En voie de reconstruction, le PS escompte prendre la tête de la gauche
Le score de la liste menée par Raphaël Glucksmann devrait redonner du souffle à une formation sortie laminée de la présidentielle. Et qui pourrait compter sur lui pour 2027.
Chez les socialistes, on dit que les campagnes victorieuses commencent à Toulouse et se terminent à Lille, comme celle de Raphaël Glucksmann. «Ce sont les deux pôles historiques du socialisme», explique le député Arthur Delaporte. A moins que ce ne soit l’inverse, mais peu importe. Dimanche, le résultat a de bonnes chances d’avoir des airs de victoire pour les socialistes. Avec un socle à 12 %, selon les sondages, Raphaël Glucksmann a réanimé un parti qui avait récolté 1,7% des voix à la présidentielle. En tête de la gauche, il a aussi été la cible privilégiée des insoumis, qui ne lui auront rien épargné, l’assimilant à une résurrection du quinquennat Hollande, l’accusant d’ambiguïté sur Gaza ou laissant entendre qu’il était payé par des lobbys, à tort. L’eurodéputé, qui a longtemps voulu ignorer, a fini par assumer un face-à-face presque moral entre deux «rapports à la démocratie, à la vérité et à la violence». Raphaël Glucksmann a toujours nié une quelconque ambition présidentielle. Ceux qui le connaissent le croient, ils savent sa réticence à se mettre en avant, sa gêne à jouer le politique. Mais, peu à peu, son discours a changé. «Je ne prendrai pas le Thalys le 10», s’est-il longtemps contenté de dire pour signifier qu’il participerait à la reconstruction de la gauche en vue de 2027 plutôt que de se cloisonner à Bruxelles. «Nous sommes en train d’ouvrir un nouvel espace politique», revendique-t-il aujourd’hui.
«Confiance». «Sa voix va porter, mais je ne pense pas qu’il ait envie d’être candidat, affirme un cadre socialiste. Après, il sera très probablement poussé par son entourage et, qui sait, l’appétit vient en mangeant.» «Pas question de faire un truc solitaire», insiste en tout cas un proche, alors que certains, au PS, espèrent que le temps de l’hégémonie est revenu. Depuis le début de la campagne, Glucksmann veille à garder François Hollande et sa génération à distance. «Un de ses messages, c’est qu’il ne sera pas le représentant de la social-démocratie molle, c’est aussi ça qui marche», analyse Arthur Delaporte. Dans la foulée du 9 juin, il pourrait signer l’appel en préparation de l’économiste Julia Cagé, qui veut parasiter le récit des gauches irréconciliables et convaincre qu’uni, ce camp peut gagner. Olivier Faure, de son côté, élabore l’après. Le premier secrétaire du PS sera sur les plateaux télé dimanche soir pour saluer le score de sa tête de liste, dire son inquiétude face à la montée du RN et acter que les libéraux ne peuvent plus faire barrage. Seule la gauche, assure-t-il, peut offrir une alternative. Depuis bientôt un an, le député de Seine-et-Marne prépare discrètement la suite avec Marine Tondelier, son homologue écologiste, ainsi que des personnalités insoumises et communistes. Rien ou presque de ces rendez-vous n’a filtré. «Pour que ça fonctionne, il fallait de la confiance», explique un participant. Les insoumis présents, en désaccord avec la stratégie de leur mouvement, devaient aussi éviter les procès en trahison, fréquents dans leur camp.
Stratégie. La séquence qui s’ouvre dimanche pourrait être le moment de la clarification. Les insoumis opposés à leur direction «vont devoir rompre», estime un unioniste, qui promet que «tout va bouger» entre le 9 juin et l’automne, avec une concentration dans les deux semaines qui suivront le scrutin. La seule certitude, pour le moment, est la volonté de ce petit groupe qui représente toutes les gauches de construire un cadre collectif pour aboutir à une candidature commune en 2027. «Il faut plus qu’un comité de liaison, affirme l’un d’eux. A partir de là, il y a plein de questions : est-ce qu’il faut créer une confédération ? Mettre en place la double adhésion ? Notre pari, c’est que la marque union est plus forte que la marque Mélenchon.» Olivier Faure veille à ne pas installer une confrontation avec le leader insoumis, dont la volonté de se présenter une quatrième fois fait de moins en moins de doute. Le socialiste ne veut pas rejouer les gauches irréconciliables, ni braquer l’électorat LFI, mais il admet aujourd’hui que la gauche unie ne pourra pas se ranger derrière Mélenchon. L’ancien socialiste a trop attaqué, trop heurté. Tous les sondages le donnent en outre perdant face à Marine Le Pen. Dès mardi, les socialistes débattront de leur stratégie pour l’avenir lors d’un conseil national. Nicolas MayerRossignol, maire de Rouen, opposant interne d’Olivier Faure et partisan de l’affirmation du PS, a déjà prévu une conférence de presse juste avant. «Tout le monde va vouloir raconter sa propre histoire, prédit une socialiste. Mais je n’exclus pas des convergences.»