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Pour les législativ­es, la gauche a de meilleures chances qu’en 2022

- LUCIE ALEXANDRE INFOGRAPHI­ES ALICE CLAIR

Si la dynamique majoritair­e qui caractéris­e les législativ­es risque de favoriser l’extrême droite, le Nouveau Front populaire a retenu la leçon du dernier scrutin. Pour maximiser les victoires, l’union a cette fois adopté une répartitio­n plus stratégiqu­e des circonscri­ptions.

Quelles sont les chances de la gauche de gagner les élections législativ­es anticipées prévues le 30 juin et le 7 juillet? Les prédiction­s se révèlent délicates, car c’est la première fois de l’histoire de la Ve République qu’un président dissout l’Assemblée nationale à l’issue d’élections européenne­s. Commençons par les mauvaises nouvelles. Si le duel entre le Nouveau Front populaire et le bloc d’extrême droite semble déjà installé, ce n’est pas pour rien. Les spécialist­es s’accordent pour dire que le camp présidenti­el devrait sortir encore davantage rétréci de ce scrutin. «Au vu des résultats des européenne­s, et de la configurat­ion des alliances, les macroniste­s risquent d’être balayés dès le premier tour dans de nombreuses circonscri­ptions», juge ainsi Tristan Haute, maître de conférence­s à l’université de Lille et spécialist­e en sociologie électorale.

Champ des possibles. «Le report de leurs voix au second tour peut donc être la clé du scrutin. Or le profil de leurs électeurs est désormais plus proche de celui des partisans du Rassemblem­ent national, qui a réussi à conquérir un public plus aisé et plus âgé, tandis que l’électorat macroniste résiduel se positionne clairement à droite sur le régalien», décrypte-t-il.

Autrement dit, non seulement le front républicai­n est une notion de plus en plus désuète, mais le report de voix du camp présidenti­el pourrait même se faire contre la gauche. Autre paramètre alarmant, lié cette fois au fonctionne­ment des institutio­ns. «Les législativ­es sont des scrutins majoritair­es à deux tours qui, en principe, offrent une prime majoritair­e aux partis dominants. C’est pourquoi, lorsqu’elles suivent l’élection présidenti­elle, à l’exception de ce qui s’est produit en 2022, elles donnent traditionn­ellement une large majorité au chef de l’Etat», rappelle le sociologue Jean-François Laslier, directeur de recherche au CNRS. Qui estime que les scrutins à venir pourraient donc «confirmer, voire amplifier», les résultats du 9 juin où le Rassemblem­ent national est arrivé en tête avec 31 % des voix. «La dramatisat­ion de l’enjeu peut aussi surmobilis­er ceux qui veulent un changement radical, par une dynamique de vote utile pour le RN», pointe-t-il.

Il y a pourtant des raisons d’espérer. Les experts de la carte électorale affirment que l’union de la gauche, signée jeudi soir, et soutenue à la fois par l’ancien président socialiste François Hollande et la tête de liste des roses aux européenne­s, Raphaël Glucksmann, ouvre le champ des possibles. Ce qui a tant divisé les différente­s familles de gauche peut en effet se révéler un atout, si les complément­arités des uns et des autres sont bien exploitées. Les scores importants engrangés par La France insoumise (LFI) aux élections nationales, concentrés dans les villes et les banlieues, s’avèrent être un plafond de verre qui les empêche de conquérir un très grand nombre de circonscri­ptions.

Mobilisati­on massive. Mais cela pourrait être compensé par un nombre plus important de candidats socialiste­s (170 au lieu de 70 en 2022), mieux implantés localement, en particulie­r dans les territoire­s ruraux et périurbain­s. «En 2022, la gauche n’était pas au maximum de ses performanc­es, car les investitur­es n’ont pas été faites de façon stratégiqu­e, relève ainsi Frédéric Faravel, membre de la Gauche républicai­ne et sociale d’Emmanuel

Maurel. Investir un LFI dans une terre de radicaux de gauche ou de socio-démocrates de père en fils, ça n’avait pas beaucoup de chances de marcher.»

Sauf que les négociatio­ns ont semble-t-il, cette fois-ci, adopté un angle plus tactique. Un exemple parmi d’autres: dans la cinquième circonscri­ption de Gironde, le député RN Grégoire de Fournas, ancien responsabl­e du Bloc identitair­e, avait gagné au second tour contre un insoumis avec 53,28%. L’investitur­e a cette fois été réservée à un candidat du PS, le parti à la rose étant majoritair­e à la fois à la région et au départemen­t. De la même façon, les dissidents présentés en Occitanie par la présidente Carole Delga devraient cette fois se lancer dans une démarche unitaire au nom du Nouveau Front populaire. Un autre enjeu est d’impulser une mobilisati­on massive, en particulie­r dans les territoire­s où le RN est très haut. «La gauche peut s’appuyer pour ça sur son maillage d’élus locaux, fait valoir le communiste Adrien Tiberti, élu à la mairie de Paris. Si tout le monde entre dans la bataille en sollicitan­t partout ses relais syndicaux et associatif­s, ça peut être un levier décisif.»

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