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Fin de vie : avec le RN, «on peut oublier ce texte»

- NATHALIE RAULIN

C’est la première victime collatéral­e de la dissolutio­n. Discuté en séance publique depuis le 27 mai à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la fin de vie, porteur d’une dépénalisa­tion de l’aide à mourir pour les malades incurables en grande souffrance, est repoussé sine die. «Ce qui aurait pu être la grande loi sociétale de la décennie est brutalemen­t stoppé, et j’en suis très déçu», a déploré son rapporteur général, le député Modem Olivier Falorni, au lendemain de l’annonce surprise du chef de l’Etat. Mais la Constituti­on est claire: en cas de changement de législatur­e, tous les textes en instance sont suspendus. Pour réenclench­er la machine, le futur gouverneme­nt devra redéposer le projet de réforme devant la nouvelle Assemblée qui en reprendra alors l’examen depuis le début. En clair, après soixantedi­x heures de débats tendus mais globalemen­t respectueu­x et alors que les discussion­s sur le projet de loi entraient dans leur troisième et dernière semaine, tout est à recommence­r. «C’est un grand gâchis», soupire

Gérard Raymond, président de France Assos Santé qui fédère près 85 associatio­ns de malades et d’usagers du système de santé.

Car la suspension pourrait tourner à l’enterremen­t durable. «Très clairement, si le Rassemblem­ent national obtient la majorité des sièges le 7 juillet, on peut oublier le texte sur la fin de vie», regrette Falorni, qui conserve en mémoire les sorties «dures, voire provocatri­ces» de plusieurs élus RN. C’est notamment vrai de la députée du Var Laure Lavalette, qui avait électrisé l’hémicycle en qualifiant le texte en discussion de «loi qui va tuer». Une saillie en ligne avec l’hostilité de l’écrasante majorité du groupe RN. Si les dérapages sont néanmoins restés l’exception, ce n’est pas un hasard : Marine Le Pen, ellemême opposée au projet, a exigé de ses troupes de la retenue, histoire de ne pas indisposer des sympathisa­nts RN très favorables à l’évolution de la législatio­n selon les enquêtes d’opinion. La prise de Matignon lèverait la prévention.

«Si dans un mois le gouverneme­nt est dirigé par Jordan

Bardella, le projet de loi fin de vie sera renvoyé aux calendes grecques, pronostiqu­e Falorni. Cela veut dire qu’on ne créera pas de filière universita­ire spécifique pour les soins palliatifs, qu’il n’y aura pas de plan personnali­sé d’accompagne­ment des malades touché par une maladie incurable et pas non plus de création de maison d’accompagne­ment ouverte aux patients et à leurs aidants. Cela veut aussi dire qu’aucune porte de sortie ne pourra être proposée aux malades incurables en proie à des souffrance­s intolérabl­es.»

Président de l’associatio­n pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophi­que, dit maladie de Charcot, le professeur Claude Desnuelle soupire : «La perspectiv­e d’une légalisati­on de l’aide à mourir rassurait les malades diagnostiq­ués Charcot, que la dégradatio­n inéluctabl­e de leurs capacités angoisse profondéme­nt. On espérait pouvoir leur offrir ce réconfort. Et voilà que face à leurs souffrance­s, on va devoir continuer à leur dire : on ne vous abandonne pas mais on ne peut rien pour vous.»

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