Libération

Valérie Tong Cuong

«Chaque roman possède sa bande originale, intimement liée à mes personnage­s»

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Autrice d’une quinzaine de romans souvent récompensé­s par des prix et le succès, dont le dernier, Voltiges, dans lequel un couple vit dans une cage dorée avant l’implosion dévastatri­ce, Valérie Tong Cuong a aussi écrit pour la télévision et même formé un groupe de rock avec son mari. Bref, elle connaît la musique.

Quel est le premier disque que vous avez acheté adolescent­e ?

In the Court of the Crimson King, King Crimson. Une époque où je passais plus de temps perchée dans des dimensions parallèles que dans les fêtes du lycée.

Votre moyen préféré pour écouter de la musique ?

J’adore les sensations organiques que le vinyle procure. Mais je passe le plus clair de mon temps les écouteurs vissés aux oreilles, branchée sur Spotify.

Le dernier disque que vous avez acheté ?

La première édition de 1977 d’African Roots Act 1, Bullwackie­s All Stars, un vinyle donc, pour l’offrir à mon mari, collection­neur invétéré de disques de reggae… entre autres.

Où préférez-vous écouter de la musique ?

En mouvement : à pied, dans le train, en voiture. La musique démultipli­e le voyage intérieur. C’est le moment où s’assemblent les sensations qui feront le terreau de mon écriture.

Est-ce que vous écoutez de la musique en travaillan­t ?

Chaque roman possède sa bande originale, intimement liée à mes personnage­s. Dans Voltiges, on croise The Kinks, Lou Reed ou Sarah Vaughan. Dans Par amour, qui se situe pendant la Seconde Guerre mondiale, on écoutait Berthe Sylva. Mais écrire, c’est aussi parfois plonger dans le silence, rompre un rythme pour en imposer un autre, laisser surgir d’autres sons, ceux de la nature et des corps.

La chanson que vous avez honte d’écouter avec plaisir ?

I Am the Pope of Dope. Pour une honorable mère de quatre enfants, chanter à tue-tête «Ici la drogue vous parle» (et pire encore), c’est très très mal ! Pardon, mais c’est plus fort que moi, le Dirty South of Belgium me fait rire et me donne envie de danser.

Le disque que tout le monde aime et que vous détestez ?

Viva la Vida, Coldplay. Pour moi, c’est de la musique d’ascenseur. Le disque qu’il vous faudra pour survivre sur une île déserte ?

Une compilatio­n des meilleurs titres de Nile Rodgers. Le meilleur remède pour combattre le pessimisme.

Y a-t-il un label ou une maison

de disques à laquelle vous êtes particuliè­rement attachée ?

La Motown, sans hésitation. La soul music leur doit tant, et le monde doit tant à la soul !

Quelle pochette de disque avezvous envie d’encadrer chez vous comme une oeuvre d’art ?

Can, Ege Bamyasi.

Un disque que vous aimeriez entendre à vos funéraille­s ? Donny Hathaway, A Song for You. Savez-vous ce que c’est que le drone metal ?

Hum. Non. Difficile d’associer

nd drone et métal, ces temps-ci, sans penser à la guerre.

Préférez-vous les disques ou la musique live ?

Je suis agoraphobe : les salles de concert, c’est pour moi autant source de plaisir que d’angoisse, je les fréquente donc à petites doses et me console avec les disques.

Votre plus beau souvenir de concert ?

Les Cramps, au Warfield Theater de San Francisco, le soir d’Halloween. Une sorte de transe collective. Une fois surmontée ma phobie, une immense claque, une sensation pure d’être vivante et libre.

Allez-vous en club pour danser, draguer, écouter de la musique sur un bon sound-system ou n’allez-vous jamais en club ? Jamais. Pas mon truc.

Votre film musical préféré ou votre musique de film préférée?

Ascenseur pour l’échafaud, Miles Davis. Sublime.

Quel est le disque que vous partagez avec la personne qui vous accompagne dans la vie ? Quark, forcément. Dernier album, Echo.

Le dernier disque que vous avez écouté en boucle ?

Untitled (Black is) de Sault. Une merveille, qu’il s’agisse des mélodies, des voix, des textes. Une sensation étrange de capturer à la fois l’essence et l’urgence de l’époque. Profondéme­nt humain.

Le groupe dont vous auriez aimé faire partie ?

The Slits. Des filles qui envoyaient, punks et féministes. Il faut lire Viv Albertine, De fringues, de musique et de mecs. A mes yeux, une héroïne.

Le morceau de musique qui vous fait toujours pleurer ?

Piece of Clay de Marvin Gaye. «Father, stop criticizin­g your son», supplie Marvin dès les premières notes. Il ignore que son propre père finira par l’assassiner.

Recueilli par ALEXIS BERNIER

SES TITRES FÉTICHES

DAVID BOWIE

Life on Mars (1971)

PINK FLOYD

Wish You Were Here (1975) POP SMOKE

Hotel Lobby (2020)

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