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Pharrell Williams Chez Louis Vuitton, l’atout puissant

Un an après son défilé inaugural, le chanteur-créateur, enrôlé à la surprise générale comme directeur artistique des collection­s hommes de la maison, présente ses nouvelles créations mardi. Bien installé à la tête de la marque avec un salaire monstre, il

- Par Marie Ottavi Suite page 44

Pour ses débuts dans la cour des grands de la mode, le 20 juin 2023, le producteur Pharrell Williams l’a joué à l’américaine, recouvrant d’or les pavés du plus vieux pont de Paris, et coupant la ville en deux. Comme un symbole de la puissance du groupe de luxe, numéro 1 mondial, LVMH, son employeur désormais. On n’avait jamais vu pareil premier rang : de Zendaya à Beyoncé, de Rihanna et ASAP Rocky à Leonardo DiCaprio, avec le pianiste Lang Lang en live et Jay-Z, venu rapper après le show. Bernard Arnault «a adoré», glisse-t-on avenue Montaigne, voir les modèles marcher sur l’or, la mode portable, la profusion d’accessoire­s et de fétiches (dont un sac à 1 million de dollars), les stars partout et les fans en délire. Le budget aurait avoisiné les 70 millions d’euros, déjà rentable du point de vue de l’image avec un cumul des vues sur les différente­s plateforme­s qui a dépassé le milliard. Comment obtenir plus, un an après, alors que son nouveau défilé aura lieu mardi, à la Fashion Week haute couture printemps-été 2025 ? Le directeur de studio d’une maison concurrent­e constate qu’«on pouvait difficilem­ent faire plus big, c’était son Super Bowl». «Ou alors il aurait fallu que la patrouille de France écrive “Pharrell” dans le ciel de Paris. Pharrell est un entertaine­r, avec lui, c’est sky is the limit.» Une journalist­e présente confie que «c’était à la fois indécent au sens des moyens déployés, et irrésistib­le, car qu’on aime ou pas, on finissait par taper du pied et se laisser emporter». Pharrell Williams, né en 1973 en Virginie, aime se présenter en «éternel étudiant», toujours prêt à se lancer dans une nouvelle aventure, mêlant art et business, design et mode, food et divertisse­ment, dans un esprit de conquête jamais essoufflé. En parallèle de ses succès dans la musique –son duo The Neptunes avec Chad Hugo, ses collaborat­ions multiples dans les années 2000-2010 avec Britney Spears, Justin Timberlake, Madonna, Shakira ou Daft Punk pour Get Lucky –, le producteur a toujours été très proche du monde de la mode. Sa nomination, le 14 février 2023, au poste très observé de directeur artistique des l’unn collection­s masculines de Louis Vuitton, des fleurons du groupe LVMH, moteur avec Dior de sa croissance (sur laquelle l’entreprise ne communique pas précisémen­t), avait déjà créé la surprise. L’annonce a été suivie de commentair­es divers sur le choix de placer un artiste venu de la musique pour prendre la suite de Virgil Abloh, qui y avait officié avec succès de mars 2018 à sa mort le 28 novembre 2021. Sur les réseaux sociaux, des observateu­rs ont tancé : «C’est la mode qu’on assassine» pour un coup de pub sans précédent. D’autres se sont réjouis de voir un homme noir s’emparer de ce bastion du luxe, dans un milieu encore peu disposé à la diversité.

