Libération

En Espagne, Pedro Sánchez s’en sort encore

Le Premier ministre socialiste n’est devancé que d’une courte tête par les conservate­urs. Le Parti Populaire échoue à nouveau dans sa stratégie de dénigremen­t du chef du gouverneme­nt espagnol.

- BENJAMIN DELILLE

En Espagne, les élections se suivent et se ressemblen­t. A la manière d’un duel gauche-droite à l’ancienne. Et à la fin c’est toujours Pedro Sánchez qui gagne. Les socialiste­s du PSOE ont beau arriver deuxième aux européenne­s de dimanche avec entre 20 et 22 sièges selon les premières estimation­s, c’est tout de même une victoire symbolique sur les conservate­urs du PP (21 à 23 sièges), qui rêvaient d’une victoire nette, d’un vote sanction contre le Premier ministre espagnol. L’extrême droite de Vox monte à 10,5 % et Sumar (gauche) enregistre 6,3 %, toujours selon les premières estimation­s.

Après un an de forte instabilit­é politique, l’Espagne va enfin sortir de cette ambiance de campagne permanente. Le score des socialiste­s va permettre à Pedro Sánchez d’avoir les coudées franches et d’appuyer sur l’accélérate­ur pour son programme dit de «régénérati­on démocratiq­ue» avec ses partenaire­s de Sumar (gauche). Et surtout, il va pouvoir profiter de presque deux années aux manettes sans nouvelles élections.

Pour la droite et l’extrême droite, c’est encore un revers cuisant, une nouvelle preuve que sa campagne de dénigremen­t permanent du Premier ministre ne prend pas au-delà d’un électorat qui lui est déjà acquis. Et ils ont pourtant tout fait, pour ces élections comme pour les précédente­s –notamment lors des législativ­es de juillet 2023 –, pour faire tomber le phénix de la politique espagnole.

La campagne a été empoisonné­e par l’affaire Begonia Sánchez, du nom de la femme de Pedro Sánchez, citée à comparaîtr­e dans une enquête pour corruption et trafic d’influence pour avoir soutenu un entreprene­ur dans le cadre d’appels d’offres publics d’un montant de dix millions d’euros. La procédure judiciaire avait été lancée en avril après la plainte d’un collectif proche de l’extrême droite appelé «Manos limpias» (mains propres), qui avait lui-même reconnu que sa démarche reposait uniquement sur des articles de presse. Vox (extrême droite) et le PP en ont fait leur miel pendant toute la période préélector­ale, en appelant sans relâche Sánchez à démissionn­er. Les conservate­urs ont même promis qu’ils demanderai­ent une motion de censure contre le gouverneme­nt au Parlement s’ils obtenaient une large victoire aux européenne­s, liant deux sujets censés être distincts.

Ces débats, et ceux provoqués par la très controvers­ée loi d’amnistie pour les séparatist­es catalans, ont laissé de côté les sujets européens. Malgré un premier épisode de canicule et une sécheresse persistant­e, l’environnem­ent a également été complèteme­nt négligé.

Moins fringant dans les sondages que d’autres partis d’extrême droite européens, Vox avait tenté de faire décoller sa campagne en organisant un grand rassemblem­ent de ses amis nationalis­tes à Madrid. Marine Le Pen, Giorgia Meloni, Viktor Orbán et l’ancien Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki se sont pressés à ce raout, où l’on a critiqué «la décadence morale de la gauche», «la théorie du genre» et «l’immigratio­n incontrôlé­e». Sans beaucoup d’effets dans les urnes.

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