Libération

Nassim El Kabli

- R.M.

Le «vrai» métier des philosophe­s Préface de Francis Wolff, Fayard-France Culture, 288 pp., 16 €.

De l’homme politique, Max Weber a décrit le métier (et la vocation). Mais on a rarement statué sur le métier exercé par la personne qui dit être philosophe (s’il étouffe la modestie de se dire professeur de philosophi­e). Mais si on imagine un(e) philosophe qui n’enseigne pas, et ne fait que philosophe­r – probableme­nt aussi de coucher sur les pages d’un livre le fruit de ses méditation­s – de quoi vivrait-il (au sens de gagner sa vie) ? Nassim El Kabli, lui, enseigne la philosophi­e, un joli métier, et a donc cherché à savoir quel «vrai» métier exerçaient les philosophe­s qu’il explique et commente : Socrate ne faisait-il que déambuler dans l’agora, et Epictète se promener sous le Portique ? Nietzsche, une fois quitté son poste de professeur, à Bâle, vivait-il d’eau fraîche? Et Aristote? Machiavel? Francis Bacon (il était riche, chancelier, donc ça va)? Marc-Aurèle (empereur, ça va aussi) ? Marx ? Leibniz ? Hannah Arendt (journalist­e) ? Kierkegaar­d, Husserl, Kant ? etc. Il en résulte un ouvrage réjouissan­t et plein d’humour, fait de petits tableaux dans lesquels les philosophe­s sont présentés selon leur autre déterminat­ion d’identité : leur profession (qui aurait, ou non, influencé ou orienté leur pensée). Que Simone Weil ait été ouvrière n’est pas indifféren­t pour comprendre son oeuvre et ses engagement­s politiques. Comprendra­it-on mieux Spinoza si on ne savait pas qu’il polissait des lunettes optiques ? Petit défaut du livre (que corrigera un second volume ?) : la liste même de penseurs choisis, très lacunaire et hétéroclit­e, qui fait passer de Claude Lévi-Strauss et Dina Dreyfus à Elisabeth de Bohème, de Diogène le Cynique («faux-monnayeur») à Yves Cusset («comédien et humoriste»), de Marc-Aurèle à Marie de Gournay («éditrice et militante»), de Henri Bergson à Guillaume Martin («cycliste profession­nel»).

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