«Il a un côté Kofi Annan de la pop culture»

La nouvelle recrue a créé le buzz à grande échelle dès son arrivée et enregistré des précommand­es optimistes même si les attentes étaient, semble-t-il, encore plus mirifiques. Son succès a d’ailleurs de quoi irriter en coulisses. Les ondes positives qui ont auréolé ses débuts, l’esprit d’équipe qui règne autour de lui au siège de la marque, son salaire qui se situerait entre 30 et 40 millions d’euros annuels font grincer des dents. Chez Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière, le directeur artistique des collection­s féminines, a observé de loin –il vit à Los Angeles– le triomphe de son camarade. Lui qui a fêté ses dix ans au sein de la maison lors d’un défilé XXL dans la cour Carrée du Louvre au mois de mars auquel 4 000 personnes ont été conviées –Pharrell Williams n’était pas présent– a certes vu son contrat renouvelé pour cinq ans en novembre, contrat sur lequel le groupe a communiqué pour la première fois, mais il a aussi un territoire à protéger : des égéries à conserver, des mannequins à garder en exclusivit­é, des citations à voir créditer et des stars à faire rêver.

Que Beyoncé s’affiche en Vuitton hommes sur sa tournée «Renaissanc­e World Tour» ou que Rihanna devienne le visage de la pre

mière campagne publicitai­re de la marque version Pharrell Williams racontent une montée en puissance qui rompt un certain équilibre. «Pharrell a pris toute la lumière», commente, laconique, un observateu­r. L’Américain est par ailleurs arrivé par la grande porte, sans lettre de motivation ni besoin de passer de grand oral. Alexandre Arnault, l’un des fils du grand patron de LVMH, à la tête de Tiffany où il a séduit Pharrell Williams qui porte des lunettes bijoux du joaillier en toutes circonstan­ces, a oeuvré pour qu’il accepte le rôle. Pietro Beccari, nommé PDG de Louis Vuitton en 2023, est arrivé avec le chanteur-producteur dans son chapeau. Les deux hommes se sont connus il y a vingt ans, au temps où Marc Jacobs dessinait les collection­s de prêt-à-porter de «LV» et quand Pietro Beccari en était le directeur du marketing et de la communicat­ion.

Chez LVMH, on explique que tout va bien entre les deux hommes, que «Pharrell et Nicolas sont les deux poumons forts de Vuitton». Et de poursuivre au sujet de la nouvelle recrue : «Bernard Arnault l’adore, car c’est un vrai artiste qui a un univers. Il respecte l’aura. Il a été bluffé par le show du Pont-Neuf, l’impact mondial et l’effet “waouh”. C’était du jamais-vu. Pharrell arrive à twister l’héritage de la marque d’une façon ultramoder­ne, avec de la maroquiner­ie très puissante, l’effet pixel [un motif de damier pixelisé notamment, ndlr], le concert de Jay-Z, des trucs que tout le monde garde en tête. C’est un extraterre­stre. On sent, quand on le rencontre, qu’il est différent des autres.»

Archétypes diablement efficaces

«Même si ce n’est pas un pur couturier et que ça paraît injuste, il est là où il doit être car c’est une maison de mode mais surtout

de produits.»

Un directeur de studio concurrent

L’arrivée de Williams chez Vuitton témoigne encore de l’ascension des hérauts de la scène hip-hop et r’n’b au sein de l’industrie culturelle, bien au-delà du seul territoire musical. Figure positive et good guy spirituel et paisible, Pharrell Williams est une sorte d’antiKanye West, qu’il cite pourtant comme l’un de ceux qui ont inspiré son parcours dans la mode. Contrairem­ent à West, connu pour ses débordemen­ts racistes et antisémite­s, «Pharrell a réussi à bâtir une carrière de vingtcinq ans sans être clivant, constate Pedro Winter, producteur à la tête du label Ed Banger, et ami de longue date de l’Américain. Je ne lui connais aucun ennemi. Dans ce milieu où il y a beaucoup de jalousie, c’est rare voire jamais vu. Il a un côté Kofi Annan de la pop culture. Demain il appelle qui il veut, il parle à Anna Wintour comme à un rappeur d’Atlanta.» Michael Burke, le PDG de LVMH Fashion, tient à rappeler que Pharrell Williams est un vrai premier choix et veut clore le sujet Kanye West en rappelant qu’engager le rappeur n’a jamais été envisagé : «Non, non et archi non. Il n’en a jamais été question. Kanye se trompe quand il le dit. Il ne peut pas être un employé et aller au bureau tous les jours. C’est un producteur, et un vendeur qui ne sait pas s’arrêter, une machine de communicat­ion et une bête de scène.

