retour de la destruction méthodique de notre économie et du pouvoir d’achat de nos compatriotes», avertit Le Maire à propos du programme du Nouveau Front populaire. Tant de sérieux autoproclamé n’empêche pas l’improvisation. A propos des déserts médicaux, le patron de Bercy est sorti de son couloir en lançant une petite bombe sur la libre installation des médecins, proposant de ne financer que ceux qui exercent une spécialité «recherchée» et de faire payer ceux qui choisissent «la chirurgie esthétique à Nice». Au risque d’ouvrir un front avec les médecins libéraux, réputés comme de puissants relais d’opinion.