Pour les législatives, la gauche a de meilleures chances qu’en 2022
Si la dynamique majoritaire qui caractérise les législatives risque de favoriser l’extrême droite, le Nouveau Front populaire a retenu la leçon du dernier scrutin. Pour maximiser les victoires, l’union a cette fois adopté une répartition plus stratégique des circonscriptions.
Quelles sont les chances de la gauche de gagner les élections législatives anticipées prévues le 30 juin et le 7 juillet? Les prédictions se révèlent délicates, car c’est la première fois de l’histoire de la Ve République qu’un président dissout l’Assemblée nationale à l’issue d’élections européennes. Commençons par les mauvaises nouvelles. Si le duel entre le Nouveau Front populaire et le bloc d’extrême droite semble déjà installé, ce n’est pas pour rien. Les spécialistes s’accordent pour dire que le camp présidentiel devrait sortir encore davantage rétréci de ce scrutin. «Au vu des résultats des européennes, et de la configuration des alliances, les macronistes risquent d’être balayés dès le premier tour dans de nombreuses circonscriptions», juge ainsi Tristan Haute, maître de conférences à l’université de Lille et spécialiste en sociologie électorale.
Champ des possibles. «Le report de leurs voix au second tour peut donc être la clé du scrutin. Or le profil de leurs électeurs est désormais plus proche de celui des partisans du Rassemblement national, qui a réussi à conquérir un public plus aisé et plus âgé, tandis que l’électorat macroniste résiduel se positionne clairement à droite sur le régalien», décrypte-t-il.
Autrement dit, non seulement le front républicain est une notion de plus en plus désuète, mais le report de voix du camp présidentiel pourrait même se faire contre la gauche. Autre paramètre alarmant, lié cette fois au fonctionnement des institutions. «Les législatives sont des scrutins majoritaires à deux tours qui, en principe, offrent une prime majoritaire aux partis dominants. C’est pourquoi, lorsqu’elles suivent l’élection présidentielle, à l’exception de ce qui s’est produit en 2022, elles donnent traditionnellement une large majorité au chef de l’Etat», rappelle le sociologue Jean-François Laslier, directeur de recherche au CNRS. Qui estime que les scrutins à venir pourraient donc «confirmer, voire amplifier», les résultats du 9 juin où le Rassemblement national est arrivé en tête avec 31 % des voix. «La dramatisation de l’enjeu peut aussi surmobiliser ceux qui veulent un changement radical, par une dynamique de vote utile pour le RN», pointe-t-il.
Il y a pourtant des raisons d’espérer. Les experts de la carte électorale affirment que l’union de la gauche, signée jeudi soir, et soutenue à la fois par l’ancien président socialiste François Hollande et la tête de liste des roses aux européennes, Raphaël Glucksmann, ouvre le champ des possibles. Ce qui a tant divisé les différentes familles de gauche peut en effet se révéler un atout, si les complémentarités des uns et des autres sont bien exploitées. Les scores importants engrangés par La France insoumise (LFI) aux élections nationales, concentrés dans les villes et les banlieues, s’avèrent être un plafond de verre qui les empêche de conquérir un très grand nombre de circonscriptions.
Mobilisation massive. Mais cela pourrait être compensé par un nombre plus important de candidats socialistes (170 au lieu de 70 en 2022), mieux implantés localement, en particulier dans les territoires ruraux et périurbains. «En 2022, la gauche n’était pas au maximum de ses performances, car les investitures n’ont pas été faites de façon stratégique, relève ainsi Frédéric Faravel, membre de la Gauche républicaine et sociale d’Emmanuel
Maurel. Investir un LFI dans une terre de radicaux de gauche ou de socio-démocrates de père en fils, ça n’avait pas beaucoup de chances de marcher.»
Sauf que les négociations ont semble-t-il, cette fois-ci, adopté un angle plus tactique. Un exemple parmi d’autres: dans la cinquième circonscription de Gironde, le député RN Grégoire de Fournas, ancien responsable du Bloc identitaire, avait gagné au second tour contre un insoumis avec 53,28%. L’investiture a cette fois été réservée à un candidat du PS, le parti à la rose étant majoritaire à la fois à la région et au département. De la même façon, les dissidents présentés en Occitanie par la présidente Carole Delga devraient cette fois se lancer dans une démarche unitaire au nom du Nouveau Front populaire. Un autre enjeu est d’impulser une mobilisation massive, en particulier dans les territoires où le RN est très haut. «La gauche peut s’appuyer pour ça sur son maillage d’élus locaux, fait valoir le communiste Adrien Tiberti, élu à la mairie de Paris. Si tout le monde entre dans la bataille en sollicitant partout ses relais syndicaux et associatifs, ça peut être un levier décisif.»