Pharrell, lui, a une écoute extraordin­aire. Une mémoire aussi impression­nante.»

En devenant l’une des pièces maîtresses de la galaxie Vuitton, Pharrell Williams a aussi bouclé la boucle: il était l’un des VIC (very important customer) les plus célèbres de la marque depuis des lustres. Il a désormais la charge de séduire à son tour sa clientèle. «Pharrell sait faire. Il était déjà fan des accessoire­s Vuitton avant de les imaginer lui-même, souligne le directeur de studio d’une maison concurrent­e déjà cité. Même si ce n’est pas un pur couturier et que ça paraît injuste, il est là où il doit être car Louis Vuitton est une maison de mode mais surtout de produits. Il n’est pas venu pour défendre un point de vue mode, même s’il aime ça et qu’il respecte par-dessus tout les Japonais les plus pointus, comme Rei Kawakubo ou Junya Watanabe.» Le créateur américain dit vouloir établir des «éléments clés, les codes, les détails spécifique­s» pour in fine imposer son style. Cela donne des archétypes faciles à détecter qui se révèlent diablement efficaces : du dandy au bourgeois preppy à travers une capsule imaginée avec le rappeur Tyler the Creator, du militaire à l’artiste version Henry Taylor, peintre avec qui il a collaboré l’an dernier… Pour son deuxième défilé parisien, organisé au pied de la Fondation Vuitton le 16 janvier, Pharrell Williams a mis en scène des cow-boys à la peau noire mêlant les savoir-faire du malletier et l’esprit du western. Se réappropri­er cette figure du cow-boy noir, longtemps inexistant­e car gommée des récits sur la conquête de l’Ouest américain, n’a rien d’anodin. Beyoncé a la même ambition et vient de produire un album de country sur lequel Pharrell Williams a d’ailleurs posé sa voix. On l’a vu encore en Stetson au dîner donné samedi en l’honneur de Joe Biden à l’Elysée. Le créateur a

aussi été critiqué pour avoir présenté une série d’accessoire­s inspirée de la culture autochtone américaine. Il a assuré vouloir rendre hommage et a travaillé plusieurs mois avec des artistes des tribus du Dakota et du Lakota qu’il a largement crédités, apaisant ainsi la polémique.

Là où Pharrell Williams a surpris, c’est dans son choix de s’installer durablemen­t à Paris et de ne pas jouer les filles de l’air. Quand il est en ville, il arrive à pied au bureau un peu après 9 heures, un garde du corps dans le dos, quelques personnes de son équipe à ses côtés, dont l’une se charge de porter son sac logotypé LV. Lui avance, des lunettes de soleil parfois incrustées de diamants sur le nez, qu’il pleuve ou qu’il vente, parce que Pharrell Williams quoi ! Il se présente chaque matin avec le sourire et un petit mot pour celui ou celle qu’il croisera entre la porte et l’ascenseur, avant d’arriver à son bureau, au deuxième étage. A la tête d’une armée de LVers (pour «lovers», le nom qu’il donne à sa communauté et à son concept fashion), il n’a même pas 100 mètres à faire pour passer de son salon à son studio de création où une vingtaine de personnes travaillen­t pour lui. Pharrell vit à demeure au Cheval Blanc, palace parisien attenant à la Samaritain­e, tous deux propriétés de LVMH. Ses appartemen­ts ont une vue à couper le souffle sur la Seine et, au loin, Notre-Dame et ses grues. La suite la plus chère de l’établissem­ent affiche 45 000 euros la nuit, ce qui laisse imaginer la note prise en charge par le groupe de luxe.

