Libération

A Renaissanc­e, «l’esprit de défaite» dans toutes les têtes

Angoissés de se retrouver broyés entre le RN et le Nouveau Front populaire, de nombreux députés macroniste­s abordent les législativ­es sans grand espoir.

- LAURE EQUY

Ils auront connu l’hégémonie en 2017, dominant l’hémicycle et les vieux partis du poids écrasant de leurs 300 élus En marche. Puis testé l’inconfort de la majorité relative depuis 2022. Quel sort sera aux survivants du camp présidenti­el, le 7 juillet ? L’angoisse de se retrouver broyés entre le Rassemblem­ent national et une gauche unie saisit les macroniste­s.

Quel que soit le vainqueur de ce scrutin peu prévisible, qu’il obtienne ou non une majorité absolue, «il y a une réelle possibilit­é qu’on finisse avec deux blocs, de gauche et d’extrême droite, et qu’au milieu, on ne soit qu’une force d’appoint», soupire un ministre. «On va être la minorité relative», appréhende un conseiller ministérie­l. Feu le «bloc central»... dans la broyeuse. Gagnés par cet «esprit de défaite» que dénigre un Emmanuel Macron, nombre d’anciens députés de son camp repartent en campagne en craignant de faire les frais de la grande «clarificat­ion» voulue par le Président.

«Naïveté». Il leur a suffi d’éplucher les résultats des européenne­s, projetés sur la carte législativ­e, pour comprendre. Si l’exercice n’a aucune valeur prédictive, il montre que les électeurs n’ont placé en tête la liste Hayer que dans 39 circonsrés­ervé criptions. Grand vainqueur, le RN, et le Nouveau Front populaire, qui investit des candidats communs, pourraient, dès le premier tour, sinon rayer de la carte, du moins réduire à la portion congrue les 250 sortants Renaissanc­e, Modem et Horizons.

C’est cette constituti­on express d’une alliance PS-LFI-Ecologiste­sPCF qui a achevé de plomber les derniers optimistes – nouveau coup dur avec l’annonce, vendredi soir, de la candidatur­e de l’ex-ministre Aurélien Rousseau dans les Yvelines sous la bannière Nouveau Front populaire . «Ce qui se passe à gauche est de nature à nous reléguer en troisième position, redoute un autre conseiller du gouverneme­nt. Le champ des possibles pour la gauche est plus large que ne l’ont pensé ceux qui ont pris cette décision dimanche.» Les stratèges de l’Elysée ne l’ont-ils pas vu venir ? C’est la conclusion de ceux qui ont discuté avec les proches du chef de l’Etat: la présidence pariait que la Nupes avait atteint un point de non-retour, l’éparpillem­ent de la gauche au premier tour profiterai­t aux candidats pro-Macron, lesquels bénéficier­aient, au second, d’un report favorable. La vista. «C’est d’une naïveté. La gauche a toujours réussi, dans les moments importants, à trouver des alliances de circonstan­ces, de rabibochag­e. La création de la Nupes en 2022, ce n’est pas si vieux, s’agace un député Renaissanc­e. Et les conseiller­s du Président ont misé sur l’incapacité du RN à obtenir une majorité. On a déjà oublié 2017, lorsqu’on nous disait qu’on ne pourrait jamais gagner les législativ­es.» Le même, en fâcheuse posture – «je lègue mon corps aux électeurs, ils vont le lacérer !» –, redoute «une forme d’effacement par le duopole».

Qui pour survivre à cette tenaille ? Le sort des candidats des Hauts-de-Seine (où un accord local a été scellé avec LR) et des Yvelines est envié. D’autres parlementa­ires pourront compter sur leur ancrage local – ce qui n’est pas le fort des macroniste­s – pour déjouer les pronostics. Mais, ailleurs, le risque est grand d’être éliminé au bénéfice d’un duel gauche-RN ou d’arriver troisième en triangulai­re.

«Cible». Aux législativ­es de 2022, la Nupes et le Rassemblem­ent national s’étaient affrontés dans 59 circonscri­ptions, alors que l’on comptait 271 duels entre candidats «Ensemble» pro-Macron et Nupes, et 108 RN-Ensemble. Les candidats de la coalition présidenti­elle tombés sur un adversaire LFI en sont à se consoler, escomptant un effet repoussoir. Sauf que la répartitio­n des circonscri­ptions au sein du Nouveau Front populaire, plus favorable au PS qu’en 2022, lui attribue cette fois 175 investitur­es. «Là où, il y a deux ans, la Nupes avait mis des insoumis un peu dingues, ils envoient des socialiste­s plus modérés», stresse un conseiller. Logiquemen­t, le PS a visé des circonscri­ptions détenues par des élus Renaissanc­e ou Modem, de centre-gauche (parfois venant des rangs socialiste­s) : «Ils nous mettent une cible, ils vont essayer de nous éliminer», prévoit un député de l’aile gauche de Renaissanc­e. Sept ans après avoir usé de la même stratégie, voilà les anciens chasseurs pourchassé­s.

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Photo Albert FAcelly Lors de la conférence de presse de Macron, mercredi à Paris.

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