«Eric», le monstre se foire
Embarrassée par sa créatureconcept qui apparaît au père égocentrique d’un enfant disparu, la minisérie Netflix, avec Benedict Cumberbatch, reste trop superficielle.
Au coeur du dispositif d’Eric, il y a Benedict Cumberbatch. Elevé au rang de star par la série télé (Sherlock), l’acteur britannique y revient dans la peau d’un génie créatif à la tête d’une populaire émission pour gamins, façon Sesame Street. Habité par un boulot qui lui permet d’être un roi-soleil autour duquel gravitent des astres mineurs, Vincent ménage une petite place dans son monde à son fils de 9 ans, embarqué sur les tournages et contraint, à table, de répéter des pitchs de ventes de programmes. Ce à quoi le petit Edgar se plie dans l’espoir de grappiller un peu d’attention. Vincent est brutalement rappelé sur Terre lorsque le gamin disparaît sur le chemin de l’école. Fugue, enlèvement, meurtre ? Dans le New York craspec et dangereux des années 80, tout semble plausible et la série entretient le doute un moment, afin de permettre au détective Ledroit de s’installer et de mener l’enquête.
Ce dernier scrute le mariage de Vincent et Cassie, qui vit ses dernières heures. Inspecte le voisinage immédiat (joie de retrouver Clarke Peters, le Lester de The Wire). Peu à peu, la disparition d’Edgar entre en résonance avec celle d’un autre enfant, survenue quelques mois plus tôt. Un enfant noir, dont le cas n’a pas retenu l’attention des médias, voire de la police. Seul flic au service des personnes disparues, noir, homo et de fait dans la position de l’électron libre, Ledroit s’enfonce dans la vie nocturne du quartier et lève peu à peu le voile sur un réseau d’entente crapuleuse impliquant des flics et des hommes politiques. Prise dans l’élan de son inspecteur, la série lorgne le polar politique contre un système répressif taillé pour protéger les blancs cis. Avant de revenir à ses oignons et à sa star Cumberbatch, qui mène sa propre enquête.
Si la série ne prend ni le nom du gamin (Edgar) ni celle du père (Vincent), c’est qu’elle introduit un troisième personnage, Eric, sorte d’agent de médiation entre les deux: une créature poilue (copié-collé du Sully de Monstres & Cie, livré ici façon Michel Gondry) imaginée par le petit pour l’émission de son père. Qui apparaît à Vincent, façon ami imaginaire, sitôt l’enfant disparu. Matérialisation maladroite et inutile de la voix intérieure d’un créatif pétri de penchants autodestructeurs et rongé par la culpabilité d’avoir négligé son enfant, Eric incarne surtout l’immense maladresse d’une série qui ne sait pas se dépatouiller d’une créature-concept qu’elle ne parvient jamais à assumer franchement. A la fois trop rare à l’écran et trop encombrant lorsqu’il se montre, le monstre devient un boulet que se traîne une série qui, en essayant de donner forme à un drame intime et à une charge contre un système malade, ne trouve jamais le ton juste et ne fait qu’effleurer ses sujets.
Eric d’Abi Morgan Sur Netflix.