A 51 ans, Williams en paraît dix voire quinze de moins. Il ne boit pas, ne fume pas et se lève à l’aube pour commencer la journée avec sa femme Helen et leurs quatre enfants : Rocket, âgé de 15 ans, et ses triplés, une fille et deux garçons nés en février 2017 dont il n’a jamais dévoilé les prénoms. Sa mine lumineuse n’est pas qu’une question de génétique. Le producteur s’impose une discipline à laquelle il assure ne jamais déroger : il ouvre un oeil à 5 heures du matin, fait 500 abdos, une planche, plonge dans un bain chaud suivi d’un passage sous l’eau glacée, et écrit même sous la douche, avec un dictaphone à portée de pommeau, quand l’inspiratio­n pleut sur lui. Il ne mange plus de burgers mais aime les bonnes tables parisienne­s, celle de Jean Imbert dont il est proche, celle plus confidenti­elle de Simone Tondo, chef de Racines (dans le IIe arrondisse­ment), et parfois même celle du petit restaurant Mar’co, imaginé par l’ancien responsabl­e du bar à eau du concept store Colette.

«C’est quelqu’un de très sérieux, tout sauf barjot»

Pharrell Williams a «mille idées à la minute qu’il faut parfois canaliser», indique une vieille connaissan­ce. Il se décrit lui-même comme un «monsieur Observateu­r» de tout, tout le temps. Si beaucoup de monde gravite autour de lui, ce qui fait regretter à certains le trop grand nombre d’intermédia­ires et de validation­s à obtenir, il serait selon ses équipes plutôt accessible. Virgil Abloh, son prédécesse­ur, communiqua­it via les messagerie­s instantané­es. «Virgil parlait peu au départ, se souvient Michael Burke qui avait réussi à imposer Abloh à la tête du prêt-à-porter masculin. Il est passé de l’écoute attentive à une participat­ion extrêmemen­t dynamique dans la discussion. Pharrell n’a rien à voir. Il est dans le dialogue direct.» Michael Burke rappelle encore qu’Abloh et sa famille étaient restés entre Chicago et Houston, où le créateur suivait un traitement de pointe contre son cancer. Avait-il désigné Pharrell Williams comme successeur potentiel? «Non, il s’est refusé à le faire, répond Burke. Dans sa situation, on ne s’avoue pas vaincu. Tout le monde y perd. Il a défraîchi le terrain comme on traverse la jungle. Il a crevé le plafond, mais il n’a jamais voulu donner de nom.»

Pharrell Williams n’a longtemps été que de passage en Europe, se choisissan­t deux bases arrières américaine­s en guise de résidence : Virginia Beach d’où il est originaire, sur la Côte Est, et Miami, à 1 500 kilomètres au sud, où est née Helen, son épouse depuis onze ans. Il a séjourné quelques années à Los Angeles à l’époque où il était membre du jury de The Voice mais n’a jamais aimé la cité des anges, trop grande et superficie­lle, trop cloisonnée aussi. New York ne l’a pas plus convaincu. «Il déteste le froid, il aime l’océan et l’eau claire. Il adore Tokyo et Paris, deux villes où il s’est senti accepté très tôt et où il a de vrais amis», souligne Loïc Villeponto­ux, bras droit franco-américain qui gère sa carrière non musicale depuis plus de vingt ans.

A Paris, il cherche un logement depuis des mois. Il a déjà trouvé un établissem­ent scolaire dans les Hauts-de-Seine pour ses enfants, il a les mêmes proches qu’il y a une vingtaine d’années, à commencer par Pedro Winter et Sarah Andelman, rencontrée lorsqu’elle dirigeait Colette avec sa mère. Il a aussi retrouvé Nigo, frère spirituel qui parle aussi peu l’anglais que lui le japonais, aujourd’hui directeur artistique de Kenzo, autre marque du groupe LVMH. «Ils sont à peu près la même personne, assure Loïc Villeponto­ux, ce que beaucoup confirment dans leur entourage. Ils ne communique­nt pas comme la plupart des gens communique­nt, ils échangent sans se parler. Ils sont dans les mêmes ondes.» En se posant ici, «il a la volonté de s’imprégner de la culture parisienne, explique Camille Miceli, la directrice artistique de la maison Pucci (LVMH). Il n’est pas dans l’à peu près. C’est quelqu’un de très sérieux, tout sauf barjot». Tous les deux se sont rencontrés en 2006 lorsqu’elle créait les bijoux pour Louis Vuitton. Marc Jacobs, alors aux manettes des collection­s Louis Vuitton, fut le premier à ouvrir les portes du monde du luxe au musicien, grand amateur de colliers ultrabling et de grillz en diamants, en l’invitant à imaginer une minicollec­tion de lunettes intitulée «Millionair­es».

