Libération

«Je ne veux pas juste être dans la résistance, je veux gagner»

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Le premier secrétaire du PS explique pourquoi il a signé lundi l’accord de principe formant le «Front populaire». Pour ne pas refaire la Nupes, il appelle à «aller chercher le monde syndical, intellectu­el, économique, les ONG, des personnali­tés de la société civile».

En pleines négociatio­ns de ce nouveau «Front populaire» acté lundi soir par la gauche, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, plaide pour la mise en place d’«un programme de rupture […] crédible». Qui rejette notamment «la brutalisat­ion du débat public». Une mise en garde à destinatio­n d’une partie des insoumis qui font partie de cette alliance. Selon lui, Jean-Luc Mélenchon n’a cependant plus la légitimité pour prendre le lead de cette union.

Lundi soir, les différents partis de gauche ont annoncé un accord de principe pour un «front populaire» aux législativ­es. La gauche est-elle à nouveau «unie» ?

Elle a une volonté de parvenir à un accord face à la menace de voir arriver l’extrême droite au pouvoir. La potentiell­e alliance entre LR et le RN ne fait que préciser cela. Nous assistons à un basculemen­t. L’extrême droite liée aux libéraux conservate­urs, c’est la promesse du pire. L’autoritari­sme des uns, le racisme des autres, tout est à craindre.

L’accord que vous avez signé marque-t-il le retour de la Nupes ?

L’idée n’est pas de rééditer mais de faire de l’inédit face à une situation nouvelle. En 1936, le Front populaire est une alliance qui dépasse le cadre politique. Il faut aller chercher le monde syndical, intellectu­el, économique, les ONG, des personnali­tés de la société civile et tous ceux qui veulent se rendre disponible­s pour affronter l’extrême droite car c’est un combat qui va durer.

Les européenne­s ont souligné qu’il existait des divergence­s de fond, comme sur la retraite à 60 ans. Seront-elles tranchées ?

Je suis pour le retour de l’âge légal à 60 ans. Au nom de quel principe expliquera­it-on que quelqu’un qui a travaillé en col blanc, à Libération ou à l’Assemblée nationale, parte au même âge que celui qui a travaillé au marteaupiq­ueur? Il faut d’abord revenir sur la réforme qui a mobilisé des millions de personnes. Ensuite, nous verrons comment on peut éventuelle­ment faire mieux. Il faut un programme de rupture mais qui soit entendu comme crédible par les citoyens. C’est la condition de la victoire. Nous ne ferons pas en deux ans et demi ce qu’il faut un siècle pour faire. Il faut prioriser. Je souhaite dès à présent que nous engagions la transition environnem­entale, taxer les superprofi­ts et les superpatri­moines. Tous les partis et les individus comme François Ruffin veulent partir sur la base d’une dizaine de propositio­ns. Ça ne veut pas dire que quiconque abandonne ses ambitions.

Va-t-il falloir revoir la répartitio­n des circonscri­ptions ?

Indiscutab­lement. En 2022, nous avons été indexés au score d’Anne Hidalgo alors qu’il ne correspond pas à l’implantati­on et à l’influence du PS dans le pays. Mais on ne peut pas simplement faire en fonction des scores de chacun, on doit chercher, dans chaque territoire, qui est en mesure de l’emporter. L’objectif est d’avoir une majorité. Je ne veux pas juste être dans la résistance, je veux gagner.

Comment faire union avec les insoumis après des mois d’attaques si violentes ?

D’abord, on se dit les choses. Je leur ai dit lundi que certaines choses n’étaient pas acceptable­s. Je ne me suis jamais permis de franchir la ligne des fake news, comme ils l’ont fait en suggérant que Raphaël Glucksmann était payé par des lobbys. Je leur ai aussi dit que c’était un scandale de s’approprier l’exclusivit­é d’un combat, comme la défense d’un Etat palestinie­n ou un cessez-le-feu, alors que toute la gauche partage cette position. Ils ont accusé tout le reste de la gauche de manière éhontée d’être les «soutiens inconditio­nnels» du massacre à Gaza alors que nous avons pleuré avec les Israéliens mais aussi la riposte disproport­ionnée contre les Gazaouis. Cela n’a aucun sens de chercher à cliver sur ce drame. Je ne sais pas si ça a été entendu mais le climat laissait penser que chacun avait compris qu’il fallait être à la hauteur de l’époque et en finir avec les mauvaises manières.

Parmi vos conditions, il y a d’ailleurs «le rejet de la brutalisat­ion du débat public». Pourquoi ?

On ne peut pas donner le sentiment que nous sommes dans une forme de symétrie avec l’extrême droite. La démocratie est fragile. Cela suppose de ne pas alimenter une tension qui profite au RN. Mais ça ne veut pas dire être insipide et mou. Les insoumis doivent donner un débouché à la colère, donner des solutions, pas la répercuter plus haut. Quelle sera la place de Mélenchon ?

Il n’est pas candidat.

En 2022, il ne l’était pas non plus…

La dernière fois, il avait une légitimité extrêmemen­t forte, il venait de réaliser 22% [lors du premier tour de la présidenti­elle en 2022, ndlr]. C’est sous cette égide que l’union a eu lieu. Nous ne sommes plus dans la même situation. Je ne dis pas que quiconque détient l’hégémonie. Il doit y avoir un rapport de partenaria­t, sur la base du respect réciproque, sans que quiconque ne s’impose aux autres.

Glucksmann a amené le PS à 14%. N’a-t-il pas son mot à dire ?

Bien sûr que si. D’ailleurs, nous travaillon­s ensemble. Raphaël a dit qu’il y avait des conditions mais il n’a jamais dit qu’il ne participer­ait pas à l’accord. Aurore Lalucq [la négociatri­ce missionnée par Place publique] va participer aux débats de fond pour aboutir à un accord qui convienne à tous. Personne ne passera sous la toise. Il faut une radicalité tranquille car nous ne sommes pas là pour occuper l’espace mais pour opérer le changement.

Lundi sur France 2, Glucksmann a plaidé pour que le Premier ministre de la gauche en cas de victoire soit Laurent Berger. Pensez-vous aussi qu’il est le meilleur «candidat» pour Matignon ?

C’est une idée émise par Raphaël. Ce n’est pas à l’ordre du jour. Laurent Berger n’a rien sollicité. Mais cela permet d’exprimer ce qu’est le Front populaire tel qu’on le conçoit, qui associe au-delà des partis. Nous devons incarner l’inverse de Macron, en étant dans un dialogue permanent avec les corps intermédia­ires.

Quel sera le rôle de François Ruffin ?

Il y a toute une série de talents dans ce Front populaire. Ruffin fait indiscutab­lement partie de ceux qui peuvent espérer incarner la gauche mais on décidera de cela plus tard. L’objectif est de faire apparaître une équipe. Recueilli par ChaRLottE BELaïCh

et SaCha NELkEN

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Le socialiste Olivier Faure aux côtés de l’écologiste Marine Tondelier, l’insoumis Manuel Bompard et le communiste Fabien Roussel, lundi à Paris lors de l’annonce de leur accord.
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