Fin de vie : avec le RN, «on peut oublier ce texte»
C’est la première victime collatérale de la dissolution. Discuté en séance publique depuis le 27 mai à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la fin de vie, porteur d’une dépénalisation de l’aide à mourir pour les malades incurables en grande souffrance, est repoussé sine die. «Ce qui aurait pu être la grande loi sociétale de la décennie est brutalement stoppé, et j’en suis très déçu», a déploré son rapporteur général, le député Modem Olivier Falorni, au lendemain de l’annonce surprise du chef de l’Etat. Mais la Constitution est claire: en cas de changement de législature, tous les textes en instance sont suspendus. Pour réenclencher la machine, le futur gouvernement devra redéposer le projet de réforme devant la nouvelle Assemblée qui en reprendra alors l’examen depuis le début. En clair, après soixantedix heures de débats tendus mais globalement respectueux et alors que les discussions sur le projet de loi entraient dans leur troisième et dernière semaine, tout est à recommencer. «C’est un grand gâchis», soupire
Gérard Raymond, président de France Assos Santé qui fédère près 85 associations de malades et d’usagers du système de santé.
Car la suspension pourrait tourner à l’enterrement durable. «Très clairement, si le Rassemblement national obtient la majorité des sièges le 7 juillet, on peut oublier le texte sur la fin de vie», regrette Falorni, qui conserve en mémoire les sorties «dures, voire provocatrices» de plusieurs élus RN. C’est notamment vrai de la députée du Var Laure Lavalette, qui avait électrisé l’hémicycle en qualifiant le texte en discussion de «loi qui va tuer». Une saillie en ligne avec l’hostilité de l’écrasante majorité du groupe RN. Si les dérapages sont néanmoins restés l’exception, ce n’est pas un hasard : Marine Le Pen, ellemême opposée au projet, a exigé de ses troupes de la retenue, histoire de ne pas indisposer des sympathisants RN très favorables à l’évolution de la législation selon les enquêtes d’opinion. La prise de Matignon lèverait la prévention.
«Si dans un mois le gouvernement est dirigé par Jordan
Bardella, le projet de loi fin de vie sera renvoyé aux calendes grecques, pronostique Falorni. Cela veut dire qu’on ne créera pas de filière universitaire spécifique pour les soins palliatifs, qu’il n’y aura pas de plan personnalisé d’accompagnement des malades touché par une maladie incurable et pas non plus de création de maison d’accompagnement ouverte aux patients et à leurs aidants. Cela veut aussi dire qu’aucune porte de sortie ne pourra être proposée aux malades incurables en proie à des souffrances intolérables.»
Président de l’association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, dit maladie de Charcot, le professeur Claude Desnuelle soupire : «La perspective d’une légalisation de l’aide à mourir rassurait les malades diagnostiqués Charcot, que la dégradation inéluctable de leurs capacités angoisse profondément. On espérait pouvoir leur offrir ce réconfort. Et voilà que face à leurs souffrances, on va devoir continuer à leur dire : on ne vous abandonne pas mais on ne peut rien pour vous.»