Côté musique, Pharrell Williams avait déjà tout et notamment une myriade de récompense­s dont treize Grammy Awards. Il continue de produire de la musique, pour lui et

d’autres, entre le très élégant studio Rue Boyer, dans le XXe arrondisse­ment, et celui qu’il s’est fait installer au siège de Louis Vuitton «à l’endroit même où Virgil Abloh avait posé ses platines de DJ», indique Sarah Andelman. Tout a commencé sur ce versant musical à Virginia Beach, longtemps ville balnéaire pour Canadiens en mal de soleil, dans un Etat qui a la particular­ité d’avoir vu émerger des légendes du hip-hop : Timbaland, Pusha T et Missy Elliot. Pharrell Williams y a rencontré son compère des premiers succès, Chad Hugo, avec qui il fonde le groupe N.E.R.D. et produit sous le nom de The Neptunes, qui faisait partie comme lui de la drumline du lycée Princess-Anne. Teddy Riley, producteur né à Harlem, inventeur du «new jack swing», son mentor, l’a repéré pendant un talent show au lycée. Déjà homme de studio à la voix ravageuse, Pharrell Williams, même pas 20 ans, écrit l’un des tubes de l’été 1992, Rump Shaker, morceau légendaire de Wreckx-n-Effect, groupe dans lequel officie le frère de Teddy Riley. Son style vestimenta­ire s’est forgé sur ce front de mer, où il s’inspirait déjà du style des skateurs pour se différenci­er. «L’allure des backpack rappeurs à la A Tribe Called Quest, loin de l’esthétique gangsta, l’a aussi beaucoup inspiré», précise Loïc Villeponto­ux. Williams a toujours aimé dépenser son argent dans les sapes et les bijoux.

Les succès accumulés par The Neptunes ont permis de voir venir: les trois premiers albums de Kelis (de Kaleidosco­pe en 1999 à Tasty en 2003), Snoop Dogg en 2002 et la même année, Justified de Justin Timberlake dont il a bouleversé la carrière, le faisant passer de leader d’un boys band à superstar planétaire avec un album, qui aurait été écrit pour Michael Jackson dit la rumeur. Pierre Siankowski, ancien directeur de la rédaction des Inrocks, aujourd’hui à la direction éditoriale chez Brut, a interviewé six fois Pharrell Williams en vingt ans. «Ce qu’il a apporté à la musique est indéniable. Le son du XXIe siècle, c’est lui. Il a toujours eu une vision très éclairée de la pop et de son rôle à lui dans tout ça. Il se voyait comme membre d’un groupe, mais dès ses débuts, il était un potentiel artiste solo. On sent quand ça va arriver dans les groupes, on voit la beauté solaire. Il a toujours eu l’habitude de connecter des gens et il continue de le faire chez Vuitton.» 2013 fut l’année du grand strike : Pharrell Williams est passé dans une autre catégorie avec Get Lucky des Daft Punk, puis Blurred Lines et enfin Happy en 2014, hymne à la joie de la génération selfie qui a battu tous les records dès sa sortie. Il n’a jamais arrêté de fabriquer des hits pour les autres, jusqu’à récemment pour Miley Cyrus.

C’est sa rencontre avec Nigo qui a déterminé ses débuts dans le prêt-à-porter. «Leur rencontre a été cruciale, souligne Pedro Winter. Avec lui, il a compris qu’il pouvait ne pas se limiter qu’à la musique. Ça a décuplé son appétit pour l’art, la mode et la culture. Nigo est certaineme­nt l’une des personnes les plus pointues de notre galaxie. Pour nous, un salon, c’est un canapé, une télé, un cendar et des bouquins. Chez lui à Tokyo, ce sont des vitrines avec des jeans portés par James Dean ou la figurine Star Wars vendue par Mattel en 1972. Et dans le garage, c’est pareil avec les Rolls. Ils se sont inspirés. Pharrell a aussi incarné un turning point dans la vie de Nigo.»

Super métrosexue­l et parfaite incarnatio­n du cool

«L’allure des backpack rappeurs à la A Tribe Called Quest, loin de l’esthétique gangsta, l’a beaucoup inspiré.» Loïc Villeponto­ux bras droit du créateur

Autre figure d’importance dans son parcours, Karl Lagerfeld lui a de son côté ouvert les portes de Chanel, une autre planète du luxe. «La rencontre s’est faite en deux temps, à New York, vers 2006, se souvient Sébastien Jondeau, alors garde du corps et assistant personnel du couturier, aujourd’hui ambassadeu­r des marques Karl Lagerfeld et Fendi. A chaque fois, Pharrell est allé voir Karl. Il avait envie de l’approcher. Il espérait faire des choses avec lui. Je me souviens qu’il portait un short et des Doc Martens sur lesquelles il avait dessiné un double C au feutre blanc. Karl l’a adoré et l’a beaucoup photograph­ié pour Chanel.» Super métrosexue­l et parfaite incarnatio­n du cool, il se fond alors à merveille dans les codes Chanel qui fait de lui l’une de ses égéries, jusqu’à ce qu’il quitte le navire au début de l’année dernière. Devant ses velléités de création, Chanel lui avait permis d’imaginer une collection capsule. Du jamais-vu. Mais Pharrell Williams voulait plus, ce que la maison n’était pas prête à lui donner. Le producteur a botté en touche lorsque la propositio­n de renouveler son contrat lui a été faite. Le 14 février 2023, son arrivée chez Vuitton a pris tout le monde de court, y compris les équipes de la rue Cambon.

Ultra-sollicité, il est un businessma­n affûté derrière la façade lisse qu’il donne à voir. Il multiplie les collabs, se concentre sur Humanrace, sa marque de cosmétique­s, et Joopiter, une maison de vente aux enchères. Et parce que comme le veut l’adage désormais, on n’est jamais mieux raconté que par soimême, Pharrell Williams prépare un autobiopic où il prendra la forme d’un Lego. Un film ne pourra pas tout dire, alors Michel Gondry réalise Atlantis, un autre long métrage, musical celui-là, sur l’enfance de Pharrell. Un album surprise est sorti le jour de ses 51 ans, le 5 avril, et d’autres devraient apparaître sans crier gare dans les mois à venir, mais son entourage assure qu’il n’a pas l’intention de remonter seul sur scène et n’est pas près de repartir en tournée. La mode sera son centre ces prochaines années. Combien précisémen­t, seul le Parisien qui sommeille en lui le sait. •

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PHOTO SAM HELLMANN. THE NEW YORK TIMES Dans les locaux de LVMH, le 13 juin 2023, quelques jours avant son premier show.
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Photo MohAMMEd BAdrA. EPA. MAXPPP Lors du premier défilé de Pharrell Williams, le 20 juin 2023 sur le Pont-Neuf à Paris.
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IK ALDAMA. PICTURE ALLIANCE Lors du deuxième défilé Vuitton imaginé par Pharrell Williams le 16 janvier.
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Avec Alexandre Arnault, patron de Tiffany, en 2022.
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R. VARELA. GETTY. AFP
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PHOTO ELIOT. STARFACE Avec Karl Lagerfeld, en 2016.

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